Au 5101 avenue Franklin, là où s’érigeait il n’y a pas si longtemps un Canadian Tire, trône désormais une institution tout aussi canadienne et qui en plus vous appartient: le gouvernement.
Le 14 octobre, à une heure où il fait bon laisser se gaspiller des pâtisseries en écoutant des adolescentes chanter l’Ô, Canada dans les deux langues, les nouveaux locaux de la fonction publique fédérale de Yellowknife ont été officiellement inaugurés.
En y pénétrant, on est frappé par l’espace qui s’offre devant nous. Le plafond est élevé. Le corridor est large. Le hall est profond.
On oublierait presque qu’on s’y trouve probablement pour accomplir une tâche désagréable : remplir une déclaration de chômage, tenter d’obtenir un passeport, contacter l’Immigration, travailler.
Les premiers à avoir occupé les locaux sont les employés de Services Canada. Le lundi avant l’inauguration, le guichet unique de services gouvernementaux était en opération.
Le guichet est bilingue, a assuré Marc-André Larocque. Cinq employés peuvent vous assister en français. Dans les autres centres de Services Canada aux TNO cependant – à Fort Smith, à Hay River, à Inuvik et à Fort Simpson – le prospectus du ministère n’indique pas la mention bilingue.
Le public dispose sur place de quatre postes informatiques pour utiliser les services en ligne du gouvernement et d’autant de téléphones pour appeler la ligne 1-800-O-Canada.
Quand vous trouvez une offre d’emploi qui vous plaît, elle ne s’imprime plus sur du papier ciré en rouleau étroit, mais sur une feuille blanche format lettre. Il fallait y penser.
Marc-André est ravi du déménagement. «Il y a de la place. On est bien », sourit-il.
Celui qui s’occupe des services informatiques est tout heureux de me montrer « son » étage, le deuxième. Pour y accéder nous prenons l’escalier central dont le chic des balustrades vitrées interdit l’ascenseur.
Le bureau de Marc-André donne sur la fameuse grande vitre du côté sud. Il adore la lumière, mais il n’aurait pas craché, non plus, sur une place face à la main, là où les fenêtres s’ouvrent.
Le plancher est couvert de tuiles de tapis. Nous passons par une pièce vaste et vide. Une des tuiles est soulevée et on peut voir que le plancher est surélevé d’au moins 50 centimètres. Dessous, il y a tout le filage et la tuyauterie. Marc-André s’épate du temps qu’il épargnera à ne pas percer de murs.
En passant par l’escalier d’en arrière, nous aboutissons (presque) sur le toit. Dans l’embrasure de la porte qui mène à ce que tout le monde appelle déjà « le Penthouse », nous distinguons une poignée d’ouvriers qui s’affairent à placer des dalles de ciment.
L’endroit est destiné à être une aire de repos pour les employés. L’été prochain, le toit sera aménagé en parc urbain avec de la pelouse, des arbres et des bancs pour s’embrasser. Ça promet d’être un beau jardin. Dans les couloirs, on chuchote qu’il coûte un million de dollars.
Les employés de l’Environnement et des Affaires indiennes, les seuls à conserver leurs vieux locaux, vont être jaloux.
Développement durable
L’édifice s’appelle Greenstone.
Le nom, retenu parmi plus de 200 suggestions, n’est pas une tentative de nous faire oublier le revêtement gris terne du bâtiment, mais plutôt une référence à la grande ceinture de roche verte sur laquelle repose Yellowknife. C’est aussi, dit-on, un clin d’œil aux « qualités écologiques » de la bâtisse.
On l’a beaucoup répété, le nouvel édifice porte le sceau du développement durable. Lors de l’ouverture de l’édifice Greenstone des panneaux unilingues anglais disposés à différents endroits du rez-de-chaussée, détaillaient certaines des astuces éco-énergétiques qui permettent d’affirmer qu’il s’agit d’un bâtiment vert.
La face sud de l’édifice est un immense mur-rideau composé à moitié de panneaux photovoltaïques qui produisent de l’électricité avec les rayons du soleil. On estime que le mur-rideau fournira 5 % de l’énergie utilisée par le bâtiment, un record pour un édifice gouvernemental, au Canada.
Cette façade vitrée est orientée si bien que, 90 % des heures d’ouverture, la place sera éclairée à la lumière du jour. Le matin de l’inauguration, quand les nuages ont finalement daigné prendre congé, l’édifice s’est instantanément gorgé de soleil et mis les orateurs à contre-jour.
L’édifice Greenstone sera, en partie, chauffé à l’énergie solaire passive. Les toilettes du bâtiment sont conçues pour minimiser la consommation d’eau. Même la moquette est faite de matière recyclée.
Toutes ces particularités, estime le ministère des Travaux publics, permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre des fédéraux de 372 tonnes par année. L’équivalent des émissions annuelles de 75 Canadiens.
L’architecte principal du bâtiment, Richard Isaac, n’était pas en mesure de dire quelle quantité d’énergie a été requise pour ériger la construction; ni la quantité de gaz émise pour y arriver. On ne saura donc pas à partir de quand ces économies d’énergie seront véritablement des économies.
Parce que Ethel Blondin-Andrew l’a annoncé avec un large sourire, on sait par contre que les économies d’énergies sauveront 70 000 $ aux contribuables, chaque année. Étant donné que le bâtiment nous coûte 28 millions de dollars, faut-il supposer que l’investissement dans la technologie verte commencera à se rentabiliser en 2045?
Espérons, d’ici là, que le prix de l’énergie n’augmentera pas trop.