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le Vendredi 2 mars 2007 0:00 Environnement

Ce qu’on dit aux audiences: « Un coup de rasoir dans la Joconde »

Ce qu’on dit aux audiences: « Un coup de rasoir dans la Joconde »
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Une cohorte de groupes environnementalistes albertains ont profité, cette semaine, du passage à Edmonton de la Commission d’examen conjoint sur le Projet gazier du Mackenzie pour signifier leurs grandes préoccupations face au gazoduc.

En chœurs, les écolos du Sud ont repris un refrain maintes fois joué aux audiences : le gaz du Nord s’en va directement à Fort MacMurray pour carburer l’expansion des sables bitumineux de l’Athabasca, la première source d’émissions de gaz à effet de serre au Canada.

S’exprimant au nom d’un groupe nommé Edmonton Friends of the North, David Parker, a dénoncé cette utilisation malsaine d’une énergie considérée comme plutôt propre. « La première raison qui motive la construction de ce mégaprojet est l’alimentation en gaz naturel des sables bitumineux de l’Athabasca, a-t-il dit. La combustion du gaz naturel émet une fraction des émissions de gaz à effet de serre qui sont produits par la combustion du pétrole. Le procédé [d’extraction des sables bitumineux] a été comparé à faire du plomb avec de l’or. Est-ce que la prochaine génération nous pardonnera d’avoir éliminé une énorme réserve de gaz à faible émission pour nous assurer que les Américains continuent de rouler en VUS ? »

Plusieurs témoins ont affirmé qu’il fallait réduire la vitesse à laquelle se développent présentement les sables bitumineux, voire imposer un moratoire sur leur agrandissement. Parmi eux, se trouvait le directeur général du Sierra Club du Canada, Stephen Hazell, connu pour son opposition farouche au mégaprojet gazier. Le directeur du Sierra Club a réclamé que la Commission propose que le gaz soit exclusivement réservé à des « usages propres », comme le chauffage des maisons ou le remplacement de centrales thermiques.

Si on pouvait avoir l’assurance que le gaz naturel servirait exclusivement à de tels usages et qu’un « bon » réseau d’aires protégées était mis en place dans la vallée du Mackenzie avant la mise en chantier du projet, « alors ce serait difficile pour nous de nous opposer à ce projet », a affirmé Hazell. Autre préoccupation récurrente des environnementalistes : le pipeline n’est que le commencement d’une industrialisation bien plus massive des Territoires du Nord-Ouest.

Pour le compte du Pembina Institute, Hellen Francis a détaillé ce en quoi consistait la nature « d’ouverture de bassin », vantée par les promoteurs et les gouvernements. « Si le projet est approuvé tel qu’on le propose, en gros, tout le bassin du fleuve Mackenzie sera ouvert à l’entreprise », a-t-elle dit.

Malheureusement, a déploré Hellen Francis, la Commission d’examen conjoint ne se penche que sur le projet de départ et n’a pas pour mandat d’évaluer l’impact final du développement. « Où est-elle, l’évaluation des impacts environnementaux et sociaux de ces développements subséquents ? », a-t-elle demandé. Le pembina Institute propose que la commission d’examen conjoint fixe une limite au développement gazier dans le Nord.

Répliquant à ceux qui affirment que le pipeline n’est au fond qu’un trait tiré dans la taïga, David Parker de Edmonton Friends of the North a affirmé qu’il voyait plutôt cela comme « un coup de rasoir dans la Joconde ».

Différents stades de préparation

La semaine précédente, à Inuvik, certaines organisations autochtones ont profité du dernier passage de la Commission dans le chef-lieu du delta du Mackenzie pour donner leur point de vue après plus d’un an d’audiences.

Les organisations inuvialuit et gwich’in ont réitéré leur confiance dans le projet de gazoduc. La présidente de l’Inuvialuit Regional Corporation, Nelly Cournoyea, a plaidé en faveur d’un développement durable qui tiendrait compte des besoins des communautés sans compromettre l’intégrité de l’environnement et dont les résidents du Nord seraient les premiers bénéficiaires. Elle s’est prononcé pour une escalade du développement gazier.

« Le développement des ressources augmentera le revenu des Inuvialuit, et pour certains cela représentera un changement majeur de leur mode de vie. Même si ce changement sera généralement positif, tous ces bénéfices pourraient être vains si le projet s’arrêtait avec la construction et l’opération [du pipeline] et qu’il n’y avait pas de travaux additionnels d’exploration et d’exploitation dans le futur », a déclaré Nelly Cournoyea

Tom Williams, du Conseil tribal Gwich’in, a aussi affirmé que son peuple était paré à prendre part à l’aventure gazière. « Les Gwich’in ont investi beaucoup de temps et d’efforts pour nous assurer que nous serions des participants à part entière dans ce projet. Nous ne voulons pas que ce projet soit sujet à quelque autre délai supplémentaire, des délais qui auraient un impact direct sur la viabilité du projet. Nous comprenons les points de vue que peuvent avoir d’autres parties, mais nous les Gwich’in, nous pensons que nous sommes capables de gérer nos propres affaires et de veiller au bien de nos citoyens. »

Pour les Premières nations du Deh Cho, Sam Cargan a affirmé que les Dénés du sud-ouest n’était pas aussi prêts que les Gwich’in et les Inuvialuit. Ils ont fait de très bonnes présentations. Ils ont vraiment travaillé fort pour y arriver et ils se sont très bien préparés pour ces présentations. Nous, dans le Deh Cho, nous sommes toujours en train de travailler très dur pour y arriver. » Selon Cargan, les changements climatiques, la protection du territoire et de l’eau, la préservation de la culture et le développement de la jeunesse sont les principales préoccupations des Deh Cho; pas le gaz.