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Photo du rédacteurBatiste Foisy

Les Ténois résilients malgré l’incertitude

Dans le Dehcho, on s’organise alors que la région vit l’une des pires catastrophes naturelles de son histoire.


Thomas Chabot et Batiste Foisy


Le niveau d'eau élevé a provoqué les évacuations et des habitations sont d'ores et déjà sinistrées, mais ce sont surtout les glaces dérivantes qui inquiètent. (Crédit photo: Thomas Chabot)



On n’avait pas vu pareille crue depuis 1963. C’est ce que se racontent des ainés de Fort Simpson rencontrés au centre d’évacuation mis en place à l’aréna Centennial de Fort Smith pour les accueillir, alors que le cœur de leur collectivité est visé par un ordre d’évacuation général.


En 1963, l’armée avait été envoyée à Fort Simpson, mais pas cette fois. «Nous avons envisagé de faire appel aux Forces, indique la ministre des Affaires municipales et communautaires responsable des situations d’urgence, Paulie Chinna, en entrevue avec Médias ténois, le 11 mai. Jusqu’à présent nous n’avons pas ressenti le besoin de demander leur intervention, mais ça ne nous empêche pas de leur demander de se tenir prêts. Si nous avons besoin de l’armée, elle sera disponible pour nous prêter mainforte.»


Avec des évacuations à Hay River et K’atlo’deeche, mais surtout à Fort Simpson et Jean-Marie River, le sud du territoire vit l’une des pires débâcles printanières depuis un siècle. À Fort Simpson, on compte plus de 700 déplacés, dont une bonne partie est réfugiée dans des abris de fortune érigés à la va-vite dans les collines quand la barre des 15 mètres d’eau a été franchie, le 9 mai, et que l’ile où est situé le noyau villageois a dû être évacuée au grand complet.


À Jean-Marie River, on a permis aux résidents de retourner constater les dégâts après que la collectivité entière ait dû être évacuée au courant de la fin de semaine. C’est tout le petit village du Dehcho d’une centaine d’habitants qui a été inondé. Le torrent chargé de glaces dérivantes a soulevé les réservoirs de mazout des bâtiments dont le contenu est venu se mêler aux eaux du fleuve sorti de son lit. Neuf résidences sur dix seraient ainsi contaminées.

Consternation et résilience

Au centre d’évacuation mise en place à l’aréna Centennial de Fort Smith, on accueille quelques-uns des déplacés de Fort Simpson, principalement des personnes vulnérables, ainés et jeunes familles. Médias ténois s’y est rendu les 9 et 10 mai et a rencontré des sinistrés. Toutes les personnes déplacées qui se sont confiées à nous, nous on demandé de ne pas les nommer et de ne pas prendre de photos, une volonté que nous avons choisi de respecter.


L’austérité du lieu contraste avec les plaisanteries qui fusent à l’entrée. Malgré la situation dramatique, les gens ne perdent ni la joie de vivre ni l’espoir de retourner à leur vie normale.

En entrant, des jeux pour enfants jonchent les tables érigées. Des hommes regardent la télévision, désirant regarder autre chose que les photos et vidéos de leur village inondé. Un autre homme tente de résoudre un casse-tête, mais il lui manque des pièces, une métaphore vivante de ce que vit la collectivité de Fort Simpson ces jours-ci.


Si l’on s’efforce de garder le moral, l’inquiétude demeure néanmoins palpable. Un homme confie craindre d’avoir tout perdu : sa maison, son auto, son ski-doo, ses souvenirs, sa vie. Ce qui lui reste, c’est sa famille qu’il a emmenée avec lui à Fort Smith.


Tous ne peuvent en dire autant. Beaucoup racontent ne pas avoir de nouvelles d’un oncle, de leurs neveux ou de leurs enfants. Aucune ligne de communication officielle avec leur collectivité n’est disponible. Les seules informations viennent d’individus restés sur place. Tous ont des questions, mais personne n’a de réponses.


Plusieurs affirment qu’ils auraient préféré rester dans le Dehcho, mais estiment qu’on les a plus ou moins forcés à monter à bord de l’avion qui les a transportés à Fort Smith, à 700 kilomètres de chez eux. «Au lieu de nous envoyer ici, donnez-moi un canot, je vais aller m’arranger de ça», affirme un homme en ricanant.


