Balados engagés : l’immigration au cœur de la francophonie
Le projet Cuisine ton Quartier s’est imposé comme une voix pour les nouveaux arrivants francophones au Canada.
Cristiano Pereira
IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon
Avec ses balados touchants et engagés, le projet Cuisine ton Quartier explore les récits uniques d’immigrants francophones à travers le Canada. Ce projet va bien au-delà des mots : il essaie d’aller contre le racisme et de contribuer à la revitalisation de la francophonie partout au Canada. Au cours de la première semaine de décembre, sa créatrice et stratège, Annie Roy, a réalisé une série d’entrevues avec des membres de la communauté immigrante francophone de la capitale ténoise.
Annie Roy, reconnue pour son travail à la croisée de l’art et des grandes causes sociales, était à Yellowknife la semaine dernière pour réaliser plusieurs entrevues. (Photo Cristiano Pereira)
« Factuellement, le projet, c’est des balados, des podcasts en ligne, pour recueillir les témoignages des nouveaux arrivants francophones au Canada », explique Annie Roy. Disponible sur plusieurs plateformes d’écoute et enrichi de signalétiques QR dans les espaces publics, Cuisine ton Quartier combine art, témoignage et immersion sociale pour connecter les communautés locales et les récits migratoires.
L’idée est de faire entendre les voix de ceux qui construisent la francophonie canadienne dans toute sa diversité. Ce projet s’inscrit dans la lignée de Cuisine ta Ville, une biennale artistique lancée à Montréal aussi par Annie Roy. Transformé en balados par nécessité pendant la pandémie, c’est devenu un outil éducatif et émotionnel : ça donne accès aux histoires de vie des participants. « Chaque personne est un peu comme un voyage. C’est beau à entendre. Je me sens privilégiée d’entendre les histoires de vie », confie Mme Roy.
Au cœur de Cuisine ton Quartier, l’immigration est célébrée comme un moteur vital pour les communautés francophones canadiennes. « Il y a des communautés francophones qui s’atrophient et qui ont besoin de gens qui arrivent avec de l’énergie, des projets, un bagage, et des compétences. C’est ça qui va faire que les communautés francophones sont vivantes et se développent », souligne Annie Roy.
Le projet met aussi en lumière les réalités complexes auxquelles font face les immigrants. Les barrières linguistiques, notamment, sont souvent source de désillusion. « Le Canada est vendu comme un pays bilingue, ce qu’il n’est pas. Quand tu arrives et que tu ne parles que le français, tu ne vas pas te trouver d’emploi. » Malgré ces défis, les témoignages révèlent des parcours de résilience et d’adaptation.
Cuisine ton Quartier ne veut pas juste être un projet de narration et cherche à être aussi une déclaration sociale. « Le but, c’est de valoriser l’apport immigrant francophone dans les différentes communautés du Canada pour leur émancipation, leur évolution, leur survie », affirme la responsable du projet. En amplifiant les voix des immigrants, le projet combat les stéréotypes : « Souvent, on a ce rapport avec l’immigrant, comme si c’était nous qui lui faisions une faveur. Mais on ne voit pas assez notre propre besoin. »
Ce travail contribue à déconstruire des perceptions biaisées, même si l’impact reste difficilement mesurable.
« Ça ne changera pas le monde, mais c’est une goutte positive dans la mer », ajoute-t-elle. Et pour les participants, raconter leur histoire est un acte émancipateur. « Une fois qu’ils ont raconté leur vie, pour eux, c’est comme : “Hey, j’ai tout un parcours, tu sais. J’ai des choses à dire”. »
Avec plus de 220 entrevues à son actif, le projet reflète la richesse et la diversité des expériences francophones à travers le Canada. Annie Roy évoque des exemples concrets, comme la communauté burundaise de Regina, qui grandit et s’organise.
Cuisine ton Quartier ne se limite pas à capter des voix : il incite à une réflexion intérieure. « Les parcours des autres nous font beaucoup réfléchir sur nos propres parcours. Parce qu’un choix de vie de quitter son pays, c’est un gros choix de vie, c’est assez radical », affirme la responsable.
Pour Annie Roy, l’immigration n’est pas seulement une réalité sociale, mais une richesse à valoriser : « L’immigrant qui arrive et qui veut une meilleure vie, on lui doit. On a bâti notre richesse sur son appauvrissement ».
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