Le gouvernement américain présentera d’ici un an un projet de loi visant à placer l’ours polaire sous la protection de la Loi sur les espèces menacées des États-Unis. Si le projet va de l’avant, la chasse à l’ours polaire sera interdite aux ressortissants américains.
Affirmant que l’avenir du prince de la banquise est mis en péril en raison du réchauffement planétaire, le département de l’Intérieur a mandaté les experts du gouvernement américain d’étudier sérieusement cette proposition. « Les ours polaires figurent parmi les êtres les plus aguerris de la nature, capables de vivre et de s’épanouir dans un des environnements les plus rigoureux de la planète, mais nous craignons que leur habitat ne soit littéralement en train de fondre », a déclaré, le 6 décembre dernier, le secrétaire de l’Intérieur américain, Dirk Kempthorne.
L’habitat de l’ours polaire, c’est la banquise et celle-ci, en effet, fond plus rapidement que les économies d’un accro du crack. Ces derniers 50 ans, le couvert glaciaire arctique s’est aminci d’environ 40 % et on estime désormais que le pôle nord pourrait fondre entièrement d’ici à l’été 2040.
La plupart des biologistes spécialisés en ours polaires s’entendent pour dire que la disparition de la banquise décimera l’espèce, voire assurera son extinction.
Dans la perspective que la fonte des glaces arctiques est un phénomène irréversible, un biologiste américain cité par le département de l’Intérieur affirme que la disparition de l’ours blanc est tout simplement inévitable. « Les ours dépendent entièrement de la glace de mer car c’est ce n’est qu’à partir de cette plate-forme qu’ils sont en mesure d’obtenir la nourriture que leur offre la mer », affirme Steven Amstrup qui étudie les ours polaires de l’Alaska depuis une trentaine d’années. Le professeur Amstrup affirme que plusieurs cas de cannibalisme ont été documentés chez les ours polaires ces deux dernières années, un comportement jamais observé auparavant chez cet animal.
Si les arguments rapportés par le département de l’Intérieur pour justifier une éventuelle interdiction de la chasse à l’ours pointent dans la direction des changements climatiques comme principale menace, dans la tradition américaine on minimise le rôle des gaz à effets de serre comme cause de ces changements. « Il n’y a pas que les émissions de gaz carbonique. D’autres processus atmosphériques rentrent en jeux », peut-on lire dans les documents du département de l’Intérieur. On affirme aussi que les causes des changements climatiques sont « toujours étudiées et débattues ».
Le Nunavut opposé
Le gouvernement du Nunavut n’a pas tardé à répondre à Washington qu’il accuse de vouloir bannir la peau de l’ours avant de l’avoir compté.
Au Nunavut, le nombre d’ours polaires est en progression affirme le ministère de l’Environnement nunavois. Selon le gouvernement du Nunavut, onze des douze populations d’ours polaires sont en croissance.
Manifestement, les changements climatiques pourraient potentiellement affecter les ours polaires de manière très sérieuse, bien que ceci ne relève, à l’heure actuelle, que du domaine théorique. Dans la réalité, les ours polaires sont nombreux et se portent bien », a déclaré le ministre de l’Environnement du Nunavut, Patterk Netser, dans un communiqué émis le 28 décembre.
Le gouvernement du Nunavut craint que l’interdiction de la chasse ne prive les communautés inuit d’une importante source de revenus. Le Canada est le seul pays au monde à permettre la chasse sportive à l’ours polaire, une activité saisonnière qui attire surtout des clients américains.
Le ministre Netser fait la comparaison avec les campagnes internationales contre la chasse aux phoques qui ont eu des conséquences néfastes sur l’industrie nunavoise des fourrures. « L’activisme de Greenpeace au cours des années 1980 a détruit notre économie basée sur la chasse aux phoques. Greenpeace affirmait plus tard, et malheureusement trop tard, qu’il n’avait pas souhaité faire de tort aux Inuit », rappelle le ministre de l’Environnement.
Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, qui s’affiche depuis longtemps contre une éventuelle interdiction de la chasse à l’ours polaire, n’a pas émis de commentaires officiels.
