Dix poètes francophones du Nord dans une anthologie unique
Poésie franco-ouestienne, 1974-2024 : une collection historique qui met en lumière 50 ans de création poétique, avec un lancement à Yellowknife le 28 novembre.
Cristiano Pereira
IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon
Célébrant 50 ans de création poétique, l’anthologie Poésie franco-ouestienne, 1974-2024 met en lumière 71 poètes francophones, parmi lesquels dix issus des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et du Nunavut.
Publié par les Éditions du Blé à l’occasion de leur 50 ᵉ anniversaire, le livre offre un panorama de 50 ans de création poétique dans l’Ouest et le Nord du Canada. Conçue sous la direction de Jr Léveillé, avec la collaboration d’Amber O’Reilly, Marie-Diane Clarke, Eileen Lohka et Claudine Potvin, l’anthologie propose plus de 200 poèmes accompagnés de préfaces qui contextualisent les enjeux littéraires et historiques de chaque région. Chaque poète est présenté avec une notice bio bibliographique détaillée et de références critiques.
L’évènement de lancement est programmé pour le 28 novembre prochain au Centre des visiteurs de Yellowknife, de 17 h 30 à 19 h. Et ça promet d’être animé. Amber O’Reilly, Batiste Foisy et Isidore Guy Makaya, trois figures de la poésie nordique, offriront des lectures d’extraits pour célébrer cette œuvre collective.
Amber O’Reilly poète, slameuse, autrice de théâtre, scénariste-recherchiste multilingue, a joué un rôle clé dans ce projet en sélectionnant dix poètes du Nord : Batiste Foisy, René Fumoleau, Mélanie Genest, ioleda (Danièle France), Apollo Jenna, Joe la Jolie (Josée Fortin), Denis Lord, Isidore Guy Makaya, Sandra St-Laurent et elle-même.
Dans sa préface, Amber O’Reilly nous convie à explorer un Nord où la poésie germe au carrefour d’un vaste territoire, d’une pluralité linguistique et d’une mémoire collective souvent marginalisée. Pour elle, « le Nord est un choix délibéré », non pas une simple région géographique ou un point cardinal, mais « un état d’âme », un espace d’introspection où les mots trouvent une résonance unique dans l’immensité.
Amber O’Reilly rappelle que les trois territoires canadiens – Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut – couvrent 40 % du pays tout en abritant seulement 3 % de sa population. Dans ces vastes étendues, la francophonie est à la fois « colonisatrice et colonisée », marquée par une histoire complexe mêlant la traite des fourrures, les missions catholiques et les pensionnats autochtones. Cette dualité fait que les francophones du Nord, souvent minoritaires au sein des minorités, se battent pour leurs droits, que ce soit en matière d’éducation ou de soins de santé.
Les langues officielles du Nord témoignent de sa richesse culturelle : le Yukon reconnait uniquement l’anglais et le français, tandis que les TNO et le Nunavut valorisent une pluralité de langues autochtones aux côtés des deux langues coloniales. Pourtant, ces francophonies restent méconnues des communautés francophones du Sud. « Les francophonies du Nord sont aussi méconnues, voire oubliées », souligne O’Reilly, insistant sur l’importance de partager les expériences pour renforcer la solidarité.
Pour Amber O’Reilly, le Nord inspire une poésie profondément liée à la nature. Elle évoque des figures comme Anthony Foliot, alias « le Snowking », qui mêle limericks et légendes locales, ou encore René Fumoleau, dont les poèmes célèbrent l’amour de la terre et des communautés nordiques. « Peut-être que la vraie mesure de l’anordissement, c’est le fait de tomber amoureux de la terre », suggère Amber.
Mais l’écriture poétique dans le Nord, loin de se cantonner à une simple exaltation des paysages, devient un outil de réinvention. Des voix comme celles d’Apollo Jenna choisissent de questionner les stéréotypes et de redéfinir le mythe romantique du Grand Nord. « Les poètes nordiques choisissent donc la marge. Ces auteur. rices sont l’épilobe qui pousse après les feux de forêt », écrit-elle avec une métaphore puissante.
Amber O’Reilly souligne également l’importance des institutions littéraires et culturelles dans la promotion de la poésie nordique. Les journaux comme L’Aurore boréale, L’Aquilon et Le Nunavoix, ainsi que les radios communautaires et balados, contribuent à la diffusion des œuvres poétiques. « Ces institutions sont les doyennes de la mémoire collective », écrit-elle, rappelant leur rôle crucial pour archiver et transmettre ces récits.
Des initiatives comme le Festival NorthWords NWT et Mots sur la toundra célèbrent cette création littéraire. Ce dernier, organisé au Nunavut, a même projeté des vers en français, anglais et inuktitut sur les bancs de neige, symbolisant l’union entre les cultures dans un paysage commun.
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