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le Vendredi 19 mai 2006 0:00 Économie

Grève à Ekati Le dialogue de sourds se poursuit

Grève à Ekati Le dialogue de sourds se poursuit
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Depuis le 7 avril dernier à 6 heures, environ 400 employés syndiqués de la mine Ekati sont en grève légale. Depuis, le syndicat, l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) et l’employeur, BHP Billiton, ont bien peu échangé, si ce n’est que par médias interposés.

Sauf qu’une récente décision du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) pourrait changer la donne. C’est qu’en novembre 2004, le syndicat avait déposé une plainte concernant « un changement unilatéral » sur les régimes de pension effectués entre la réception de l’accréditation syndicale et le début des négociations portant sur une première convention collective. Selon le vice-président régional pour le Nord de l’AFPC, Jean-François Des Lauriers, cette période doit être marquée par un gel des conditions d’emploi. Le syndicat reprochait aussi à l’employeur d’avoir, au cours de cette période, produit un nouveau manuel de l’employé.

Dans sa décision du 3 mai 2006, le CCRI a rejeté la plainte du syndicat concernant le nouveau manuel de l’employé, soulignant qu’il contenait des pratiques et politiques déjà utilisées par l’employeur. Cependant, le Conseil a donné raison au syndicat en ce qui a trait au changement dans les régimes de pension des employés et a instruit les deux parties à se rencontrer dans les 20 jours suivant la date de la publication de la décision.

Dans un communiqué suivant la décision du CCRI, BHP Billiton a mentionné que « les changements au régime de pension faisaient partie d’une révision à l’échelle mondiale pour toutes les opérations de BHP Billiton ». Cependant, la compagnie a dit « étudier la décision, mais être assez prête à discuter des aspects de son application ».

Tout porte donc à croire que syndicat et employeur devraient se rencontrer d’ici le 23 mai pour discuter des régimes de pension. De son côté, Jean-François Des Lauriers se dit ouvert à discuter des autres enjeux litigieux entre l’employeur et les syndiqués. « Notre porte est toujours ouverte pour discuter d’autres choses, si l’employeur le veut bien ».

Rappel des faits

C’est le 14 mars dernier que les bulletins de vote sur l’entente de principe survenue entre BHP Billiton et l’équipe de négociations de l’AFPC ont été dépouillés. Malgré la recommandation du syndicat d’accepter l’entente telle que présentée, les syndiqués l’ont rejetée à hauteur de 72 %. Le rejet de l’entente de principe équivalait, à ce moment, à un vote de grève et, selon Jean-François Des Lauriers, les travailleurs ont été mis au courant deux fois plutôt qu’une de cette situation.

« Le rejet d’une entente de principe malgré la recommandation du syndicat n’est pas quelque chose qui arrive souvent », indique M. Des Lauriers, qui admet que son syndicat en a pris pour son rhume lors des assemblées avec les travailleurs.

En cas de rejet, le syndicat avait demandé aux voteurs d’indiquer les raisons du refus de l’entente. « Dans ce cas-ci, nous avons eu le plus haut taux de participation en ce qui a trait aux commentaires sur le bulletin de vote. Plus de la moitié des bulletins en contenaient », indique le syndicaliste.

« En tête de liste, c’était une question de salaire, pas strictement des augmentations, même si les travailleurs en veulent, mais aussi sur la façon d’être payés. L’autre sujet qui est revenu souvent est la question de l’ancienneté dans le cas de mises à pied. Ensuite vient la sécurité d’emploi, puisque l’employeur érodait l’unité de négociation en transférant ces postes à des sous-traitants », de continuer M. Des Lauriers.

Enfin, la question des vacances et des congés fériés a occupé une large part des préoccupation des travailleurs. « Il y a des gens qui travaillent tous les Noël et tous les jours de l’an et qui ne profitent pas de compensations ou de systèmes de rotation de façon à ce que ce ne soit pas toujours la même personne qui ait à le faire » d’expliquer M. Des Lauriers.

C’est par le biais du médiateur que les deux parties se sont rencontrées de nouveaux après le vote sur l’entente de principe. « Quand nous avons rencontré l’employeur, les 5 et 6 avril, il a fait des demandes inacceptables. En fait, ils réduisaient même la première offre qui avait été rejetée! Par exemple, ils ne nous offraient qu’une seule journée supplémentaire de congé payé par année, mais en échange, on devait accepter que les trois premières journées de congé de maladie soient sans solde. Ensuite, ils ont offert une augmentation de salaire de 1 % pour tout le monde et des augmentations de salaire moyennes de 3 %, donc qui n’iraient pas à tous. En fait, ça continuait la pratique qu’ils ont toujours eu d’offrir des augmentations différentes, dépendant de leur jugement par rapport à ton travail ou à ton attitude. C’est donc arbitraire de leur rapport et ça n’a aucun rapport avec la justice », raconte Jean-François Des Lauriers.

Il a été impossible, avant de mettre sous presse, de s’entretenir avec la porte-parole de BHP Billiton. Aux bureaux de la multinationale, on s’est limité à dire que « la mine fonctionne à pleine capacité ».

Bien sûr, Jean-François Des Lauriers conteste cette dernière affirmation. « On ne les croit pas. C’est une question de propagande pour démoraliser les membres du syndicat. Nous avons des gens, à l’intérieur qui nous informent de la situation et ils ne fonctionnent pas à plein régime, c’est certain », de mentionner celui qui admet tout de même qu’une partie des travailleurs syndiqués ont traversé la ligne de piquetage pour se présenter au boulot, « mais le pourcentage est loin d’être aussi élevé que ce que la compagnie a publié comme information ». Dans un communiqué publié le 21 avril dernier, la mine avançait que le tiers des employés syndiqués étaient entrés au travail Quoi qu’il en soit, le syndicat se dit prêt pour un conflit de travail qui pourrait durer longtemps. « Nous avons un fonds de grève et un fonds de secours », de mentionner celui qui a aussi profité de sa présence au congrès national de l’AFPC, il y a deux semaines, pour aller chercher l’appui des autres unités syndicales de son organisation. « C’est un conflit important pour tous les syndicats au Canada. Nous ne sommes pas isolés. C’est un peu dans le même ordre que la bataille contre Wal-Mart. On a affaire à une compagnie qui a une réputation anti-syndicale internationale. Il s’agit donc d’une bataille que nous devons absolument gagner et le mouvement syndical canadien est galvanisé en solidarité avec les travailleurs d’Ekati » de conclure Jean-François Des Lauriers.