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Marie-Soleil Desautels

Arsenic : le Programme de suivi de retour

L’équipe du Programme de suivi des effets sur la santé de l’arsenic revient en ville ce printemps pour collecter de nouveaux échantillons. Elle a aussi partagé ses plus récents résultats.


(Photo : Cristiano Pereira)


Les recherches visant à s’assurer que les activités d’assainissement à la mine Giant n’ont pas de répercussions sur la santé des résidants de Yellowknife, Ndilo et Dettah reprennent ce printemps. Celui qui dirige le Programme de suivi des effets sur la santé, le docteur Laurie Chan, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en toxicologie et santé environnementale à l’Université d’Ottawa, et des membres de son équipe l’ont rappelé lundi dernier, tout en présentant les résultats de leur 3e rapport d’étape devant une trentaine de personnes réunies au Northern United Place.


Le Programme de suivi des effets sur la santé a été mis en place en 2017 pour répondre aux inquiétudes du public quant aux effets potentiels sur la santé de l’arsenic et des activités d’assainissement à la mine. L’un des objectifs était d’établir, avant le début des travaux, les niveaux de référence d’exposition aux contaminants chez les participants à l’étude. Puis, au fil des années, de s’assurer que ces niveaux n’augmentent pas en raison des travaux.


En 2017 et 2018, un peu plus de 2000 personnes ont participé, certaines sélectionnées de manière aléatoire et d’autres s’étant portées volontaires. Du lot, quelque 500 enfants. Des échantillons d’urine, d’ongles d’orteil et de salive ont permis d’y dépister l’arsenic et d’autres métaux et d’examiner les profils génétiques. Les participants ont aussi fourni leurs dossiers médicaux des cinq années précédentes et rempli un questionnaire sur leur mode de vie et leur alimentation. Les résultats ont été partagés aux individus en 2019, notamment pour l’urine – les concentrations d’arsenic total étaient plus faibles chez les participants que dans la population canadienne –, mais les autres analyses ont pris plus de temps. Laurie Chan a ainsi présenté, lundi, le reste des résultats.


Ce printemps, l’équipe du professeur espère recueillir des échantillons chez les mêmes jeunes qu’il y a cinq ans ainsi que chez 200 autres enfants qui seront recrutés de manière aléatoire grâce aux données de Statistique Canada. Puis, en 2028, toute la cohorte, incluant les adultes, sera testée à nouveau et le professeur s’attend à ce que le projet continue bien au-delà.


« L’idéal, c’est que les mêmes personnes continuent à participer, affirme Laurie Chan. Ça rend le projet moins puissant si elles ne reviennent pas. »

Rappelons que les mines d’or Giant et Con ont relâché dans l’environnement des milliers de tonnes de poussières de trioxyde de diarsenic, un sous-produit toxique du grillage du minerai pour extraire l’or. En 1951, la mine Giant s’est mise à capter l’arsenic pour le stocker sous terre jusqu’à y accumuler plus de 237 000 tonnes.


En soi, l’arsenic est présent naturellement dans l’environnement ; on y est exposé par les aliments qu’on mange – il y en a surtout dans le riz, les fruits de mer et les champignons – et l’eau qu’on boit ou en inhalant de la poussière et en étant en contact avec celle-ci. Il est impossible de mesurer l’exposition à l’arsenic sur toute une vie, car il ne s’accumule pas dans le corps comme le mercure, par exemple. L’arsenic est éliminé en majorité par l’urine en trois à cinq jours et une partie se lie à la kératine des ongles, mais n’indique sa présence que depuis deux à douze mois.


Ce que disent….

Les ongles d’orteil Les concentrations d’arsenic sont plus élevées dans les ongles d’orteils des enfants que des adultes, selon l’analyse de 1872 échantillons provenant de résidants de 3 à 79 ans. Pourquoi ? Parce que les enfants jouent dehors et ont souvent les pieds nus, avancent les chercheurs. Laurie Chan s’empresse de préciser qu’il est « tout à fait sécuritaire de s’amuser dehors. » Mais, continue-t-il, « au retour à la maison, on conseille de se laver les mains, les pieds et de ne pas porter les chaussures qu’on a utilisées à l’extérieur dans la maison afin de limiter le transport de poussières. » L’équipe a testé les différentes couches de l’ongle : l’arsenic au cœur de celui-ci aurait été ingéré, tandis que l’arsenic trouvé dans les couches plus en surface provient « très probablement de poussières, du sol ou de sédiments », affirme Laurie Chan. D’ailleurs, les ongles d’orteil prélevés au printemps et en été présentaient des niveaux plus élevés, ce qui soutient leur hypothèse des activités extérieures.

Les dossiers médicaux Existe-t-il une relation entre les conditions médicales des participants et les niveaux d’arsenic mesurés dans leur urine et leurs ongles d’orteil ? L’analyse de leurs dossiers médicaux a révélé une seule différence en défaveur des Yellowknifiens : « le taux de mélanome et d’autres cancers de la peau était plus élevé dans la population de Yellowknife qu’ailleurs aux Territoires du Nord-Ouest et au Canada », dit Laurie Chan. Cela dit, il est beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions. « On souhaite mener une étude longitudinale qui permettra de voir, à long terme, s’il y a une relation chez les individus qui présentent le plus d’arsenic dans leur urine et leurs ongles et des cancers de la peau ou s’il n’y en a pas. » En attendant, il rappelle l’importance d’utiliser de la crème solaire, ce qui demeure la meilleure façon de réduire le risque de développer un cancer de la peau.

Les profils génétiques Chaque personne métabolise l’arsenic différemment, comme c’est le cas pour le lactose ou l’alcool, rappelle le docteur Laurie Chan. Une fois l’arsenic dans notre corps, qu’on l’ait ingéré ou inhalé, notre foie le traite avant qu’il ne soit rejeté dans l’urine et une enzyme protéique aide au processus. Or, certaines personnes métabolisent moins bien l’arsenic à cause d’un groupe de gènes, le Haplotype-AS3MT, qui nuit à la production de cette enzyme particulière. En tout, 282 participants de Yellowknife et 61 participants de la Première Nation des Dénés Yellowknives sont porteurs de ce groupe de gènes. Mais « une personne porteuse ne doit pas s’inquiéter », rassure Laurie Chan. C’est à l’échelle de la population que ces résultats prennent du sens : ces profils génétiques servent à identifier un facteur de risque potentiel pour des maladies comme le cancer de la peau ou d’autres problèmes de santé. Il n’existe pas de données sur ce groupe de gènes à l’échelle canadienne pour comparer, mais Laurie Chan estime que la « population de Yellowknife est assez bien mélangée » pour que ce soit similaire.

Les biomarqueurs Deux biomarqueurs qui pourraient indiquer un problème à long terme lié à l’arsenic ont retenu l’attention de l’équipe. L’un d’eux est une protéine produite par nos reins lorsqu’ils sont blessés, la KIM-1, et l’autre par les poumons, la CC16. Ces biomarqueurs sont étudiés seulement chez les enfants puisque, par exemple, le tabagisme chez les adultes vient fausser les données. Les chercheurs ont ainsi établi des niveaux de référence pour détecter les effets précoces de l’exposition à l’arsenic chez les enfants. « On va mesurer ces protéines chez nos participants pendant 5, 10 ou 40 ans, ou jusqu’à tant que les Ténois soient satisfaits du programme de suivi, explique Laurie Chan. Quand les enfants seront adultes, on pourra voir si l’arsenic a un effet grâce aux biomarqueurs. »


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