Nouveau budget de la défense : quelles retombées économiques pour les TNO?
La méthode pour maximiser les retombées économiques des 81 milliards de dollars d’investissement militaire annoncés par le fédéral dans Notre Nord, fort et libre deviendra surement un sujet de conservation privilégié aux Territoires du Nord-Ouest à la rentrée parlementaire et bien au-delà.
La majeure des sommes annoncées sera investie pour la fabrication et la mise à jour d’équipements, dans le Sud donc, forcément.
Ce qui reste pour le Nord, et qui devrait générer des emplois et des retombées directes et indirectes, ce sont les nouveaux carrefours de soutien opérationnel du Nord, la future station terrestre de satellites dans l’Arctique et la modernisation des emplacements d’opérations du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) à Yellowknife, Inuvik. Iqaluit et Goose Bay.
Cependant, le ministère de la Défense n’a pas précisé l’agenda pour déterminer où seront situés ces carrefours et la station terrestre de satellites, ni le nombre de militaires et de civils qui y travailleront.
Valoriser les TNO
Le Secrétariat du Sahtu n’a pas tardé à prendre l’initiative pour tirer profit des milliards annoncés, dont la dépense s’étendra sur 20 ans. Il a rendu publique le 8 avril dernier une étude qui prouverait que terminer la route de la vallée du Mackenzie (de Wrigley à Inuvik) aiderait à établir la pleine souveraineté du Canada sur le Nord. Pour cette occasion, le Secrétariat a même créé une application et un vidéo.
Le député de Range Lake, Kieron Testart avance quant à lui que les Territoires du Nord-Ouest doivent promouvoir auprès du ministère de la Défense le positionnement de ses ports et l’expertise et les infrastructures satellitaires d’Inuvik, pour qu’elle devienne l’hôtesse de la nouvelle station satellitaire, où seront investis 222 M$.
« Les gens que ça va emmener et l’activité économique générée sont très importants pour nos objectifs économiques, précise M. Testart. […] Les gens du Nord savent que l’Arctique a depuis longtemps besoin d’investissement. Les gouvernements nationaux nous ont laissé tomber. Et maintenant, nous voyons un nouveau plan qui peut nous rassembler. »
Pour le député Kieron Testart, Inuvik, qui possède déjà une station-relais pour satellites, serait l'endroit désigné pour la future station terrestre de satellites annoncée dans le nouveau budget de la défense. (Courtoisie)
Coopération
Le député de Range Lake préconise la création de logements pour les éventuels nouveaux arrivants, civils et militaires. « Il faut travailler avec les forces armées et la Défense sur des projets de logements, avance-t-il, rendre de nouveaux terrains disponibles pour ces projets. »
Il valorise également la création aux Territoires du Nord-Ouest d’un comité semblable au Conseil consultatif yukonnais sur la sécurité dans l’Arctique, créé au début de l’année pour « s’assurer que les particularités et les besoins de son territoire seront pris en compte dans les décisions fédérales sur la sécurité dans l’Arctique. »
« Un tel organisme pourrait faire en sorte que le gouvernement fédéral prenne plus au sérieux nos conseils et notre implication », avance Kieron Testart.
« Nous devons travailler avec les autres juridictions nordiques pour nous assurer que ces infrastructures nordiques soient mises à la bonne place, ajoute-t-il […] pour garder les résidents du Nord et les Canadiens en sécurité. Nous devrions tous être à la même table. »
Un jour nouveau
Pour maximiser les retombées économiques aux Territoires du Nord-Ouest, c’est aussi la création d’un groupe de travail que prône un ancien sous-ministre adjoint aux Affaires autochtones et du Nord Canada, Stephen Van Dine. Un tel groupe réunirait des représentants du fédéral, des gouvernements ténois et autochtones.
« Il y a deux niveaux d’intérêt, précise le consultant de la firme Arctic Unlimited. D’une part pour faciliter les communications, la planification et la coordination. Ça pourrait aider pour les formations et les contrats de service pour les nouvelles infrastructures. Combien et à qui va l’argent est certainement une question importante, mais comment cet argent est dépensé l’est aussi. Il faut s’assurer que l’intérêt à long terme du Nord est pris en considération. »
Sur un autre plan, selon l’analyse de M. Van Dine, la politique et le budget énoncés dans Notre Nord, fort et libre mettent une emphase inédite sur le Nord.
Pour le spécialiste de l'Arctique Stephen Van Dine, les citoyens et les gouvernements du Nord devront s'habituer à composer avec une présence militaire accrue. (Courtoisie)
« Le Canada dit au monde que l’Arctique est une priorité, explicite-t-il. Qu’est-ce que ça veut dire pour les citoyens, pour les gouvernements territoriaux et autochtones dans une perspective de sécurité? La sécurité nationale est maintenant rendue dans leur cour. […] Une augmentation de la présence militaire a des implications au quotidien. C’est une nouvelle étape. »
NORAD
La nouvelle politique de défense arctique inclut les 38,6 G$ annoncés en 2022 pour moderniser le Commandement de NORAD, dont ses emplacements d’opérations à Inuvik, Yellowknife et Iqaluit, ainsi que de la base des Forces armées à Goose Bay.
Le ministère de la Défense nationale rappelle que dans ce contexte, il a mené des consultations avec ses partenaires territoriaux, municipaux et autochtones et qu’une collaboration se poursuivra pour maximiser les « avantages des investissements dans la défense lorsque possible ».
« Ces partenaires ont expliqué l’insuffisance des infrastructures dans le Nord, le manque d’accès à la large bande, la volonté de contribuer à la recherche et à l’innovation, ainsi que la nécessité de développer des compétences et des possibilités socioéconomiques, écrit une porte-parole du ministère. À mesure que les projets progressent, les engagements deviendront de plus en plus axés sur les projets et localisés. »
À noter que Notre Nord, fort et libre ne mentionne pas la Force opérationnelle interarmées du Nord, qui a des détachements à Yellowknife, Whitehorse et Iqaluit.
Au moment de l’envoi de l’article, le gouvernement des TNO n’avait pas répondu à nos questions sur ses attentes face aux futures infrastructures de la défense.
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