Au deuxième étage, dans l’ancienne salle des employés, une odeur de soupe chaude remplit les narines et des vivres parsèment le comptoir. Au milieu de l’aréna, des lits de fortune sont installés, afin d’accommoder le flux de sinistrés, mais personne ne sait combien doivent arriver. La mairesse de Fort Smith, Lynn Napier, croisée sur place affirme avoir la capacité d’accueillir des centaines de personnes au besoin, mais ajoute ne pas avoir d’indications claires de la part de Fort Simpson ou des autorités territoriales.


Parmi les déplacés, ce sentiment d’impuissance et d’incompréhension est sur toutes les lèvres. On aimerait savoir quand il sera possible de rentrer à la maison. Il faut suivre les réseaux sociaux pour avoir des informations que seuls les citoyens semblent relayer. Alors qu’à Fort Simpson on a coupé le courant et l’aqueduc et qu’on demande aux résidents de quitter l’ile pour camper dans leurs propres tentes, pas de point de presse du gouvernement, pas de déclaration de la première ministre, pas de représentant du ministère des Affaires municipales et communautaires pour faire le point de la situation avec les déplacés.

Que fait la ministre ?


Pourquoi le gouvernement territorial ne communique-t-il pas, alors que sévit une des pires catastrophes naturelles de l’histoire moderne du territoire?

«Le ministère est en contact avec les leadeurs des collectivités, répond la ministre Chinna. Les plans de réponse d’urgences sont exécutés au niveau des collectivités. Lorsque les ressources locales sont épuisées, alors le ministère prend le relai. Tant que les collectivités ne réclament pas une aide supplémentaire, la gouverne des opérations s’effectue au niveau local. Mais nous sommes là.»

Quand on lui demande si elle compte se rendre sur place pour constater l’ampleur de la situation et prêter mainforte aux déplacés, la ministre responsable des situations d’urgence répond que ce n’est pas prévu pour l’instant, suggérant être en partie accaparée par la gestion de la pandémie. «Le ministère a du personnel sur place, indique-t-elle. Nous avons des centres d’opérations régionaux où l’on retrouve de hauts fonctionnaires qui nous font rapport.»


À Fort Simpson, les résidents n’attendent pas que les autorités se secouent pour s’organiser. Un mouvement de solidarité spontané est en marche. Des citoyens ou des entreprises locales fournissent les vivres ou le matériel, des entreprises locales fournissent le moyen de transport, des bénévoles organisent la distribution sur place. On emploie les réseaux sociaux ou des plateformes de sociofinancement pour collecter des fonds et recueillir des dons de biens essentiels destinés au camp d’évacuation improvisé.


Le 12 mai sur la page Facebook «Dehcho Strong — supporting communities impacted by flooding» à laquelle s’est abonné près d’un millier de personnes en l’espace de trois jours, une jeune organisatrice réclame l’appui de l’État. «Il faut d’urgence que le GTNO nous écoute et commence à faire preuve d’initiative, écrit Itoah Scott-Enns. Le gouvernement devrait payer les frais de transport pour l’envoi de biens essentiels aux victimes. Aujourd’hui, de préférence!» Plus tard dans la journée, le transporteur aérien Air Tindi annonçait qu’il effectuerait gratuitement les livraisons de dons à Fort Simpson.


La réponse entière à cette crise semble reposer sur la générosité et l’empathie des Ténois.

Au moment de mettre sous presse, le niveau d’eau baissait doucement à Fort Simpson, mais demeurait au-dessus de la barre critique des 15 mètres. La rivière Liard était toujours obstruée d’embâcles de glace, alors que la glace n’avait pas cédé sur le fleuve Mackenzie.

Pendant ce temps, on anticipe que d’autres collectivités dans la vallée du Mackenzie puissent être inondées lorsque le dégel atteindra la portion nord du fleuve. «C’est Dame Nature, ce sont les changements climatiques, commente la ministre Paulie Chinna. Nous ne pouvons pas prédire quels seront les effets. Mais, en ce moment, nous apprenons de la situation à Fort Simpson et à Jean-Marie River et nous gardons cela en tête alors que nous allons rencontrer les leadeurs communautaires dans la région de Beaufort-Delta.»

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