En tournée dans la région du Deh Cho, où l’opposition au pipeline est bien connue, la Commission d’examen conjoint (CEC) a entendu les inquiétudes de plusieurs personnes qui ont souligné que les Premières nations du Deh Cho n’ont toujours pas conclu d’entente sur leurs revendications territoriales.
À Fort Simpson, la chef de la bande de Lidlii Kué, Keyna Norwegian, qui est aussi la présidente de la Dehgah Alliance Society qui dirige les négociations des Deh Cho sur le pipeline, a mis en cause la légitimité de la commission de révision.
« Nous sommes préoccupés par les décisions prises jusqu’à maintenant par la CEC et dont découle ce processus d’audiences. Un processus qui est clairement et significativement biaisé en faveur de ceux qui appuient le pipeline. Nous allons continuer de documenter ces décisions et de communiquer nos préoccupations à la CEC, mais nous pensons que le processus est entaché au point qu’il ne peut plus être lavé », a-t-elle lancé.
Il y a presque un an, la Dehgah Alliance Society avait indiqué son désir que les audiences soient retardées jusqu’à ce que toutes les informations exigées des promoteurs aient été présentées dans le cadre d’une conférence technique. Cette suggestion avaient été refusée et les présentes audiences ont été enclenchées. Les premières nations du Deh Cho ont également contesté la constitutionnalité de la Commission devant les tribunaux.
La chef Norwegian a indiqué que, n’étant visé que par le pipeline en tant que tel et pas par les activités d’extraction gazière, les Deh Cho ont monétairement moins à gagner de ce projet que les Inuvialuit par exemple. « Du point de vue de la Dehgah Alliance Society, ce pipeline n’est pas nécessaire au développement durable du territoire Deh Cho », a-t-elle dit.
Revendications territoriales
Plusieurs orateurs, dont Keyna Norwegian, ont signalé que les Deh Cho n’ont pas conclu d’entente avec le gouvernement fédéral à propos de leurs revendications territoriales et que cela amenuise leur capacité à profiter d’un tel projet.
Pour la Dehgah Alliance Society, Joe Acorn a indiqué que le rapport Berger sur le premier projet de pipeline avait clairement conclu que la signature d’ententes sur les revendications territoriales devait précéder la construction du gazoduc. Il a aussi signalé que les leaders autochtones favorables au projet comme Nelly Courneyea et Fred Carmichael avaient tous identifié la conclusion de leurs ententes de revendications territoriales comme un gage de leur capacité à bénéficier du mégaprojet.
L’ancien premier ministre des TNO Jim Antoine a, pour sa part fait cette observation : « À peu près 40 ou 42 % de ce pipeline va traverser le Deh Cho et, sans revendications territoriales réglées, les Deh Cho et les métis se retrouvent pris dans une situation légale difficile. »
Il a commenté l’annonce récente du ministre des Affaires indiennes qui a laissé entendre que le gouvernement conservateur était prêt à permettre la construction du gazoduc sans l’accord du Deh Cho. D’après lui, cela n’annonce rien de positif pour les Deh Cho.
« Notre nouveau premier ministre vient tout droit du cœur de Calgary, en plein dans la capitale du gaz et du pétrole. Alors, pour l’instant, les signaux politiques ne sont pas tellement bons pour nous, surtout si nous devons être embrigadés dans quelque chose auquel nous n’avons pas donné notre accord. »
Savoir traditionnel
À Wrigley, Michael Neyelle a présenté les résultats d’une enquête de savoir traditionnel à laquelle il a participé et qui était financée par Imperial Oil. Son témoignage donne un bon aperçu du genre d’impacts directs que le projet aura sur cette communauté.
« Il va y avoir un corridor de 40 mètres par 400 kilomètres qui va être rasé de façon permanente et qui passe assez proche de la communauté. […] Il y aura une station de compression et la possibilité que trois autres s’y ajoutent. […] Il va y avoir quatre camps de travail ce qui apportera plus de 2000 travailleurs. […] Il va y avoir trois sites majeurs de rangement, trois sites de déchargement de barges qui seront fréquentés par plus de 1100 barges et il y aura une augmentation significative du transport fluvial et aérien », a-t-il énuméré.
Puis, il a expliqué l’impact sur la communauté : « Il y a plusieurs sentiers, lignes de trappe, des routes navigables et des sentiers traditionnels dans cette zone. Ils vont aussi détruire ce qui reste du lit des ruisseaux. Il y a aussi quelques cabanes, des tombes et des sites historiques. Ça va être dans le chemin. […] Il y a l’habitat des oiseaux migrateurs. Tout ça va être détruit. Et où il y aura le corridor, c’est un territoire de chasse au gros gibier. Il y a aussi l’endroit où nous allons cueillir des fruits et des plantes médicinales. Tout ça, ça se trouve dans le corridor. »
Moratoire
Felix Isah de Arctic Indigenous Youth Alliance a proposé à la CEC de décréter un moratoire de 10 ans sur la construction du pipeline « pour que nous puisions utiliser les ressources à notre disposition pour être vraiment prêts quand la construction commencera. »
Il a indiqué qu’il était aberrant de construire un tel projet si le principal objectif était de faciliter l’extraction des sables bitumineux de l’Alberta.