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le Vendredi 25 novembre 2005 0:00 Environnement

Le pipeline à la croisée des chemins

Le pipeline à la croisée des chemins
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Le Projet gazier du Mackenzie fait des bonds de géants ces derniers jours.

Le 17 novembre, une lettre de la vice-première ministre du Canada, Anne McLellan, adressée au vice-président d’Imperial Oil a été rendue publique. Dans cette lettre, la vice-première ministre se dit prête à « supporter le Projet gazier du Mackenzie dans des termes que le Canada considère économiquement acceptables ».

Même s’il est allégué que les promoteurs cherchent à obtenir 1,2 milliards de dollars en subsides, McClellan affirme que l’intention du Canada n’est pas de subventionner le projet.

Mais elle indique que le Canada serait prêt à instaurer un régime de royautés flexible dans lequel le gouvernement fédéral ne percevrait peu ou pas de redevances sur le projet durant les premières années d’opération. Selon le Globe and Mail, le gouvernement pourrait exiger de se faire payer en gaz, à la place.

La vice-première ministre évoque aussi la possibilité que le Canada fasse « des investissements variés dans une ou plusieurs parties du projet. »

La lettre a ravi les promoteurs. « Nos préoccupations fiscales ont été largement apaisées, a déclaré un porte-parole d’Imperial Oil à la Presse canadienne. Nous sommes très positifs face à ce développement. » En octobre, Imperial Oil avait souligné le besoin d’établir un cadre financier flexible avec le fédéral. L’absence de ce cadre était perçu comme un obstacle à la réalisation du projet.

Par contre des groupes de pressions et le Nouveau parti démocratique ont vu d’un tout autre œil l’annonce de la vice-première ministre.

Le Sierra Club du Canada, qui dirige la campagne Mackenzie Wild, opposée au Projet gazier, considère que le Canada n’a pas à se plier aux exigences financières des riches compagnies pétrolières.

« Le gouvernement du Canada devrait plutôt investir dans l’efficacité énergétique et dans les alternatives aux carburants fossiles », affirme le directeur de la campagne Mackenzie Wild, Stephen Hazell. Selon lui, cette annonce mine la crédibilité du Canada qui reçoit, cette semaine, la Conférence internationale sur les changements climatiques.

Shelagh Montgomery de l’ONG ténoise Alternatives North déplore, quant à elle, que le Canada soit en train de donner carte blanche à un projet qui n’a pas encore été évalué.

« Le gouvernement fédéral est en train de nous embarrer dans un régime de royautés qui va nous empêcher de recevoir notre juste part de revenues; et nos leaders territoriaux semblent heureux de ça. […] Au point où nous en sommes, les organismes chargés de réviser le projet finiront par émettre des recommandations à des ministres fédéraux qui sont des supporteurs inconditionnels du projet », proteste Montgomery. Elle ajoute que rien ne nous oblige à faire exploiter notre gaz par le groupe de promoteurs du Projet gazier du Mackenzie et que l’on devrait aussi considérer d’autres options.

Le candidat néo-démocrate dans Western Arctic, Dennis Bevington, s’est joint aux protestations. « Les libéraux utilisent l’argent des Canadiens pour subventionner des grosses pétrolières riches. […] À une époque où le coût de l’énergie force les Canadiens les moins fortunés à choisir entre manger ou chauffer leur maison, de tels cadeaux aux multinationales sont scabreux et intolérables », tonne le politicien.

Alternatives North, le Sierra Club et le NPD, considèrent tous qu’en dépit des affirmations de la vice-première ministre à ce sujet, le gouvernement Martin s’apprête de facto a subventionner les promoteurs à la hauteur d’environ 1,5 milliard de dollars.

Mercredi, le premier ministre des TNO, Joe Handley, a imité le fédéral et a, à son tour, écrit aux promoteurs pour leur assurer de son support au projet et de son intention de ne pas le surtaxer.

« Ce n’est pas l’intention du GTNO que de créer ou de supporter la création de nouvelles taxes [sur l’industrie], ni d’apporter des changements au régime de royautés (post-dévolution) qui pourraient nuire au projet »

Autochtones

L’autre obstacle au projet, identifié par les promoteurs, est la négociation d’accords sur l’accès aux terres avec les différents groupes autochtones de la zone du pipeline. Or, ce front-là aussi semble prêt à céder.

Le 17 novembre, trois des cinq communautés du Sahtu ont conclu une entente avec les promoteurs. Les détails de cette entente, qui devait être entérinée, hier, par le suffrage des membres des communautés, n’ont pas encore été dévoilés.

Par ailleurs, l’ex-premier ministre des TNO, Stephen Kakfwi, a été démis de ses fonctions de négociateur du Sahtu, à peu près au moment où l’entente a été conclue.

Nelly Courneyea, qui représente les intérêts des Inuvialuit, a affirmé à la presse que son groupe était « très près » d’arriver à une entente.

Les communautés Sahtu de Fort Good Hope et Colville Lake devrait voter sur une entente en décembre.

Quant aux Gwich’In et aux Premières nations du Deh Cho, aucune mise à jour sur l’état de leurs négociations n’a été divulguée.

Toutes ces nouvelles tombent à pic pour les promoteurs. Ils doivent, en effet, dire aux deux organismes chargés de réviser le projet – l’Office nationale de l’énergie et la Commission d’examen conjoint – s’ils sont prêts à entamer des audiences publiques, au plus tard le 31 novembre. Dans le cas de l’Office nationale de l’énergie, la réponse est attendue aujourd’hui.

Une fois les réponses reçues, ces organismes devront attendre au moins quarante jours avant d’enclencher le processus d’audiences. Mais on sait depuis un moment déjà qu’ils sont parés à le faire.

C’est donc dire qu’immédiatement après la campagne électorale fédérale, les Ténois devront possiblement passer à travers une double campagne sur le pipeline.