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le Vendredi 14 avril 2006 0:00 Divers

La mort d’une mère

La mort d’une mère
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La mère de mon amie Louise est décédée. Je devais en parler.

Cette femme admirable avait onze enfants vivants. Elle était passée bien près de ne jamais avoir d’enfants du tout. En effet, quand elle était encore bébé, elle a été très malade et avait une grosse bosse dans le cou qui mettait sa vie en péril. On fit venir le médecin, et ce dernier lui administra les derniers sacrements, convaincu qu’elle décèderait dans les heures qui suivaient. Sa mère (donc la grand-mère de Louise) se dit qu’elle tenterait le tout pour le tout, puisque de toute façon, elle allait mourir. Elle fit chauffer deux couteaux sur le poêle à bois, et creva l’abcès dans le cou. Le mauvais sortit et le bébé fut sauvé. Ce bébé, c’est cette femme, mère de onze enfants.

Souvent, Louise m’a parlé de sa mère. Cette femme travaillait du matin au soir. Première levée, dernière couchée, elle faisait deux menus aux repas. Vous imaginez-vous un peu ce que ça peut donner? Et je vous laisse penser à quoi ressemblaient les journées de lavage. Pensez-y un peu, à la montagne de linge! Et les laveuses automatiques n’ont pas toujours existé. Il fallait laver avec la laveuse à tordeur, tout en surveillant tous les petits encore trop jeunes pour aller à l’école. Il ne fallait surtout pas que l’un d’entre eux se passe un bras dans le tordeur!

Et la mort de la mère de mon amie ne peut faire autrement que de me faire penser à la mort de la mienne, ma mère. J’y pense encore souvent, à ma mère. Elle me manque particulièrement en certaines occasions. Une mère, ça ne s’oublie pas. Tous les printemps, j’ai une pensée pour elle. En effet, elle a choisi le 21 mars pour nous quitter, avec la renaissance de la nature. D’ailleurs, mon neveu est né un mois plus tard, pratiquement jour pour jour. Tout comme moi j’étais née un mois après le décès de mon grand-père maternel. Le cycle de la vie est fort. Et les naissances consolent des décès. Je suis certaine que ce genre d’histoire a dû se produire dans la famille de plusieurs d’entre vous. C’est un pattern assez courant.

Je profite de l’occasion pour vous inciter à aller voir vos parents, à avoir des contacts avec eux. Il ne faut surtout pas attendre qu’il soit trop tard. Y’a rien de pire que les regrets. Quand on reste ici, dans le Nord, souvent on est éloigné de sa famille. Il ne faut pas les négliger pour autant. Bien au contraire!

Je ne dis pas ça pour vous faire la leçon, bien au contraire. Je dis ça parce que moi, j’étais au loin, quand ma mère est décédée, et ça été tellement dur. Et je n’ai pas eu l’occasion de lui parler avant. Difficile à vivre! Et j’ai dû traverser le Canada au complet, seule avec ma douleur, pour aller faire mes adieux. Je pleure encore quand j’y pense.

La mort suscite bien des pensées et bien des réflexions, certaines tristes, d’autres douces. Je voulais écrire un petit mot sur le sujet, d’abord pour rendre hommage à cette femme que je n’aurai jamais eu l’occasion de connaître, et ensuite pour tenter de conforter un peu ma grande amie. Elle est quasiment comme ma soeur et c’est pour ça que j’ai tant de peine et d’empathie.

Je sais, la mort n’est pas un sujet facile. Mais il ne faut jamais oublier que la mort fait partie de la vie, qu’elle fait partie de la vie de chacun et chacune de nous.

Pour finir sur un ton un peu plus léger, quand j’étais jeune, on exposait les personnes décédées chez elles, dans le salon. Donc, toute la famille se réunissait pour un dernier au revoir dans la maison même où cette personne avait vécu. Je peux vous dire que malgré le côté solennel de la chose, nous les enfants, on avait quand même du plaisir. C’était l’occasion de revoir tous les cousins, cousines, tantes et oncles, y’avait du monde, quoi! Et comme racontait une de mes amies samedi, on courait partout dans la maison, mais quand on arrivait dans la pièce où était exposée le défunt, on freinait bien vite et on regardait un peu dans le salon, tentant de recomposer une attitude, pour retourner bien vite à nos jeux, dans d’autres pièces. La mort faisait partie de la vie.

Toutes nos pensées, Louise! Nous sommes avec toi!