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le Vendredi 31 mars 2006 0:00 Économie

Ce qu’on dit aux audiences Le grain de sel des gouvernements

Ce qu’on dit aux audiences Le grain de sel des gouvernements
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Boues de forage

Le stockage des boues de forage est une question qui a accaparé une bonne partie des débats, la semaine dernière. Tout le monde voulait savoir ce que les promoteurs comptent faire de ces déchets toxiques extraits continuellement lors du pompage du gaz.

Dans le Nord, la pratique de stockage la plus courante consiste à entreposer les boues dans des « albraques », c’est-à-dire des puisards encavés à l’intérieur du pergélisol. Dans ces fosses, les boues sont supposées rester geler en permanence. Dans la région du delta du Mackenzie, on compterait déjà plusieurs centaines de ces albraques. Or, dans le contexte de la fonte du pergélisol, cette technique s’est avéré faillible à plusieurs égards.

Le spécialiste de l’industrie pétrolière et gazière de la division de la protection de l’environnement du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles des TNO, Todd Paget, a montré à la Commission des images d’albraques affaissées par la fonte du pergélisol. Certaines de ces fosses avaient été construites dans les années 1970, d’autres dans les années 2000.

« En 2005, un programme de surveillance des albraques a mis en évidence que, dans certaines albraques nouvellement construites, les déchets ne sont pas restés gelés », a indiqué Paget.

Le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles a recommandé que les promoteurs s’assurent que leurs méthodes de stockage des boues de forage tiennent compte de la fonte du pergélisol.

Les promoteurs ont pour leur part indiqué qu’ils comptaient utiliser différentes techniques de stockage des boues. Au puits Parsons Lake, ConnocoPhillips compte « injecter » les boues dans le sous-sol. Au puits Taglu, Imperial Oil utilisera aussi cette technique. Quant au puits Niglintak, qui serait opéré par Shell, la méthode de stockage retenue n’a pas été présentée.

Les représentants du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles n’étaient pas en mesure de dire si une méthode était préférable à une autre. Ils se sont contentés d’indiquer que, peu importe la technique, si les boues sont stockées sur le site, les promoteurs devraient alors s’assurer qu’elles resteront gelées en permanence.

Changements climatiques

Environnement Canada a fait une présentation sur les changements climatiques. Le ministère a insinué que les promoteurs du projet n’ont pas réuni assez d’information sur l’impact de ces changements sur le pipeline.

Le gestionnaire du secteur Nord de la Direction de la protection de l’environnement, Chuck Brumwell, a indiqué que les prévisions des promoteurs sont généralement trop optimistes et ne tiennent pas compte des possibles scénarios de changement climatique « extrêmes ».

« Bien que les promoteurs aient mentionné les changements climatiques dans leur Énoncé d’incidence environnementale […], Environnement Canada doute que cette analyse ne rende pas adéquatement compte de l’impact des changements climatiques, ni des variations futures du climat », a-t-il dit.

Les experts du gouvernement ont indiqué que, depuis 40 ans, le climat n’avait pas varié de façon linéaire et que, ces dernières années, l’ampleur des changements s’était considérablement accélérée. Se fondant sur ces observations, Brumwell a suggéré qu’il serait imprudent de supposer que le réchauffement se poursuivra de façon modérée et constante, une attitude qu’il prête volontiers aux promoteurs du projet.

« C’est l’avis d’Environnement Canada que le Projet gazier du Mackenzie sera affecté par les changements climatiques durant la durée d’opération du projet. Selon nous, le nombre, le type et la sévérité de ces impacts ne peuvent pas être prédits », a signalé l’expert.

Selon Environnement Canada, le delta du Mackenzie est la zone la plus gravement affectée par le réchauffement planétaire, au Canada. Le ministère estime que, dans cette région, au cours de la durée d’exploitation du projet, une augmentation globale de la température d’au moins 4 ºC est plausible.

Les promoteurs du projet, pour leur part, ont fondé leurs analyses d’impact sur une augmentation d’au plus 2,5 ºC.

Où est le public?

À l’exception marquée du Sierra Club du Canada, représenté par l’écologue Stephen Hazell ou par l’avocat Paul Falvo, il n’y a que des représentants des gouvernements ou de l’industrie pétrolière et gazière qui ont pris part aux cinq dernières séances des audiences publiques.

Cela doit changer ces prochaines semaines, alors que la Commission d’examen conjoint fait la tournée des communautés du Sahtu. Du 3 au 12 avril, la parole sera alors donnée en priorité aux résidents des communautés.

Trouvailles

Pour suivre pas à pas le déroulement des audiences publiques, le Sierra Club du Canada – ouvertement opposé au projet – a créé le blogue « Headlines from the Hearings » (www.mackenziewild.ca/postings) qui raconte dans un style décontracté et souvent humoristique le déroulement quotidien des audiences. Bien que propagandiste, ce site, unilingue anglais, offre un point de vue rafraîchissant sur l’aride processus de révision. À découvrir.

Par ailleurs, la journaliste Hélène Raymond a récemment réalisé une série de reportages en français sur le Projet gazier du Mackenzie. La série doit être présentée au courant du mois d’avril dans le cadre de l’émission « À vous la Terre », diffusée les samedi, à la Première chaîne de Radio-Canada.