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L’Arctique canadien est-il bien défendu ?

Rétrospective 2023


Nelly Guidici | IJL - Réseau.Presse – L’Aquilon – Arctique


Le 11 février 2023, un objet volant de forme cylindrique détecté à haute altitude a été abattu au-dessus du territoire du Yukon, à 150 kilomètres de la frontière avec l’État de l’Alaska par le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Cet objet aérien se trouvait illégalement dans l’espace aérien canadien et constituait une menace pour la sécurité des vols civils, a rappelé l’ancienne ministre de la Défense nationale du Canada, Anita Anand, au moment des faits.


Cet évènement a soulevé une vague de questionnement quant à l’efficacité de la défense de l’Arctique. Quelque 137 jours plus tard, le comité sénatorial de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants a remis un rapport inquiétant sur la sécurité en Arctique. Ce rapport déposé, le 28 juin 2023, fait un état des lieux dans lequel les infrastructures sont décrites comme insuffisantes, les équipements obsolètes et le manque de personnel parmi les Rangers et les Forces armées est criant. Ce comité composé de onze sénateurs estime que des actions concrètes doivent être mises en place très rapidement et 23 recommandations accompagnent le rapport qui, selon Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec et vice-président du comité, fait le point de façon lucide sur la situation. Un an de travail et une mission d’étude à Iqaluit et Cambridge Bay au Nunavut, et à Inuvik, Tuktoyaktuk et Yellowknife dans les TNO au mois d’octobre 2022 auront été nécessaires pour en arriver à ces conclusions alarmantes.


La Région canadienne du NORAD (RC NORAD) a pour mission la surveillance aérospatiale, l’identification et le contrôle des aéronefs, ainsi que l’alerte pour la défense du Canada et de l’Amérique du Nord. (Photo : 22 Wing Public Affairs)

La Russie reste une menace pour l’Arctique selon le comité. Alors qu’une dizaine de bases militaires de l’Arctique russe datant de la guerre froide ont été rouvertes ou reconstruites au cours de la dernière décennie, les capacités militaires russes demeurent très importantes dans la région. Bien que l’Arctique canadien ne fasse l’objet d’aucune menace militaire imminente, le gouvernement du Canada doit aborder la sécurité et la défense dans l’Arctique avec un plus grand sentiment d’urgence que par le passé, peut-on lire dans le rapport.


Bill Blair, le ministre de la Défense nationale n’a pas réagi à la publication du rapport. Le comité a cependant prévu d’inviter le ministre lorsque les réunions de travail reprendront dans le courant de l’année 2024, mais à ce jour, aucune date n’a été fixée indique Ben Silverman, agent de communications au sénat du Canada.


Dans une volonté de maintenir efficacement la sécurité en Arctique, mais en prenant en compte le contexte particulier du Yukon, le premier ministre du gouvernement du Yukon a annoncé, le 4 janvier 2024, la création d’un Conseil consultatif du Yukon sur la sécurité dans l’Arctique. Composé de cinq membres, ce Conseil a pour but de « veiller à ce que le contexte et les besoins particuliers du Yukon soient pris en compte dans le processus décisionnel fédéral concernant la sécurité dans l’Arctique. » La sécurité en Arctique et la création du Conseil figurent sur la feuille de route du premier ministre depuis plusieurs années, mais « la nécessité de faire progresser ces travaux a été soulignée par l’incident de février 2023 concernant un objet aérien, qui a attiré l’attention de la communauté internationale et suscité une réaction coordonnée de la part de l’Amérique du Nord en matière de sécurité, » peut-on lire dans le communiqué de presse.


La création de ce conseil consultatif exprime la volonté du gouvernement du Yukon de participer aux discussions internationales sur la défense de l’Arctique tout en mettant en lumière le point de vue et les enjeux du territoire d’après Dr Ken Coates, président du Conseil.


De plus, les notions de défense et de sécurité sont en constante évolution dans un monde où le contexte géopolitique international a des conséquences en Arctique.


« La définition de la sécurité et de la défense évolue très rapidement. C’est pourquoi le Yukon, et c’est tout à son honneur, veut être attentif à la façon dont le monde définit ces questions tout en s’adaptant à la définition changeante de la sécurité et de la défense, » explique Dr Coates lors d’une entrevue.


