Le gouvernement territorial aura attendu au dernier instant avant de signifier qu’il en appellera de la décision rendue par la juge Moreau sur le niveau de services en français offerts à la population franco-ténoise par le gouvernement territorial. Ce jugement avait été rendu le 25 avril dernier et, grâce à des procédures techniques, la réponse gouvernementale est arrivée trois mois plus tard.
Selon le gouvernement, le jugement de la Cour suprême des TNO et ses directives « constituent une intrusion sans précédent dans les pouvoirs et les prérogatives des branches exécutives et législatives du gouvernement », peut-on lire dans un communiqué dont L’Aquilon n’a reçu qu’une version anglaise.
Le communiqué gouvernemental continue en mentionnant que la juge n’a pas respecté sa juridiction en « permettant au procès de devenir en large évaluation de la mise en application de la Loi sur les langues officielles à travers le gouvernement depuis son adoption ».
De plus, le gouvernement argue que la juge a « commis une erreur de droit dans son interprétation des dispositions de la Loi et a établi des normes qui sont (a) plus générales que le mandat des dispositions de la Loi, (b), impossibles à rencontrer et (c) ne prennent pas en considération la démographie et la réalité sociale du Nord ».
Le gouvernement conteste aussi les allégations spécifiques quant au non-respect de la Loi puisque, selon lui, « la juge a commis des erreurs de droit et de fait et a manqué de considérer convenablement les preuves de la défense ».
Enfin, le gouvernement n’est pas d’accord avec la juge quand cette dernière déclare que les Hansards font partie des « archives, comptes rendus et procès-verbaux » et qu’ils se doivent donc d’être traduits.
Du côté de la Fédération franco-ténoise (FFT), on se dit évidemment déçu de cette décision du gouvernement territorial. « Ce n’est pas surprenant, mais c’est décevant. Qu’un gouvernement persiste dans le non-respect du droit de ses citoyens, ce n’est pas très crédible. Quel autre droit le gouvernement décidera de ne pas respecter ? », de se demander le président, Fernand Denault.
De son côté, le vice-premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Floyd Roland, dit comprendre que les Franco-ténois puissent être déçus. « Quand un gouvernement prend une décision, il y a toujours des conséquences positives et des conséquences négatives », d’expliquer celui qui croit que la juge « a mal interprété la réalité démographique des TNO ».
Selon Floyd Roland, le gouvernement continue de travailler à offrir des « services là où c’est nécessaire, mais nous sommes à court de ressources » pour rencontrer les exigences de la juge. Ce dernier dit continuer de discuter avec le gouvernement fédéral pour obtenir une augmentation de l’enveloppe budgétaire pour l’offre de services en français et dans les langues autochtones.
De son côté, Fernand Denault rejette l’argument financier de Floyd Roland. « Ceux qui ont assisté au procès ont pu constater qu’il a été démontré que l’impact financier de la mise en place des services est minime et négligeable. Le gouvernement induit le citoyen en erreur », dit-il.
M. Denault affirme que le gouvernement induit également le citoyen en erreur quand il affirme, dans son communiqué que « la Cour a rejeté l’assertion de la FFT selon laquelle les dispositions sur les langues de la Charte canadienne des droits et libertés s’appliquaient dans ce cas particulier ». En fait, selon M. Denault, la Cour a simplement établi que seule la Loi sur les langues officielles des TNO était suffisante pour que la juge puisse baser sa décision.
La FFT et son avocat, Roger Lepage, disposent de dix jours pour déposer un appel incident. À cette occasion, les plaignants ont le loisir de revoir toutes les parties du jugement Moreau.
« Le fait que la juge avait rejeté la responsabilité du gouvernement fédéral est problématique, parce que nous croyons qu’ultimement, il y a eu manquement de la part du fédéral. La procédure d’appel devrait aussi permettre de voir si la Charte canadienne des droits et libertés s’applique dans ce cas et il y a la question des dommages et intérêts que nous voudrons revisiter », a fait savoir M. Lepage.
Selon ce dernier, « il est évident que le GTNO n’accepte aucun aspect de la décision de la juge et qu’il n’a aucune intention de changer sa façon de faire ».