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Photo du rédacteurCristiano Pereira

En sécurité, oui, mais avec des incertitudes

Les milliers de Ténoises et de Ténois évacués en Alberta savent qu’ils sont désormais en sécurité. Ils se sentent accueillis par leurs voisins du Sud. Mais certains vivent dans un climat d’incertitude troublant.


Cristiano Pereira – IJL

En reportage à Red Deer


Pour l’instant, il n’y a pas de réponse à la question qui brule les lèvres de tant de gens : quand pourrons-nous enfin rentrer chez nous et reprendre une vie normale? Personne ne le sait, et il pourrait s’écouler de nombreux jours encore avant qu’une réponse claire n’apparaisse à l’horizon.

Plusieurs évacués ignorent ce qui va se passer dans un avenir proche, et se demandent comment ils pourront faire face à leurs dépenses dans les semaines à venir.

Parmi ces personnes, on retrouve Zack Nden, un Camerounais arrivé à Yellowknife en février dernier pour y travailler comme brasseur à la brasserie NWT Brewing Company.

Il a quitté Yellowknife en même temps que des milliers de personnes, en voiture, avec sa femme, leur fils de huit ans et un bébé de quinze mois. Ils sont maintenant logés à Red Deer, attendant que les nouvelles leur annoncent qu’ils peuvent retourner dans le Nord.

L’attente est angoissante et pleine d’incertitudes. Dans un échange avec Médias ténois, il confie ce qui le préoccupe.

« Cette situation me rend très inquiet. Quand je travaille, je sais que tous les quinze jours j’aurai un salaire qui me permettra de payer la maison et de prendre soin de ma famille. Maintenant, je vis dans la crainte et avec une boule dans le ventre. Tant que je n’ai pas de rentrée d’argent, est-ce que je dois continuer à payer le loyer? »

Zack Nden (crédit photo Cristiano Pereira)


Cette incertitude est, souligne Zack, « la chose la plus difficile de toutes ces journées [d’éloignement] ». Son patron lui a fait comprendre qu’il transférait son salaire le 25 aout, mais Zack demeure très inquiet de ce qui pourrait se passer par la suite, si la situation perdure. Dans un haussement d’épaules, il confie : « pour le futur, nous n’en avons aucune idée ».

La famille de Zack s’est inscrite au centre d’accueil des évacués de Red Deer après un long voyage depuis Yellowknife. Ils ont quitté la capitale ténoise en groupe, avec d’autres Camerounais.


Le voyage n’a pas été facile pour eux. Lorsqu’ils ont vu une énorme file d’attente pour de l’essence à Fort Providence, ils ont pensé qu’ils pourraient s’en procurer à Enterprise, quelque 140 km plus loin. Ils ne savaient pas ce qui s’était passé quelques jours auparavant : Enterprise avait été presque entièrement détruite par les flammes, et il n’y avait plus de station d’essence ouverte.

« Nous avons vu que tout le village avait brulé. C’était vraiment chaotique, détaille Zack. Nous manquons de carburant, mais heureusement, nous avons trouvé quelqu’un qui avait des bidons d’essence dans son van et nous [lui] avons dit : « Pouvez-vous nous dépanner? Nous avons des soucis et nous ne savons pas comment faire pour y arriver. » Et il nous a vendu un jerricane et demi d’essence pour 60 $, ce qui nous a permis d’atteindre High Level. »


Après avoir roulé pendant plus de douze heures consécutives, ils décident de s’arrêter pour la nuit sur une aire de repos avant Slave Lake.

Les enfants ont beaucoup dormi pendant le voyage, mais pas leur mère. Zack explique : « Elle ne se sentait pas en sécurité parce qu’elle vient d’un pays où il y a de l’insécurité et pour elle, s’arrêter au milieu d’une route pendant la nuit, sans lumière, où tout était noir, elle disait qu’elle ne pouvait pas dormir. Je suis ici depuis six mois et je sais qu’il n’y a pas d’insécurité, mais elle est arrivée au Canada il y a seulement quelques jours ».

Zack était plus inquiet de ce qui l’attendait au bout du chemin. « Je n’avais aucune idée de l’accueil qui nous serait réservé, où nous allions dormir et comment nous allions manger ».


Ils ont finalement été accueillis dans la ville de Red Deer – située à une heure et demie au sud d’Edmonton – qui abrite un millier de ressortissants de Yellowknife. Les conditions y sont bonnes : Zack et sa famille sont logés dans une chambre d’hôtel et reçoivent des bons quotidiens pour tous leurs repas.

Aujourd’hui, son fils de huit ans « pense qu’il est en vacances » parce qu’il se retrouve soudainement dans une chambre d’hôtel. « Mais, ajoute le père de famille, il dit que son souci est de savoir quand il pourra commencer l’école parce qu’il sait que les enfants ailleurs au Canada commenceront bientôt ».


