Kimberly R. Murray: le Canada doit déférer la disparition forcée d’enfants à la Cour pénale internationale
Selon l’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens, le Canada doit déférer la disparition forcée d’enfants à la Cour pénale internationale puisqu’elle constitue un crime contre l’humanité.
Denis Lord – Arctique
C’est une des 42 obligations que contiennent le rapport final et le Cadre de réparation de Kimberly R. Murray présenté au ministre fédéral de la Justice le 29 octobre.
« Trop souvent, les gouvernements et d’autres institutions ne mettent pas en œuvre les “recommandations” formulées », écrit Mme Murray.
« J’ai donc choisi de ne pas faire de recommandations, mais plutôt d’identifier les obligations légales, morales et éthiques qui incombent aux gouvernements, aux églises et à toute autre institution de soutenir le travail de recherche et de récupération mené par les Autochtones. Ces obligations doivent être remplies conformément à la Déclaration des Nations Unies, aux lois autochtones, au droit international relatif aux droits de la personne et au droit pénal, ainsi qu’au droit constitutionnel canadien. »
Les obligations
Pour l’interlocutrice spéciale indépendante, la plus grande et la plus importante obligation sont envers les survivants, qui « doivent être honorés et reconnus pour leur courage, leur détermination et leur défense des droits ».
L'interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes et les sépultures anonymes en lien avec les pensionnats indiens, Kimberly R. Murray. (Courtoisie)
Mme Murray juge qu’il est urgent de recueillir leurs témoignages et que cela doit être fait par les communautés autochtones. En outre, avance-t-elle, le gouvernement doit financer les rassemblements de survivants à l’échelle nationale, régionale et communautaire.
Elle prône également la création d’une commission nationale d’enquête sur les enfants autochtones disparus et les sépultures anonymes dirigées par des Autochtones. Elle dénonce « l’utilisation délibérée de stratégies juridiques et politiques par les gouvernements, les églises, la police et d’autres institutions pour nier [et] minimiser les actes répréhensibles, créant ainsi une culture de l’impunité qui accorde de fait l’amnistie ».
Réparations et désignation
Le gouvernement fédéral doit accorder des réparations intégrales, y compris des indemnisations, aux familles des enfants disparus, y compris à leurs descendants vivants. Dans un autre registre, en consultation avec les peuples autochtones, il doit établir une stratégie et un plan d’action nationaux sur la souveraineté des données autochtones.
L’interlocutrice spéciale indépendante demande aussi qu’une désignation de « lieu de sépulture autochtone » soit créée afin de protéger les sites identifiés, parmi lesquels le pensionnat indien de Chootla, au Yukon, et le pensionnat de All Saints/Aklavik, aux Territoires du Nord-Ouest.
Commentaire
« Conformément à la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et pour poursuivre les efforts du gouvernement en faveur de la réconciliation, nous travaillerons avec les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis pour remédier aux séquelles des pensionnats indiens d’une manière qui respecte les souhaits et les traditions de ces personnes », a déclaré le ministre de la Justice et procureur général du Canada Arif Virani, en recevant le rapport.
Il a remercié Mme Murray pour son travail et ses recommandations et ajouté : « Nous ne pouvons pas ignorer les effets durables du système des pensionnats indiens et les souffrances qu’il a causées aux peuples autochtones. Les séquelles néfastes des pensionnats, qui se traduisent par la perte d’enfants, de langues et de cultures, par la perte de possibilités de s’épanouir, de grandir et de vivre pleinement et sainement, et par des vérités réduites au silence, se font encore profondément ressentir aujourd’hui et elles ne sauraient être niées. »
Réaction
La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN), Cindy Woodhouse Nepinak, a réagi le jour même par voie de communiqué.
« Ce Cadre de réparation fournit un guide pour le rétablissement, l’identification et la commémoration de nos enfants disparus et la protection des lieux de sépulture non marqués d’une façon qui respecte notre souveraineté et nos pratiques », a déclaré la cheffe Woodhouse Nepinak.
« Le Canada doit adopter une culture d’imputabilité et de justice qui honore pleinement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. »
L’APN demande à Ottawa de mettre en place les 42 obligations formulées par Kimberly R. Murray.
Elle demande aussi à ce que soient enfin appliqués les 94 appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation.
Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis n’avaient pas encore réagi au moment de mettre sous presse.
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