S’unir pour éteindre
Le Conseil de l’Arctique lancera une campagne de sensibilisation sur les feux de forêt à l’été 2024 et assure pouvoir faire une différence sur le terrain.
Denis Lord – IJL
Réseau.Presse – L’Aquilon – Arctique
Le Conseil de l’Arctique lancera une campagne de sensibilisation sur les feux de forêt à l’été 2024 et assure pouvoir faire une différence sur le terrain.
La campagne de sensibilisation du Conseil de l’Arctique, qui créait en octobre dernier un département voué à la lutte contre les feux de forêt, visera de multiples objectifs, dont la collaboration à l’action internationale pour diminuer et intervenir face aux incendies, l’amélioration des connaissances sur leurs impacts globaux et la facilitation de l’accès aux données de recherche.
À cette occasion, le nouveau département, appelé Initiative du président sur les feux de forêt, publiera un état des feux de forêt, rendra publics des conseils aux États et un recueil exhaustif d’informations sur le sujet.
Un partage essentiel
Edward Alexander est le coprésident du Conseil Gwich’in international et siège sur différents comités du Conseil de l’Arctique. « Je vois le partage de connaissance sur les formations et les façons de lutter contre les feux de forêt comme absolument essentiels pour la sécurité des communautés nordiques », affirme-t-il, soulignant que feu et fumée transcendent les frontières. « Pour les Gwich’in, l’exemple évident est Rampart House, avec la frontière canado-américaine qui passe à travers. Le côté américain n’a qu’un niveau de protection limité, alors on laisse bruler. Mais au Canada, c’est une protection entière. […] Il faudrait voir comment la région pourrait être globalement protégée en incluant les communautés Draanjik, Vuntut et Gwichyaa dans la gestion. »
Selon M. Alexander, le Conseil international Gwich’in a été un leadeur dans l’harmonisation des pratiques sur les feux de forêt en faisant un examen juridique de traités entre états afin de vérifier les « ententes qui fonctionnent et celles qui sont sur une tablette ».
D’un pays à l’autre
Edward Alexander prône aussi une certaine standardisation des pratiques à l’échelle circumpolaire.
« Les États-Unis et le Canada ont des systèmes que les autres n’ont pas, comme le système de commandement des interventions, qui a été utilisé pour évacuer Yellowknife, Hay River et d’autres communautés, précise le coprésident du Conseil international Gwich’in. L’Europe du Nord n’a pas de système similaire. La Suède, où seront situés les bureaux pour la gestion du feu de l’Union européenne pour l’Europe du Nord [...], a un système de gestion des urgences, ce qui veut dire que chaque juridiction locale intervient pour les feux. C’est très important de travailler avec les juridictions européennes pour qu’elles aient les mêmes outils que nous, qui luttons depuis longtemps contre les feux de forêt. »
À noter que l’Union européenne dispose néanmoins d’un Centre de coordination de la réaction d’urgence, qui s’occupe entre autres des feux de forêt.
Des communautés aux décideurs
Faire une différence sur le terrain est un défi, concède Jessica McCarty, cheffe de la division de la branche biosphérique de la NASA et contributrice du groupe d’experts de l’Arctique sur la surveillance et l’évaluation des polluants climatiques de courte durée de vie.
« En tant que scientifiques, nous avons beaucoup appris des communautés qui ont vécu ces changements extrêmes dans le Nord, incluant les communautés autochtones, dit-elle. Et nous essayons d’inclure ce savoir dans l’amélioration de la science. Mais nous ne disons pas quoi faire aux législateurs ou aux gestionnaires sur le terrain. Nous leur donnons le meilleur menu d’options […] au meilleur de nos connaissances et de notre science. »
Le défi, observe Mme McCarty, réside aussi dans la difficulté, pour la science et les pratiques, de suivre le rythme vertigineux des changements climatiques.
« Mais travailler ensemble offre l’espoir de s’adapter et de diminuer les dommages causés par les feux extrêmes dans la forêt boréale et les écosystèmes arctiques », avance la chercheuse de la NASA. « Cette année et la suivante, le Conseil de l’Arctique met l’emphase sur les feux de forêt, alors nous constatons un focus fort et multinational. On est très heureux de travailler avec nos partenaires autochtones, parce qu’ils en connaissent tellement sur le paysage et ce que nous allons publier aura des impacts sur eux. Nous nous parlons plus au niveau scientifique. Je fais moi-même beaucoup la promotion d’un rapprochement entre scientifiques [scandinaves] et québécois parce qu’ils ont des régimes de feux et des forêts similaires. C’est merveilleux de voir cette interpollinisation. »
Des annonces inquiétantes
Jessica McCarty animait, le 13 dernier, un webinaire où M. Alexander et les chercheurs Johan Sjöström, Anna Lipsanen et Yan Boulanger partageaient leurs perspectives.
Ce dernier, de Ressources naturelles Canada, a rapporté que les superficies annuelles brulées au Canada augmentent de 15 à 20 % par décennie et vont doubler sinon quadrupler d’ici la fin du siècle. Partout dans le monde, la végétation devient de plus en plus inflammable.
« Le statuquo est intenable, avance le chercheur en écologie forestière. L’adaptation à l’augmentation des feux requiert des actions aux échelles locales et régionales. […] Intégrer des expertises et des perspectives variées est essentiel pour prendre des décisions éclairées. »
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