Eagle Gold : de l’incident à la catastrophe

En conférence de presse le 18 juillet, le ministre du Yukon John Streicker a pour la première fois remplacé le mot incident par catastrophe pour s’exprimer à propos d’Eagle Gold, et c’est également le terme choisi par la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun.

Denis Lord

IJL – Réseau. Presse – L’Aquilon

Rappelons qu’un bris de l’aire de lixiviation est survenu le 24 juin à la mine d’or Eagle Gold, près de Mayo, où une solution de cyanure est utilisée pour séparer l’or du minerai. Environ deux millions de tonnes de minerai ont quitté le remblai de l’infrastructure de lixiviation appartenant à Victoria Gold.

Une bombe à retardement

« C’est un désastre catastrophique », affirme la gestionnaire de mise en œuvre et de gouvernance de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, Adrienne Hill.

Les conseillers et conseillières de la Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun avec la cheffe Dawna Hope, quatrième à partir de la gauche. (Courtoisie Na-Cho Nyäk Dun)

Des experts interrogés par Julien Green pour CBC Yukon et qui ont été sur place affirment que le pire est à venir et que chaque minute compte pour renforcer les capacités de rétention des eaux contaminées, qui auraient déjà commencé à s’infiltrer dans la nappe phréatique.

« Nous avons été extrêmement préoccupés dès le premier jour, et nous avons soulevé le problème de la nappe phréatique, dit Mme Hill. La quantité de solutions qui doit sortir de l’aire de lixiviation en tas et la quantité qui est retenue [par la digue] ne s’alignent pas. Alors on sait qu’il y a une partie qui va dans le sol. Ça va déjà dans la nappe phréatique. […] À cause de ça, nous croyons qu’il y aura des effets à long terme qui ne seront pas vus avant des mois, et possiblement avant des années. »

Voix au chapitre

La cheffe de Na-Cho NyäK, Dawna Hope, qui possède un diplôme de baccalauréat en science de l’environnement, assure avoir suggéré dès le bris de l’infrastructure qu’une tranchée soit creusée dans la vallée pour minimiser les impacts. Elle évoque en outre le risque d’un second glissement de terrain.

« Nous n’avons pas eu de réponse du gouvernement sur ce qui concerne l’eau souterraine », ajoute Adrienne Hill.

La cheffe déplore que Victoria Gold soit toujours maitre d’œuvre sur le site. « Ça fait que nous mettons de la pression sur le gouvernement, explique-t-elle, et que le gouvernement met de la pression sur la compagnie; alors, il y a deux ou trois degrés de séparation avec ce que nos experts proposent pour l’assainissement. »

« Ça devrait être une discussion à trois voix, avance la gestionnaire, un dialogue où tous les trois on pourrait s’entendre pour aller de l’avant. »

Manque d’espace

La semaine dernière, le gouvernement du Yukon a imposé plusieurs mesures à la compagnie Victoria Gold pour atténuer les impacts du glissement de terrain. Le gouvernement et ses experts étudient actuellement les solutions préconisées par la compagnie. Lors de la conférence de presse du gouvernement du Yukon, la directrice des Ressources minérales, Kelly Constable, a fait le point sur les actions entreprises sur le mine minier.

La mine Eagle Gold est située sur le territoire de la Première nation Na-Cho Nyäk Dun. (Courtoisie)

« L’eau contaminée est stockée dans des bassins sur le site, a-t-elle dit. Dans les derniers jours, ces bassins ont presque été remplis à pleine capacité et la compagnie commence à manquer d’espace. Comme mesure temporaire, elle crée des espaces de stockage supplémentaires en pompant l’eau des bassins de rétention dans le tas [de l’aire de lixiviation]. La compagnie s’attend à faire ça durant dix à quinze jours. […] L’intention est de retenir l’eau contaminée jusqu’à ce qu’elle puisse être traitée et relâchée dans l’environnement. »

Cependant, la station de traitement des eaux est incapable de traiter la quantité de contaminants dans l’eau, précise Mme Constable, elle doit donc mettre à jour la station. L’essentiel du travail doit être fait sur le site minier, un lieu qui pose des problèmes de sécurité. Une minière peu loquace La compagnie Victoria Gold a été avare de commentaires sur la place publique depuis le 24 juin, ne publiant que trois communiqués liés à la catastrophe.

« C’est très regrettable et franchement d’aucune aide que la compagnie soit aussi silencieuse en général, et spécifiquement à propos des actions entreprises sur le site, a dit la sous-ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources, Lauren Haney. […] À travers les conversations que nous avons eues avec leurs experts techniques cette semaine, nous en avons appris beaucoup plus sur ce qui se fait. […] Ils font beaucoup de travail, ce n’est pas pour dire que c’est suffisant. […] Le gouvernement du Yukon envisage d’entrer sur le site pour effectuer le travail et est prêt à le faire. » Justice La compagnie Victoria Gold a été impliquée dans quelques recours en justice au fil des ans. Le 3 juillet dernier, elle a accepté de payer 925 000 $ à des actionnaires dans une entente de recours collectif. Différents médias rapportent qu’en 2023, la compagnie a plaidé coupable pour avoir commis des infractions à son permis d’utilisation de l’eau à Eagle Gold. En 2022, Victoria Gold avait eu recours aux tribunaux du Yukon pour verser un dépôt de garantie moindre que celui exigé par l’Office des eaux du Yukon. Elle a fini par verser 104 M$ pour l’assainissement éventuel d’Eagle Gold. Or, dans son communiqué du 12 juillet, la compagnie affirme qu’elle pourrait manquer d’argent pour finir l’assainissement de la mine ou pour reprendre ses activités.

« Victoria Gold Corp. a fourni les 104 M$ de sécurité financière qui étaient dus pour le site, assure le gouvernement du Yukon. »

Redevances

« Nous sommes extrêmement préoccupés par cela [l’insuffisance de fonds pour l’assainissement], commente Adrienne Hill, et nous nous demandons quand le gouvernement du Yukon prendra le contrôle du site si c’est le cas. »

Le gouvernement dit être en train d’étudier les redevances de la compagnie.

« Nous n’avons pas accès à leur comptabilité et à leurs archives, dit Dawna Hope. Ce qu’ils révèlent publiquement devrait nous être révélé en premier. »