Des communautés accueillantes

À près de 500 kilomètres au nord-ouest de Red Deer se trouve Valleyview, une petite communauté albertaine d’environ 1 800 habitants. C’est l’une des communautés qui a ouvert ses bras aux personnes évacuées de Yellowknife et qui a mis en place un centre d’accueil pour fournir un hébergement, de la nourriture et d’autres formes d’aide aux personnes fuyant les incendies dans le Nord.

L’accueil, dont Médias ténois a bénéficié pendant deux jours, est réconfortant : nous sommes reçus dans un centre d’évacuation et, sans tarder, nous sommes dirigés vers une chambre d’hôtel avec des chèques-restaurant échangeables dans des établissements de restauration ou même au supermarché du village. Les personnes qui nous accueillent sont extrêmement aimables.


C’est à la porte de ce centre d’accueil que nous rencontrons Andrea et Anisha Powell, une mère et sa fille, qui vivent à Yellowknife depuis neuf ans. Elles sont parties de la capitale ténoise et ont parcouru sans relâche les 1150 kilomètres jusqu’à cette petite communauté « où les gens nous ont bien accueillis et nous ont beaucoup soutenus », raconte Anisha.


Andrea & Anisha Powell (crédit photo : Cristiano Pereira)


« Quand on est dans une situation comme la nôtre – une situation instable – et qu’on reçoit un encouragement, cela nous donne beaucoup de force et de réconfort », ajoute la mère, Andrea.


À Yellowknife, les deux Powell travaillent au supermarché Independant, « le grand ». Elles précisent que leur gérant, Collin, « a été d’un grand soutien » avant l’évacuation.

La route, par contre, a été « stressante et écrasante », poursuit Andrea. « Mon cerveau n’est même pas connecté à mon corps et j’ai beaucoup de mal à me concentrer. Je dois faire trop d’efforts pour me détendre et éviter que l’état d’anxiété ne me prenne », ajoute-t-elle.


Anisha, pour sa part, a des préoccupations qui se portent vers le sort de la ville évacuée. « Ce qui me préoccupe le plus, c’est la possibilité que notre ville brule, et cette incertitude de ne pas savoir ce qui nous attend à notre retour, confie Anisha. Pour l’instant, nous voulons juste que tout le monde soit en sécurité, mais la seule chose à laquelle nous pensons, comme tout le monde, c’est que, oui, il nous a fallu fuir. »

La famille Powell dit avoir vu beaucoup de fumée sur la route. Au bout d’un moment, elles ont compris que le noir du ciel était en fait de nuages, et que la pluie tombait enfin du ciel. « Cela nous a rendues très heureuses et on a commencé à remercier Dieu », confie Andrea.

À présent, elles pensent rester à Valleyview. « Nous essayons de ne pas trop penser à ce qui pourrait arriver et préférons simplement prier pour le meilleur et demander au Seigneur de sauver Yellowknife », poursuit Andrea.

De Fort Smith à l’Alberta

Quelques kilomètres plus loin, nous rencontrons une autre voiture avec une plaque en forme d’ours polaire. Il s’agit de Cody Utman, originaire de Fort Smith, évacué depuis le 12 aout, quelques jours avant l’évacuation de Yellowknife.

Après plusieurs jours passés à sentir la fumée autour de sa ville et à entendre des conversations sur l’imminence d’un ordre d’évacuation, il a pris la route avec sa famille et ses voisins. « Tu fais ce que tu as à faire pour le bien de ta famille », dit-il.


Dès les premières centaines de kilomètres, il a réalisé qu’aucune des communautés du Slave Sud ne serait en sécurité pour les prochains jours. « C’est pourquoi j’ai décidé de continuer à rouler aussi loin que possible vers le sud ce jour-là et [que] nous nous sommes rendus à Grand Prairie, en Alberta », confie celui qui a dû quitter Fort Smith.


Cody Utman (crédit photo : Cristiano Pereira)


Ils ont conduit pendant plus de douze heures d’affilée et ne se sont arrêtés que lorsque la fatigue les a gagnés. Maintenant, Cody fait ce que tous les autres font : il attend.

Cody a confié qu’il ne fait pas partie des personnes qui se laissent submerger par le stress et par l’anxiété dans ces situations, notamment « parce que tout le monde est en sécurité et j’avais les gens que j’aime avec moi ». « Je n’ai laissé que des choses matérielles derrière moi », souligne-t-il.

L’évacué de Fort Smith assure avoir « une façon optimiste de voir les choses ». Il tente alors d’étayer ses propos : « J’ai ce sentiment que le monde est en train de se guérir lui-même. Le monde génère un processus de guérison, comme une réaction biologique. C’est un élément naturel de l’écosystème, une partie de la forêt de la taïga qui génère des incendies. C’est une renaissance. Alors que beaucoup d’entre nous verraient cela comme une mort et une destruction, j’aime le voir comme une renaissance. »


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