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Photo du rédacteurCristiano Pereira

Une bouffée d’oxygène à High Level

On ne sait pas exactement combien de voitures portant des plaques d’immatriculation d’ours polaires sont arrivées à High Level depuis jeudi matin. Ce que l’on sait, c’est qu’elles sont nombreuses, probablement assez pour transporter environ 15 000 personnes.


En des circonstances normales, les 715 kilomètres qui séparent Yellowknife de High Level devraient prendre environ huit heures à parcourir. Mais nous ne vivons pas des circonstances normales. La majorité des personnes évacuées ont mis beaucoup plus de temps à cause de sections de la route momentanément coupées par la proximité des flammes, de la fumée épaisse, des bouchons, ou des longues files d’attente pour l’acquisition d’essence à Fort Providence.


Les gens se reposent là où ils le peuvent. Les voitures et les caravanes occupent toutes les aires de repos de la seconde moitié de la route. À l’entrée de High Level, des flèches indiquent des campings spécialement préparés pour accueillir nos voisins du Nord.


"Camping gratuit pour tous les évacués"

(Photo : Cristiano Pereira)


C’est la première trace de l’opération que la ville de High Level a rapidement mise en place pour accueillir ceux, qui au nord, fatigués et effrayés, ont quitté leurs maisons pour fuir les flammes.


Au centre de High Level se trouve l’Arena Complex, le premier des nombreux centres d’accueil pour les personnes évacuées, que la province de l’Alberta a mis en place au cours des dernières heures.


À l’intérieur, c’est avec une rapidité remarquable que chacun d’entre dispose de nourriture et de boissons, de paroles de soutien et d’un accès à une douche. Keila Wardley, responsable du développement communautaire de la ville de High Level, a déclaré à Médias ténois que les gens ont commencé à arriver le jeudi matin à 9 h et qu’au moins 1 300 d’entre eux s’y étaient déjà inscrits.


« On sait très bien ce que ressentent les personnes évacuées », a-t-elle déclaré. « En 2019, on a également connu un grand feu ici et on a été tous évacués vers d’autres lieux », a-t-elle poursuivi. « C’est pourquoi nous sommes ici pour apporter tout notre soutien et répondre à toutes les questions. On essaye de faire de notre mieux pour que les gens se sentent en sécurité et confortables. »

Mme Wardley assure que les Ténois sont très reconnaissants et garantit qu’elle n’abandonnera pas ses voisins du Nord. « Nous serons avec eux jusqu’à ce qu’ils se sentent suffisamment en sécurité pour rentrer chez eux ».


Keila Wardley, responsable du développement communautaire de la ville de High Level

(Photo : Cristiano Pereira)


La générosité des Albertains du Nord se manifeste également à 500 mètres de l’Arena : il y a une pompe où les voitures plaquées TNO font la queue pour faire le plein de l’essence offerte par la mairie de High Level.


Offerte par la mairie de High Level, la pompe réservée aux voitures immatriculées des TNO se trouve à quelque 500 mètres de l'Arena.

(Photo : Cristiano Pereira)


Depuis jeudi matin, Marvin Marines fait le plein de centaines de voitures sans demander un centime. Alors que l’essence coule, il sourit, fait la conversation et tente de remonter le moral des gens. Il nous explique que les files d’attente sont permanentes, du matin au soir, et précise qu’il ne sait pas combien il a distribué « mais peut-être environ 3 000 litres d’essence par heure ». La plupart des gens, nous assure-t-il, arrivent ici avec un réservoir presque vide.

Marvin Marines, en train de faire le plein d'essence

(Photo : Cristiano Pereira)


Christopher Schafer fait la queue pour prendre de l’essence, sa voiture étant remplie de bric-à-brac, de vêtements et de jerricanes. Il a quitté Yellowknife jeudi après-midi et a échappé à la première avalanche de bouchons qui s’est produite quelques heures auparavant.

Il avoue ne pas avoir été trop bouleversé par les images de destruction qu’il a vues pendant le voyage parce qu’il a déjà travaillé dans les services de secours. « Je suis entrainé à faire face à ce genre de situation », a-t-il commenté, détendu.


Christopher Schafer, dans sa voiture remplie d'effets personnels

(Photo : Cristiano Pereira)


Et il montre une sorte d’amulette : accrochée au rétroviseur de sa voiture se trouve une pièce d’un dollar qui avait été brulé dans un incendie à Fort McMurray.


Christopher avoue que sa plus grande préoccupation était le bienêtre de ses amis qu’il a laissés derrière lui à Yellowknife et qui cherchaient encore un vol pour être évacués, eux ainsi que leurs chiens.


Il est maintenant en route pour Hope Lake, où il prévoit de camper et de travailler à distance. Malgré les circonstances, il est optimiste : « Compte tenu du peu de temps que les gens ont eu pour s’échapper, tout s’est bien passé et j’espère simplement que les vols d’évacuation se dérouleront bien ».


De retour au centre d’accueil des évacués, on rencontre Paul Mainville, un Québécois qui s’est installé à Yellowknife il y a quelques mois.

Il semble satisfait du centre d’accueil. « Cela me réconcilie avec l’humain, de voir ce centre qui nous aide, nous donne de la bouffe et nous permet de prendre une douche. »


Après avoir passé plusieurs jours dans un climat d’incertitude à Yellowknife jusqu’à l’annonce de l’ordre d’évacuation, il a décidé de partir avec un groupe de franco-ténois, un convoi de cinq voitures avec treize personnes, qui jeudi, à deux heures du matin, est parti du stationnement du grand indépendant.


Paul Mainville, Québécois récemment installé à Yellowknife

(Photo : Cristiano Pereira)


Le voyage l’a frappé. « Nous sommes passés par des zones de fumée intense, mais le plus marquant a été quand nous avons traversé la zone d’Entreprise avec la dévastation totale de la forêt à gauche et à droite sur 25 ou 30 kilomètres, et des bâtiments calcinés », décrit-il.


« Ça m’a laissé un froid, parce que cela nous a montré à quel point l’évènement avait été violent. J’ai beaucoup pensé aux équipes, elles ont dû travailler vraiment fort pour ne pas que ça continue. »


« Ce feu, poursuit Paul, c’est une bête, un monstre. »

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