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Marie-Soleil Desautels

À la recherche de « partenaires » locaux

Contrecoup positif de la COVID : la population locale devrait être davantage sollicitée pour récolter des données scientifiques en lien avec les changements climatiques.


Des personnes sont initiées à l’entretien d’une tour qui permet d’observer les changements climatiques à Inuvik.(Crédit photo : Emma Riley – Université de Montréal)


Entretenir des tours qui permettent d’observer les changements climatiques, collecter de l’information sur la végétation par drone, surveiller l’impact des castors qui montent vers le nord ou prélever des carottes de tourbe pour des analyses. Voilà autant de tâches qui pourraient bientôt être offertes à des Autochtones ou résidents ténois afin d’aider des experts provenant de l’extérieur des TNO. Certains pourraient même travailler sur un projet affecté par la guerre en Ukraine.


Faute de pouvoir se déplacer aisément aux Territoires du Nord-Ouest durant la pandémie, le professeur agrégé du département de géographie de l’Université de Montréal Oliver Sonnentag a réalisé encore plus l’importance de s’appuyer sur la population locale pour accomplir des tâches sur le terrain.


Celui qui traversait régulièrement le pays pour entretenir dix tours de covariance des turbulences installées dans les TNO a ainsi obtenu, en 2021, du financement pour deux ans du Centre des compétences futures. L’objectif initial ? Former de six à dix Autochtones afin qu’ils entretiennent les tours, à raison d’environ 30 jours par année chacun. Ces tours, aux instruments complexes et alimentés par des panneaux solaires et des éoliennes, mesurent les échanges nets de vapeur d’eau, de gaz carbonique et de méthane, ce qui permet d’observer les changements climatiques.


Puisque l’entretien des tours occupera peu les participants et que le financement est limité à deux ans, le professeur s’assure de dénicher d’autres projets de recherche pour offrir de l’emploi à ceux qu’il appelle « ses partenaires ». « On forme des gens, mais comment les garde-t-on engagés s’il n’y a plus rien après deux ans ? », dit-il.


La formation devait commencer en ligne l’automne dernier et devait être suivie de deux semaines de pratique au début de l’année. « Le recrutement se déroulait bien, mais nos efforts sont tombés à l’eau avec la vague de covid en aout-septembre aux TNO. Les gens avaient autre chose en tête qu’une formation en lien avec les changements climatiques », dit celui qui vit à Montréal, lors d’un entretien Zoom.


La formation virtuelle a ainsi commencé plus tard et, finalement, sous un autre format. Au lieu d’une rencontre en ligne pour tout le monde en même temps, des vidéos avec de la documentation sont fournis. Les participants n’ont qu’à suivre la formation à leur rythme et sont indemnisés en conséquence.


Emma Riley, coordonnatrice de recherche pour le réseau de formation du Centre des compétences futures, qui travaille depuis Yellowknife, affirme que six résidents de Fort Simpson, d’Inuvik, de Wrigley et de Yellowknife participent. Le professeur Oliver Sonnentag explique que la coordonnatrice est souvent allée dans les collectivités pour recruter et que quatre des six participants sont autochtones. « On a étendu notre sélection à des gens qui résident dans le Nord plutôt que seulement des Autochtones afin d’avoir plus de monde, dit-il. On s’attendait à devoir faire ça. »


La formation pratique, quant à elle, se déroulera les deux premières semaines de mai. Les participants recevront des cours de premiers soins en milieu sauvage et de sécurité dans le maniement des armes à feu. Ensuite, ils pourront s’exercer à entretenir une tour montée pour l’exercice.


Grâce à l’ajout d’autres projets de recherche, ils apprendront aussi à prélever des carottes avec une machine et auront une journée complète de formation sur l’utilisation de drones. « J’ai acheté trois microdrones, n’importe qui peut les faire voler avec un téléphone intelligent. Ils sont très utiles pour plein d’activités de surveillance », affirme le professeur.


L’Institut de valorisation des données, créé par l’Université de Montréal et ses écoles affiliées en 2016, finance un projet qui s’appuie sur l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine à la station de recherche sur le pergélisol Scotty Creek, où s’implique le professeur. Des drones vont ainsi survoler une zone de 500 hectares pour recueillir des données sur la végétation à une échelle millimétrique, explique-t-il. « Il y aura une collecte massive d’information. Qui connait mieux les arbres et les plantes que les Autochtones ? », dit-il. Ce sont des données et des images ramassées sur le terrain par ces derniers qui permettront aux ordinateurs d’apprendre.


« Peu importe le projet de recherche, continue-t-il, je m’assure désormais qu’une partie du budget est réservée pour verser du salaire à nos partenaires sur place. »


Le professeur fait aussi partie d’un groupe qui s’intéresse aux castors, qui sont de plus en plus présents dans la toundra, près d’Inuvik. « Avec leurs barrages, ils changent l’hydrologie des lacs, la fonte de la neige et la biogéochimie. Nos partenaires autochtones ne sont pas justes des participants à cette recherche, ils sont coleadeurs. »


Une autre recherche qui se déroulait dans l’Arctique russe, pour l’un des instituts de la Société Max-Planck pour le développement des sciences, pourrait même se poursuivre près d’Inuvik. « Le projet d’un des professeurs que je connais a été interrompu à cause de la guerre en Ukraine. On essaye de transférer une partie de son travail à Inuvik puisque l’environnement est similaire », dit Oliver Sonnentag.


Deux individus à Inuvik, actuellement formés avec les fonds du Centre des compétences futures, pourraient ainsi se retrouver à collecter des données pour l’un des instituts Max-Planck. Ils ont d’ailleurs prélevé récemment des carottes de neige pour un autre projet qui se penche sur la manière dont les caractéristiques du manteau neigeux influencent les flux de carbone.


C’est la coordonnatrice de recherche, Emma Riley, qui les a rencontrés à Inuvik et qui, en discutant, les a convaincus de se joindre à la formation.


L’appel pour trouver des gens afin d’entretenir les tours qui aident à comprendre les changements climatiques a aussi circulé dans le milieu scolaire. Karine Gignac, Québécoise d’origine qui vit aux TNO depuis 2015, a vu l’annonce passer alors qu’elle étudiait en environnement au Collège Aurora. « En travaillant avec l’Université de Montréal, ça me donne accès à des tâches plus techniques que mon emploi d’inspecteur au ministère de l’Administration des terres. C’est très intéressant », dit l’ancienne technicienne médicale pour les forces armées canadiennes. Elle s’est depuis déjà rendue à Wrigley pour entretenir du matériel scientifique et était en route vers Scotty Creek au moment de notre appel.


Le professeur Oliver Sonnentag cherche à impliquer activement ses « partenaires » dans la collecte de données en s’assurant qu’ils « comprennent pourquoi ils font ça et l’importance de leur rôle dans la recherche sur les changements climatiques »

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