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le Vendredi 20 janvier 2006 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Environnement

Méchante dégelée!

Méchante dégelée!
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D’ici 2100, presque tout le pergélisol de la planète pourrait avoir disparu, prédit une étude américaine publiée un peu avant Noël.

L’étude préparée par le US National Center for Atmospheric Research (NCAR) de Boulder au Colorado laisse entendre que le réchauffement climatique aura fait fondre 90 % du pergélisol de surface avant la fin du siècle. La moitié (50 %) du sol gelé en permanence pourrait même être fondue dès 2050.

Selon les chercheurs, la fonte du pergélisol qu’on observe déjà dans certains endroits en Alaska, en Russie et au Canada, aura des conséquences directes sur les populations du Nord. On évoque l’effondrement de certaines routes et la déstabilisation des habitations.

Cela se produit d’ailleurs déjà ici même, aux TNO. À Tuktoyaktuk, une communauté située sur les rives de la mer de Beaufort, l’action combinée de la fonte du pergélisol et de la hausse du niveau de la mer – deux conséquences du réchauffement planétaire – causent une forte érosion menace les habitations situées les plus près de la côte. Des maisons ont déjà été évacuées, de même que le bâtiment qui abritait l’école primaire Mangilaluk.

Les auteurs de l’étude affirment, en outre, que le déclin du pergélisol pourrait aussi modifier les migrations de certains gibiers, dont le caribou.

Pour arriver à la projection dans laquelle 90 % du sol gelé disparaît, les chercheurs utilisent « le pire des scénarios », c’est-à-dire une hypothèse dans laquelle la température moyenne de l’atmosphère grimpe de 4 ° Celsius. Il s’agit d’une augmentation plausible dans l’éventualité que l’on ne réduise pas de façon significative nos émissions de gaz à effets de serre.

Par contre, la recherche fait aussi état d’autres scénarios où l’augmentation de la température atmosphérique serait moins importante. Dans ces cas, la fonte du pergélisol est, bien entendu, réduite.

Une des conséquences de la fonte du pergélisol sera la hausse accentuée du niveau de la mer. « La fonte du pergélisol enverra des quantités considérables d’eau dans l’océan », prévient Andrew Slater, co-auteur de cette recherche.

Dans le cas du scénario du pire, les chercheurs estiment que le ruissellement vers l’océan augmenterait de 28 %, en 2100.

Effet pervers

La fonte du pergélisol pourrait aussi avoir un effet pervers… sur les changements climatiques.

En effet, ces sols gelés renferment des poches de méthane, un gaz à effet de serre plus puissant que le C02 émis par les voitures. On estime que 30 % des gaz carboniques de la planète sont emprisonnés dans le pergélisol.

Quand le pergélisol fond, ce méthane se libère dans l’atmosphère et vient donc augmenter l’effet de serre. Cela entraîne une espèce de cercle vicieux : plus on émet de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, plus le climat se réchauffe, plus le pergélisol fond, plus le méthane se libère dans l’atmosphère, plus le climat se réchauffe et ainsi de suite.

« Si le pergélisol fond comme nous le prévoyons, cela pourrait avoir une incidence majeure sur le climat », affirme David Lawrence l’autre auteur de l’étude.

Les chercheurs qui ont préparé cette recherche travaillent d’ailleurs présentement à développer un nouveau modèle de prédiction de la fonte du pergélisol qui tiendra compte de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre causé par la fonte du pergélisol elle-même.

Un bémol

Sharon Smith, spécialiste du pergélisol à Ressources naturelles Canada, ajoute toutefois des bémols à l’étude américaine. Elle fait remarque que la fonte de 90 % annoncée ne concerne que la couche supérieur de pergélisol, c’est-à-dire les trois premiers mètres de pergélisol. « On ne parle pas de la disparition de tout le pergélisol, mais bien d’une fine couche du pergélisol», précise-t-elle.

Elle remet aussi en question la validité du modèle employé quant à sa capacité de faire des prévisions valables pour la terre entière. Les données recensées par les chercheurs proviennent toute d’Alaska alors qu’ils extrapolent leur résultat à l’ensemble du monde circumpolaire. Smith explique que, tout dépendamment de la géographie particulière d’un endroit la font du pergélisol se produira plus ou moins rapidement. Ainsi les tourbières peuvent être plus lentes à dégeler que d’autres milieu à cause de l’effet isolant de la tourbe.