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Photo du rédacteurCristiano Pereira

Au-delà du 60e parallèle : le périple audacieux de l’équipe AKOR à travers le Nord

Un groupe d’aventuriers québécois se prépare pour une expédition à traverser les territoires nordiques du Canada, de la frontière de l’Alaska jusqu’à la côte est de l’ile de Baffin, au Nunavut.


Cristiano Pereira

IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon


L’expédition AKOR 2024 commencera dans les prochaines semaines, en avril, avec une durée estimée à six mois sans interruption. Le trajet sera entièrement au nord du 60e parallèle et sera accompli en vélo, en canot, en voilier et à pied.

Bien que seulement deux membres de l’équipe – Nicolas Roulx et Catherine Chagnon – effectueront le trajet complet, une dizaine de personnes seront impliquées dans l’expédition à différentes étapes.


L’aventurier Nicolas Roulx n’est pas un débutant. Il a une expérience dans ces domaines et a parcouru plus de 12 000 km en canot, à ski, à vélo et à pied à travers le Canada. En 2021, durant une période de huit mois, de mars à novembre, il a réalisé, avec Guillaume Moreau, une première historique en traversant le Canada du nord au sud, une prouesse jamais tentée auparavant, en s’appuyant uniquement sur la force humaine. 


Cette expédition inédite a connecté l’ile d’Ellesmere, située à l’extrémité nord du pays, à la frontière américaine au sud de l’Ontario, marquant l’une des plus longues aventures en milieu sauvage jamais entreprises au Canada. Ils ont remporté le prix Expédition de l’Année de la Société géographique royale canadienne et l’aventure a été immortalisée dans l’ouvrage intitulé 234 jours, fruit de la collaboration littéraire entre Nicolas et Guillaume, les deux membres qui ont réalisé le parcours dans sa totalité, tandis que cinq autres aventuriers les ont accompagnés pour des sections spécifiques. L’expédition a aussi engendré la réalisation d’un film, Canada Vertical, actuellement projeté dans quelques festivals de films d’aventure.




Le chemin que va parcourir l'équipe. (Courtoisie équipe AKOR)


Passionnée par les écosystèmes nordiques, Catherine Chagnon a déjà vécu de nombreuses semaines en régions isolées au Nunavik. Grimpeuse confirmée et experte en canoë-kayak, Catherine est perpétuellement saisie par l’envie de se retrouver une fois de plus au milieu de l’immensité des paysages de la toundra. Elle a discuté de cette nouvelle aventure avec Médias ténois.


Médias ténois : Comment avez-vous planifié votre itinéraire et quels ont été les critères de sélection des différents modes de transport?

Catherine Chagnon : En fait, l’idée de base, c’est de faire une expédition qui couvrira les Territoires d’ouest en est. Donc, le défi, vraiment, c’était de faire rentrer ça dans un seul été, ou au moins en continu. Comme il y avait une très grande distance à couvrir, on a sélectionné des moyens de transport qui nous permettaient de faire ça en maximisant le temps qui était disponible selon les conditions météorologiques. Puis aussi, comme on est à la base des canoteurs, bien sûr, on a essayé de faire le plus possible de l’expédition en canot, maximiser la période qui est accessible pour le canot.


Quand on va arriver à la transition entre le vélo et le canot, on va être au balbutiement de la saison pendant laquelle l’eau est libre de glace et pendant laquelle on peut utiliser l’eau comme moyen de transport. Notre idée, c’était de maximiser l’utilisation du canot, qui aussi, ça rentre en une seule saison. 

Donc, il fallait qu’on puisse arriver à la transition avec le voilier dans des temps qui étaient raisonnables pour que le voilier puisse naviguer parce qu’on sait qu’à l’automne, c’est plus difficile à cause des vents et des ouragans. Il fallait être dans une période qui était correcte et sécuritaire pour la navigation pour permettre au voilier de faire la route.


Mt : Pouvez-vous me décrire quel est votre trajet ici aux Territoires du Nord-Ouest? 

CC : Nous allons passer par les rivières Nahanni et Liard, puis remonter le Mackenzie, pour ensuite traverser tout le Grand lac des Esclaves en longeant la rive sud. Nous allons ensuite rejoindre la rivière Thelon, qui nous permettra de nous rendre jusqu’à Baker Lake, au Nunavut. Toute cette section de l’expédition sera réalisée en canot. 



Mt : Outre le gout de l’aventure, votre expédition comporte également un volet scientifique, pouvez-vous m’en parler?

CC : Oui, exactement. Au fond, moi, je travaille en recherche à l’Université Laval, au département des sciences de la forêt. Guillaume Moreau, qui est avec moi, et qui va être avec nous pendant la partie canoë, est professeur à l’Université Laval.