La construction de liens forts avec l’État voisin de l’Alaska est aussi un aspect important qui, selon le président, doit être pris en considération, car l’Alaska et le Yukon ont des intérêts communs. Dans le passé, des liens étroits existaient entre ces deux contrées depuis la rue vers l’or. Mais à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale, « les liens de part et d’autre de la frontière se sont en fait affaiblis au lieu de se renforcer, » remarque Dr Coates.


Dans l’optique de consolider ces liens et de discuter des enjeux de la sécurité arctique, Ranj Pillai, premier ministre du gouvernement du Yukon a invité à Whitehorse, le sénateur de l’Alaska, Mike Dunleavy, qui sera en visite en février 2024.


L’avenir de la réserve faunique nationale de l’Arctique en Alaska demeure incertain

Plus de deux ans après la suspension de leurs baux dans la réserve faunique nationale de l’Arctique en Alaska (ANWR), la compagnie Alaska Industrial Development and Export Authority (AIDEA) a vu ses sept concessions pétrolières et gazières annulées le 6 septembre 2023 par Deb Haaland, secrétaire aux Affaires intérieures des États-Unis. Ces concessions couvrent plus de 1416 kilomètres carrés dans les plaines côtières au bord de la mer de Beaufort.


Vue aérienne de la réserve faunique nationale de l’Arctique (INSTAGRAM Danielle Brigida – USFWS)

Un certain nombre d’irrégularités lors de l’octroi de ces baux en 2021 ont été relevées et ont mené à l’annulation des baux par le département de l’Intérieur. Selon Deb Haaland, le processus a été « sérieusement entaché d’irrégularités et basé sur un certain nombre de lacunes juridiques fondamentales. »


Cette décision a fait l’unanimité parmi les nations Gwich’in de l’Alaska, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest qui se battent depuis 1988 pour que cette zone soit protégée de façon permanente. En effet, ce territoire de près de 77 000 kilomètres carrés attise les convoitises des compagnies d’exploration pétrolières depuis plusieurs décennies, mais c’est aussi le refuge de la harde de caribous Porcupine où les femelles mettent bas.


L’annulation des baux ne signifie pas pour autant que la réserve faunique est à l’abri de projets de développement pétroliers et gaziers. Les citoyens se sentant concernés par cette affaire ont eu jusqu’au 7 novembre 2023 pour faire part de leurs commentaires quant au devenir de ce territoire. Le Bureau of Land Management (BLM) qui administre cette région analyse actuellement les commentaires déposés.


« Le Bureau of Land Management et le chef de projet conjoint, l’U.S. Fish and Wildlife Service, sont en train d’analyser les commentaires pour en tirer des informations substantielles qui éclaireront l’analyse en vue de la décision finale, » a fait valoir Bonnie Million, responsable du bureau local du BLM à Anchorage en Alaska.


Après l’analyse des commentaires, une version finale de l’étude des répercussions sur l’environnement sera publiée et une décision sera annoncée au plus tôt 30 jours après la publication de la version finale de l’étude.


Voice of the Arctic Iñupiat, l’organisme qui représente le peuple Iñupiat en Alaska depuis 2015, n’est pas satisfait de la façon dont l’administration Biden a ignoré la position des Iñupiat dans ce dossier. Dénonçant une pratique qui vise à les réduire au silence, Nagruk Harcharek, président de l’organisme depuis 2022, estime que l’administration Biden a mal géré, voire ignoré les déclarations des communautés qui n’ont pas eu assez de temps pour se préparer à la période de commentaires qui a fait suite à l’annulation des baux en septembre 2023.



Nagruk Harcharek, président de l’organisme Voice of the Arctic Iñupiat dénonce un manque de consultation du peuple Iñupiat dans le dossier de la Réserve faunique nationale de l’Arctique en Alaska. INSTAGRAM Voice of the Arctic Iñupiat


Si M. Harcharek comprend que l’administration Biden prend ces décisions en réponse à l’évolution du climat, le changement climatique ne peut pas être une excuse pour empiéter sur les droits distincts des peuples autochtones, d’après lui.

