Une trajectoire forgée par la défense du français

Yvonne Careen (photo d’archives)
Lorsque Yvonne Careen arrive à Yellowknife en 1981, elle ne sait pas encore que le Nord deviendra le théâtre de son engagement pour l’éducation francophone. Originaire de la Saskatchewan, elle a grandi dans une famille profondément attachée à la défense du français. « C’est parti de là, ça a semé une graine », raconte-t-elle.
Après un premier séjour de quelques mois, elle retourne aux études et obtient un baccalauréat en éducation au Collège universitaire de Saint-Boniface. Pourtant, ce n’est pas immédiatement qu’elle se destine à l’enseignement. Elle travaille d’abord comme adjointe administrative, mais cette expérience ne la convainc pas. « J’ai travaillé là-dedans deux ans de temps et j’ai trouvé, ah non, je ne peux pas faire ça pour carrière. »
En 1986, la suppression de son poste au gouvernement fédéral lui offre une opportunité inespérée : retourner aux études et se consacrer à l’éducation. Alors qu’elle est en stage final, une offre inattendue bouleverse ses plans. « Ma sœur Bernadette enseignait déjà ici à Yellowknife et il leur manquait un enseignant dans leur programme d’immersion à l’école J.H. Sissons. » Son recteur, d’abord réticent, finit par lui donner son autorisation et elle accepte le poste. « Ils ont fait mes évaluations finales ici. Et là, je me faisais payer en même temps. Alors, c’était un win-win pour moi. »
À son arrivée aux TNO, elle est témoin des premières démarches des parents francophones pour obtenir un enseignement en français langue première. « Il y avait un noyau de francophones qui avaient déjà demandé au ministère de l’Éducation un programme en français langue de la minorité. » Face à la réticence du gouvernement, ces parents doivent menacer d’intenter une action en justice. D’abord refusé par le Conseil scolaire catholique de Yellowknife, le programme est finalement accepté sous la tutelle de Conseil scolaire YK1.
Les premières classes francophones voient le jour dans des modules portatifs installés sur le stationnement de l’école J.H. Sissons, où elles restent une décennie.
Ce n’est qu’en 1999 qu’un établissement propre à la communauté francophone est construit : l’école Allain St-Cyr. « Entretemps, il y a aussi eu le développement de la garderie Plein Soleil », souligne-t-elle. Créée au début des années 1990, elle a longtemps changé d’emplacement et a risqué de fermer. Grâce à la mobilisation des parents, un espace lui est finalement réservé dans la nouvelle école.
Engagée dans toutes ces batailles, Mme Careen ne tarde pas à prendre un rôle plus actif dans la défense des droits des francophones.
« J’ai siégé sur le conseil d’administration de la garderie Plein Soleil, puis je suis devenue présidente de l’Association des parents francophones de Yellowknife. »
Mais les divergences d’opinions au sein de la communauté mènent à un tournant. « Il y en a qui trouvaient qu’on était beaucoup trop osés de confronter le gouvernement », confie-t-elle.
En 2005, une injonction judiciaire est obtenue pour forcer le gouvernement à agrandir l’école. « Si on mettait des classes portatives, elles allaient être là à l’infini. » Une aile entière est finalement ajoutée au bâtiment existant, comprenant un laboratoire de sciences, une bibliothèque et de nouvelles salles de classe.
Ces luttes ne se limitent pas à Yellowknife. À Hay River aussi, un groupe de parents revendique un programme francophone. Face au refus des autorités locales d’établir des classes d’immersion, ils se tournent vers la Commission scolaire francophone, obtenant la création d’un programme en français en 1992. « Tout ça s’est passé dans les mêmes années, grosso modo », se rappelle-t-elle.
Parallèlement à son militantisme, Yvonne Careen poursuit son parcours dans le système scolaire anglophone, où elle enseigne pendant 15 ans. Elle devient ensuite directrice adjointe à l’École Saint-Joseph, puis coordonnatrice des programmes en français pour la Commission scolaire catholique de Yellowknife.
En 2009, elle franchit un cap en acceptant la direction de l’École Allain St-Cyr. « J’ai postulé et on m’a confié le poste de directrice et ça a très, très bien allé. » Cinq ans plus tard, la Commission scolaire francophone cherche une nouvelle direction générale. « Ils ont fait deux affichages, mais aucun candidat de grand intérêt. »
D’abord réticente à quitter son poste, elle accepte finalement de tenter l’expérience pour un an. « Il y avait une clause dans mon contrat qui disait que si je n’aimais pas ça, j’avais le premier droit de regard pour retourner dans mon poste de direction à l’école. »
Un engagement de toute une vie qui aura marqué en profondeur l’éducation en français dans les Territoires du Nord-Ouest.
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[2009.04.10_Capture d'écran_Ivonne Careen]
[Yvonne Careen (photo d’archives)]
[2020.03.06_Capture d'écran_Ivonne Careen]
[Femme de rigueur et de convictions, Yvonne Careen a consacré une grande partie de sa vie à la cause de l'éducation francophone aux TNO. (Photo Oscar Aguirre) ]
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