Assis dans les bureaux de L’Aquilon avec sa fille Sarah sur les genoux, Dominic Cousineau n’en finit plus de gesticuler en donnant, passionné, les détails de la rencontre qui a changé sa vie : sa rencontre avec le Nord.
À 31 ans, Dominic quitte le Québec pour l’Ouest canadien. Comme beaucoup d’autre avant lui, il part sur le pouce à la recherche d’un boulot dans les plantations d’arbres. Il veut voir du pays. Il veut apprendre l’anglais.
Malheureusement, ça ne tourne pas comme il le souhaitait. Il a du mal à se faire payer pour son labeur. À plusieurs reprises, il fait la navette entre la plantation, en Alberta, et le bureau de son patron, à Vancouver. « J’ai fait plus de 26 000 kilomètres de pouce en un été », se souvient-il.
À un certain point, il fauché. Il ne parle toujours pas anglais. Il se nourrit en pigeant dans le frigo d’une auberge de jeunesse. Il ne sait plus quoi faire. « Ça faisait plus qu’une semaine que je couchais dehors. Je commençais à être tanné. »
C’est à ce moment-là qu’on lui parle pour la première fois de Yellowknife. Il paraît qu’il y a de la job par là et peut être même une association francophone qui peut l’aider. Un peu désemparé, Dominic suit ce conseil. Il s’en va donc dans le Nord, sur le pouce.
Sans argent et sans certitude, la route est longue. « Je me suis fait débarqué quelque part entre Hay River et Fort Providence », raconte-t-il. Quelques heures à peine après avoir franchit la limite mythique du soixantième parallèle, se faire abandonner, seul au milieu de nulle part, à la mi-août, quand il commence déjà à faire froid, ça n’a rien de rassurant. Aujourd’hui, Dominic en rit de bon cœur.
Il a finalement abouti dans la petite capitale des TNO. C’est à partir de là que les choses ont déboulées. À la Fédération Franco-Ténoise, le directeur, Daniel Lamoureux, lui indique qu’il y aurait peut-être du travail pour lui à l’hôtel Explorer. « Ils m’ont embauché le jour même », ricane-t-il, l’air encore aussi étonné sept ans plus tard.
À peine un mois plus tard il rencontre, Candace, l’amour de sa vie. Ils se sont mariés en l’an 2000 et, aux dernières nouvelles, ils s’aiment à la folie. Il travaille à l’Explorer comme serveur pendant un petit bout de temps. Il paraît même que l’hôtel utiliserait encore sa photo de beau jeune homme tiré à quatre épingles dans sa publicité.
Il est ensuite embauché comme serveur au restaurant Our Place. Puis, il se dégote un poste d’agent de bord pour la compagnie d’aviation First Air. Ce travail lui permet de mesurer son attachement à Yellowknife. Malgré qu’il atterrisse plusieurs fois par semaine à Vancouver et à Edmonton, il est toujours aussi heureux de revenir, chez lui, aux TNO.
Ses affaires vont bien, mais Dominic rêve de nouveaux défis. Il veut être son propre patron, partir son entreprise. C’est ce qu’il a toujours voulu faire.
À un certain point, il pense à monter une affaire de vente d’art inuit avec un copain qui possède des galeries d’art à Montréal. Avec son travail d’agent de bord dans le Nord, Dominic se rend fréquemment dans les communautés de l’Arctique et il serait facile de rejoindre les artistes. Mais le projet sera abandonné.
C’est finalement une petite frustration de la vie quotidienne qui lui inspirera sa grande idée. Un jour, il se rend dans un nettoyeur à sec de Yellowknife pour faire nettoyer les pantalons de son uniforme d’agent de bord. En les remettant au préposé, on lui annonce que ses pantalons ne seront prêts que dans deux semaines. Il accepte ces conditions, un peu médusé. Il n’a pas le choix de toutes manières, c’est le seul nettoyeur à sec en ville. Deux semaine plus tard il revient chercher ses pantalons. Ils ne sont pas prêts. Énervé, il s’en retourne dans sa voiture en maugréant. C’est alors que ça le frappe : son entreprise sera un nettoyeur à sec.
Cet été, il a déniché un local dans le secteur Range Lake et obtenu un prêt de la banque. En ce moment même, les nettoyeurs Diamond Cleaners sont prêts à recevoir vos habits.
Dominic Cousineau, qui compte faire sa marque à Yellowknife en offrant un service à la clientèle supérieur, pense qu’il ne serait peut-être pas son propre patron aujourd’hui si, sept ans plus tôt, il avait choisi la route de l’Est plutôt que celle du Nord. Les affaires ici, dit-il, « c’est un succès presque assuré. »
Il note avec intérêt que les TNO ont le plus haut taux de croissance économique au pays. Une situation enviable mais qui a aussi ses défauts. À Yellowknife, il est plus difficile qu’ailleurs de garder ses employés parce que… Il y a trop de travail. « À chaque fois que je vais manger chez Boston Pizza, le personnel est différent », constate-t-il. C’est une difficulté mais, au fond, notre entrepreneur est mal placé pour s’en faire avec ça. Après tout, c’est ce qui l’a amené ici, le travail.
À tous ceux qui seraient tentés de l’imiter, Dominic offre ce conseil : « Continuez d’être des rêveurs. »