Fausses identités autochtones révélées

L’année 2023 a été marquée par plusieurs cas d’allégations de fausse identité autochtone qui ont soulevé une vague de réactions au Canada. L’artiste Buffy Sainte-Marie, qui a débuté sa carrière musicale dans les années 1960, a fait l’objet d’une enquête par CBC où les origines autochtones de l’artiste ont été remises en question par Geoff Leo, Roxanna Woloshyn et Linda Guerriero, journalistes au sein de ce média.



À la suite de la publication d’un article par CBC remettant en cause son identité autochtone revendiquée, l’artiste Buffy Sainte-Marie s’est exprimé dans une déclaration de deux pages dans laquelle elle affirme n’avoir jamais menti sur son identité. Dans une volonté d’exprimer sa vérité, elle a rappelé qu’à 82 ans, les allégations de CBC ne l’ébranlent pas. INSTAGRAM robbiesaurus – Flickr


Dans un reportage appelé « Who is the real Buffy Sainte-Marie? » et publié le 27 octobre 2023, les trois journalistes qui ont mené près d’un an d’enquête pointent les contradictions des différentes déclarations de l’artiste. Buffy Sainte-Marie aurait déclaré être Crie, Mi’kmaq ou encore Algonquine lors de différentes entrevues données à des magazines dans les années 1960, alors que sa carrière musicale prenait son envol.


Dans une déclaration publique sur sa page Facebook, l’artiste a réaffirmé son identité autochtone et a rappelé qu’elle a été adoptée, en tant que jeune adulte, par Emile Piapot et Clara Starblanket de la Première Nation Piapot en Saskatchewan.


Depuis la publication de l’enquête, le site personnel de Buffy Sainte-Marie a été modifié. Dans la section « À propos » la mention de son adoption supposée a été supprimée. Il était indiqué, au conditionnel, qu’elle avait été adoptée à un très jeune âge : « Buffy Sainte-Marie serait née en 1941 dans la réserve de la Première Nation Piapot, en Saskatchewan, et aurait été enlevée à ses parents biologiques alors qu’elle n’était encore qu’un nourrisson. Elle a été adoptée par un couple visiblement blanc et a été élevée dans le Maine et le Massachusetts. Lorsqu’elle était enfant, la mère adoptive de Buffy s’identifiait comme une Mi’kmaq, mais ne connaissait pas grand-chose à la culture autochtone. »


À ce jour, cette section du site ne fait plus référence à la filiation de l’artiste, mais parle de son parcours musical et des récompenses reçues au cours de sa carrière.


Une autre affaire similaire, concernant deux sœurs jumelles de l’Ontario, a secoué le Nunavut. À la suite de suspicions de fraude, les organismes inuits Nunavut Tunngavik Inc (NTI) et l’association inuite Qikiqtani (QIA) ont demandé, fin mars 2023, à la Gendarmerie royale du Canada (GRC), d’ouvrir une enquête sur les sœurs Amira et Nadya Gill ainsi que leur mère Karima Manji. Elles sont soupçonnées d’avoir menti au sujet de leur filiation afin que leurs noms soient ajoutés sur la Liste d’inscription des Inuits.



Amira et Nadya Gill ainsi que leur mère Karima Manji ont chacune fait l’objet de deux chefs d’accusation pour fraude d’une valeur de plus de 5 000 $, a indiqué le Détachement de la GRC d’Iqaluit le 24 septembre 2023. Elles comparaitront devant la cour d’Iqaluit le 30 octobre 2023. INSTAGRAM canadasoccer.com


Après avoir été inscrites par NTI, les sœurs Gill ont demandé et obtenu plusieurs milliers de $ en bourses auprès de l’organisme Indspire. Depuis 1996, l’organisme a distribué 190 M$ par l’intermédiaire de 59 000 bourses octroyées à des étudiants des Premières Nations, Métis et Inuits.


À la suite d’une enquête de plusieurs mois par la GRC d’Iqaluit, Amira et Nadya Gill ainsi que leur mère Karima Manji ont chacune fait l’objet de deux chefs d’accusation pour fraude d’une valeur de plus de 5 000 $ en septembre 2023. Après un premier report d’audience décidé le 30 octobre 2023 par la Cour de justice du Nunavut à Iqaluit, l’affaire a été ajournée au 5 février 2024.

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