le Samedi 24 mai 2025
le Vendredi 22 septembre 2006 0:00 Éditorial

Le fatalisme du progrès

Le fatalisme du progrès
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J’aurais le goût cette semaine de déblatérer à partir d’une remarque judicieuse de Martin Dubeau concernant le projet gazier du Mackenzie (Voir article en page 5) : « Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ne sont pas en faveur du projet, mais qui n’osent pas le dire parce qu’ils pensent que ça va se faire de toute façon ».

Je ne sais pas si c’est à cause qu’on s’est fait répéter depuis notre plus jeune enfance qu’ «on n’arrête pas le progrès » mais c’est vrai que les gens réagissent souvent avec fatalisme devant les grands projets de développement. J’en suis le premier coupable. En effet, tout au long du processus d’examen des impacts environnementaux du projet gazier du Mackenzie, je me suis souvent surpris à me questionner sur la pertinence de nos prises de positions « vertes ». Sans lancer la serviette, le doute était cependant présent que tout ce processus n’est que de la frime et qu’en bout de compte, c’est Calgary qui prendra la décision.

Ce fatalisme du progrès déborde cependant de ce dossier crucial et empiète allègrement dans notre vie quotidienne. Saviez-vous que notre bonne vieille vadrouille et notre moppe (réutilisables) ne font plus le poids devant le Swifter duster (qu’on jette à la poubelle après utilisation)?

Eh, on n’arrête pas l’progrès! Faut dire que cette maxime peut parfois jouer en faveur de l’environnement. Il y a quelques années, alors que plusieurs municipalités du Sud commençaient à imposer le principe des bacs de recyclage, bien des gens ont bougonné devant cette nouvelle façon de faire. Maintenant, faire le tri de leurs déchets fait partie du quotidien. On n’arrête pas le progrès! On peut rêver et peut-être un jour toutes les habitations seront pourvues de sources individuelles d’électricités renouvelables, car on n’arrête pas le progrès.

Et pourtant, il y a tant de raison d’arrêter ce progrès aveugle, d’éliminer les bébelles polluantes à la Swifter duster. Ainsi, avec la population mondiale qui s’accroît de jour en jour et le nombre croissant de pays qui s’industrialisent en Asie, en Afrique et en Amérique latine, notre pauvre planète a de plus en plus de difficulté à rencontrer les besoins mondiaux en matières premières et en combustibles. Ces pays visent à atteindre un niveau de consommation comparable au nôtre et cette aspiration est normale et raisonnable. Plutôt que de tenter de les maintenir à leur niveau de développement actuel, il faudra plutôt que les pays avantagés commencent à revoir leurs priorités de développement et à mieux encadrer le progrès. S’occuper de la planète doit commencer quelque part. Pourquoi pas ici?