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le Vendredi 16 mars 2007 0:00 Environnement

Les coûts de production du Projet gazier du Mackenzie doublent. Pas de gaz avant 2014

Les coûts de production du Projet gazier du Mackenzie doublent. Pas de gaz avant 2014
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Le gaz naturel enfermé dans le sous-sol du delta du Mackenzie ne sera pas brûlé par les consommateurs du Sud avant 2014, estiment les promoteurs du Projet gazier du Mackenzie.

Dans des documents déposés le 12 mars à l’Office national de l’énergie, Imperial Oil, le leader du consortium gazier, présente de nouvelles estimations des coûts associés au projet ainsi qu’une version révisée des échéanciers de construction.

Alors que les promoteurs visaient initialement une mise en chantier en 2008 pour un début de la production en 2011, on estime désormais que la mise en chantier ne se fera pas avant 2010 et que la production démarrera vers 2014. En effet, Imperial Oil compte désormais échelonner les travaux sur quatre hivers plutôt que trois.

Les promoteurs espèrent obtenir les autorisations de construction en 2008, choisir d’aller ou non de l’avant avec le projet en 2009 et, le cas échéant, entamer les travaux en 2010. Dans une conférence de presse, le 12 mars, le vice-président d’Imperial Oil, Randy Broiles, a expliqué que la lenteur du processus réglementaire était la première cause d’incertitudes quant au respect des échéances de construction. « Nous n’avons pas de pouvoir sur le déroulement du processus réglementaire. Nous croyons cependant qu’il est plus probable que ce processus accuse des retards qu’il s’accélère », a déclaré Broiles.

« Nous avons besoin de certitudes de la part des autorités réglementaires. Nous voulons être certains que si nous obtenons les autorisations de l’Office national de l’énergie, nous obtiendrons aussi les permis additionnels nécessaires », a ajouté le vice-président.

À partir de janvier 2006, deux commissions itinérantes ont mené des audiences publiques sur le Projet gazier du Mackenzie, dans diverses communautés des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et de l’Alberta. Les audiences de l’Office national de l’énergie se sont terminées dans les délais prescrits en décembre 2006 ; celles menées par la Commission d’examen conjoint doivent prendre fin la semaine prochaine, soit trois mois plus tard que ce qui était initialement prévu. Les rapports de ces commissions sont attendus avant la fin de 2007.

Depuis le début, des représentants de l’industrie ont dénoncé ce qu’ils estiment être un processus trop lent et complexe. De nombreux politiciens ont également tenu de tels propos, notamment le premier ministre du Canada, Stephen Harper, le ministre des Affaires indiennes et du Nord, Jim Prentice et le ministre de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement des TNO, Brendan Bell.

À l’inverse, de nombreux groupes citoyens ayant pris part à ces audiences se sont plaints que le processus était trop rapide et qu’ils n’avaient pas le temps de prendre adéquatement connaissance de la documentation.

Deux fois plus cher

Selon ces mêmes documents déposés à l’Office national de l’énergie par Imperial Oil, les coûts de production du mégaprojet auraient plus que doublé depuis la présentation formelle du projet aux organismes de réglementation, en octobre 2004. À ce moment, on estimait que le Projet gazier du Mackenzie allait coûter 7 milliards de dollars, ce qui en faisait déjà le chantier le plus onéreux de l’histoire canadienne ; on avance aujourd’hui que la facture s’élèvera à 16,2 milliards de dollars.

De ces coûts, 10,5 milliards $ couvriront la construction du réseau de gazoducs, 3,8 milliards $ serviront à la construction des installations des trois champs de productions initiaux et finalement 1,9 milliard $ seront alloués à des travaux effectués après le début la production gazière. Jusqu’à présent, les promoteurs ont dépensé approximativement 600 millions de dollars dans ce projet

Malgré cette augmentation spectaculaire des coûts, le vice-président d’Imperial Oil demeure positif. « Ne vous y trompez pas, nous sommes toujours confiants que le projet ira de l’avant », a-t-il dit après avoir signalé que la hausse de l’investissement était « prévisible ».

Néanmoins, Randy Broiles se dit préoccupé par la « compétitivité » du projet et a martelé tout au long de la conférence de presse que le projet ne sera pas viable tant qu’Ottawa n’aura pas présenté au promoteur « un cadre économique » satisfaisant. « Le besoin de boniments fiscaux est encore plus grand qu’en 2005 », a-t-il dit.

Imperial Oil se défend pourtant de réclamer des subsides au gouvernement. Le genre de « boniments » que recherche la division canadienne d’ExxonMobil auraient plutôt à voir avec le régime de taxation. Les promoteurs du Projet gazier du Mackenzie, a laissé entendre Randy Broiles, souhaitent que le taux de redevances soit progressif et qu’il s’ajuste en fonction de la variation du prix du gaz.

Questionné à savoir si le consortium souhaitait un pacte économique similaire à celui des sables bitumineux albertains, Broiles a répondu que « en effet » c’est une entente de cet acabit qui est recherchée. Dans les sables bitumineux, les gouvernements provincial et fédéral ne touchent aucune redevance sur la ressource tant que les promoteurs n’ont pas recouvré leur investissement initial.

Le « cadre économique » souhaité par le consortium devrait également comprendre des engagements du gouvernement fédéral pour permettre à de tierces parties d’exploiter d’autres champs gaziers que ceux visés par le projet, a affirmé Broiles.

Enfin, le vice-président d’Imperial Oil a suggéré que les coûts de construction de certaines infrastructures pourraient être « partagés » avec le gouvernement fédéral. Les débarcadères pour les barges le long du Mackenzie ou encore des pistes d’atterrissage pourraient entrer dans cette catégorie d’infrastructures qui, selon Broiles, « s’avèrent également utiles pour les communautés ».

Toutes ces mesures ne constituent pas des subventions, estime le vice-président d’Imperial Oil, « mais elles sont essentielles » à la réalisation du projet.

Imperial, a-t-il ajouté, ne se lancera pas dans cette aventure sans avoir l’assurance que le taux de retour sur l’investissement ne se situera pas « dans les deux chiffres ». Broiles ne révèlera pas quelles sont les estimations du taux de retour sur l’investissement anticipé en vertu du régime de redevances actuel, mais, dit-il, e projet est « économiquement maigre ».

Le Projet gazier du Mackenzie est promu par Imperial Oil, Shell Canada, ExxonMobil Canada, Connoco Phillips et l’Aboriginal Pipeline Group. Cette dernière est une société autochtone qui obtiendra un tiers des droits sur le gazoduc si le projet attire d’autres investisseurs prêts à exploiter des gisements gaziers supplémentaires à ceux détenus par les promoteurs.

Le projet initial devrait avoir une durée de vie d’au plus 15 ans. Si d’autres puits sont développés le gazoduc pourrait servir durant une quarantaine d’années.