Depuis de nombreuses années, à chaque fois que Guillaume part en expéditions, il profite de ses aventures-là pour récolter des données sur les arbres. Il faut savoir que les forêts qu’on a au nord du pays sont dans des endroits qui sont souvent difficilement accessibles pour des raisons logistiques. Ce sont des forêts qui vont subir un réchauffement très important. C’est d’abord le réchauffement climatique qui est beaucoup plus amplifié dans le nord du pays qu’il est dans le sud. Et donc, c’est intéressant d’utiliser ces arbres-là pour essayer de mieux comprendre comment les forêts répondent aux changements climatiques.


Mt : Comment l’équipe va-t-elle gérer les approvisionnements en nourriture pendant tout le périple? 

CC : On a cinq ravitaillements sur l’entièreté du parcours, ce qui signifie que la grande majorité du temps, on est en autonomie complète pour des segments d’environ 30 à 45 jours. On prépare toute la nourriture d’avance. On est beaucoup là-dedans, justement, on est en train de la déshydrater pour qu’elle se conserve longtemps. Et lorsqu’on est en canot, on a toute la nourriture avec nous dans les canots, dans des barils étendus. Et ça nous permet de rallier diverses communautés dans lesquelles on veut pouvoir faire envoyer un ravitaillement.



(Courtoisie équipe AKOR)


Mt : Comment allez-vous gérer la communication et la sécurité tout au long du parcours, étant donné les zones reculées que vous allez traverser?

CC : On a de l’équipement pour faire des appels par satellite avec nous et des balises qui nous permettent de communiquer via des messages qui sont transmis par satellite. On a moyen d’être en contact tous les jours avec nos proches ici qui sont à Québec. 

Donc, tous les jours, on est capable de dire, OK, on est rendu à tel endroit et ça va bien. Et en cas de besoin, on peut téléphoner ou envoyer un signal de détresse si jamais les choses tournent mal. Puis, on a un contact de sécurité aussi qu’on va appeler une fois par semaine. Et c’est un bon ami qui a une expérience dans ce genre d’expédition là, aussi. Donc, on va toujours le garder au courant de comment ça va, qu’est-ce qui se passe, etc., pour qu’il s’assure que tout va bien et nous aide en cas de problème. 


Mt : Selon vous, quelles sont les qualités essentielles pour être membre de cette équipe d’expédition?

CC : Je crois que, la première qualité c’est vraiment d’être à l’écoute. Ça peut être un peu injuste au départ, mais être à l’écoute des autres et être à l’écoute de soi. Parce qu’en étant en région, il faut vraiment faire attention aux autres gens. c’est vraiment l’essentiel. Il faut être capable de bien comprendre comment les autres gens ont vécu ce temps et comment, nous, on se sent pour le communiquer aux autres. Donc, d’assurer toujours une bonne communication au sein de l’équipe parce qu’au jour le jour, c’est vraiment ce qui est important. 


Mt : Comment l’équipe va-t-elle partager son expérience tout au long du voyage? 

CC : C’est sûr qu’on a un accès limité au réseau Internet, donc, là, on s’assure qu’on ne pourra pas toujours publier des photos, mais il y a moyen pour les gens de s’abonner à une infolettre. On a publié le lien sur nos réseaux sociaux, sur notre site Internet, puis en fait, ça fait que chaque semaine [les personnes abonnées] reçoivent un compte rendu de ce qui s’est passé durant la dernière semaine en cours, un récit des dernières avancées de l’équipe et de comment ça se passe sur le terrain. Puis aussi, chaque jour, sur notre site Internet, on va avoir notre localisation.


Mt : Qu’espérez-vous que les gens retiennent de cette aventure à travers l’Arctique canadien? 

CC : C’est une bonne question. Il y a plusieurs choses. Je dirais que, des fois, il ne faut pas avoir peur d’essayer de faire quelque chose, même si on n’a pas l’impression que c’est possible. C’est assez récent pour moi, que je fasse des projets de ce genre-là. Jamais avant la dernière expédition je ne pensais être capable de me lancer dans un projet comme ça. Je pense que, des fois, il ne faut pas avoir peur d’essayer, puis réessayer, puis souvent, ça fonctionne super bien. De ne pas avoir peur d’enclencher les choses pour réaliser quelque chose. On aimerait peut-être motiver les gens à aller à la rencontre de la nature, puis sensibiliser les gens aux enjeux climatiques et environnementaux qui nous entourent. Être en contact avec la nature, ça me permet de mieux comprendre ces enjeux-là, puis d’avoir plus de coups à investir aussi pour être partie de la société.


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