Les résidents du Nord sont de plus en plus préoccupés par la croissance des activités criminelles dans leurs communautés, affirme un rapport pan-nordique sur les services de police rendu public à la fin mars.
Le rapport, produit par une firme de consultants à la suite d’une série de consultations communautaires réalisées dans les trois territoires en 2004 et 2005, rend compte des impressions de résidents sur les services de police et sur la sécurité en général. Aux Territoires du Nord-Ouest, des délégués de toutes les communautés, à l’exception de Fort Smith, ont été rencontrés.
Règle générale, les personnes consultées se sentent moins en sécurité qu’il y a quelques années. « Des résidents affirment qu’ils ne sentent plus à l’aise de laisser leur résidence sans surveillance pour quelques jours, alors qu’il y a quelques années, ils pouvaient quitter leur maison indéfiniment sans même barrer la porte », note le rapport. On évoque des cas de personnes, le plus souvent des aînés, incapables de quitter leur communauté, faute de pouvoir trouver des gardiens de maison fiables.
On cite la consommation abusive d’alcool et l’usage de drogues comme le principal facteur de réduction du sentiment de sécurité. La plupart des résidents interrogés pour ce rapport estiment que la consommation de ces substances a augmenté ces dernières années, et ce principalement dans les petites communautés.
Par ailleurs, plusieurs signalent que la police est moins présente dans les rues aujourd’hui, qu’auparavant. « Il y a une impression que les officiers de police passent le plus clair de leur temps dans leur baraque et, dans plusieurs cas, qu’ils ne sortent que pour répondre à un appel », peut-on lire. Dans les petites communautés en particulier, on peste contre le manque de patrouilles nocturnes.
Les crimes qui sont perçus comme étant les plus présents dans les communautés sont, en commençant par les plus fréquemment cités : les crimes contre la propriété (cambriolage, vols, vandalisme), les crimes liés à la consommation d’alcool (contrebande, consommation par des mineurs, voie de faits, conduite en état d’ébriété), le trafic et la possession de drogues illicites, la violence familiale, les agressions sexuelles et la conduite dangereuse.
Une police appréciée
En général, les personnes consultées aux fins de ce rapport sont satisfaites du travail de la Gendarmerie royale du Canada, qui est vue comme le corps policier par excellence pour faire régner l’ordre dans les communautés nordiques. Malgré tout, les résidents ont des attentes élevées par rapport aux services de police, des attentes qui sont rarement tout à fait comblées. En premier lieu, on cite le manque de services durant la nuit dans les petites communautés. En effet, les détachements locaux sont le plus souvent fermés durant la nuit et les appels logés à ces bureaux sont redirigés vers Yellowknife. Les résidents consultés estiment que cela ralentit inutilement le temps de réponse de la police à une période de la journée durant laquelle la majorité des crimes importants surviennent. On suggère d’embaucher des résidents des communautés pour répondre aux appels de nuit.
Autre préoccupation importante : les résidents ne connaissent pas assez bien les officiers affectés à leur communauté. Certains indiquent que des officiers sont distants avec la population et ne se mêlent pas assez avec elle. Ce problème semble cependant différer d’une communauté à l’autre, voire d’un officier à l’autre. Une des sources de ce problème est la durée relativement courte du passage des officiers dans les communautés. Il s’avère plutôt rare qu’un officier réside plus de trois ans dans la même communauté. Un résident d’une communauté éloignée résume assez bien l’enjeu : « On commence tout juste à les connaître, et puis ils s’en vont. ». On suggère que, lorsque cela est possible, des incitatifs financiers devraient être offerts aux officiers qui choisissent de prolonger leur passage dans une communauté.
Par ailleurs, les résidents signalent souvent une méconnaissance des agents des réalités sociales et culturelles des communautés nordiques. On cite notamment la méconnaissance des enjeux liés au syndrome d’alcoolisation fœtale ou aux traumatismes causés par les Pensionnats indiens.
De même, relève le rapport, « la plupart des agents en poste aux TNO proviennent de villes du Sud canadien et n’ont pas d’expérience dans les petites communautés. La GRC reconnaît également que les agents de la Division « G » [la division des TNO] sont, règle générale, plutôt jeunes et que cela rend possiblement le travail de ces officiers plus complexe ».
Dans les petites communautés, les résidents sont nombreux à réclamer l’embauche de policiers autochtones.
Se préparer au pipeline
Le rapport signale enfin que les résidents des communautés situées le long du trajet suggéré pour le futur gazoduc du Mackenzie, sont inquiets des répercussions du pipeline. Ils pensent que l’afflux de travailleurs du Sud et l’augmentation soudaine des revenus feront augmenter la criminalité. On indique que les résidents désirent que la GRC soit « proactive » et qu’elle se prépare pour répondre aux répercussions du gazoduc. Ils souhaitent également être tenus au courant des démarches entreprises par la GRC pour se préparer à cette augmentation anticipée de la criminalité.
Une criminalité importante
Selon Statistique Canada, les trois territoires nordiques sont les juridictions les plus criminelles au Canada. En 2005, alors qu’ils ne représentent que 0,3 % de la population canadienne, les résidents du Nord ont commis 1,4 % de tous les crimes du pays. Des trois territoires, ce sont les Territoires du nord-Ouest qui remportent la palme de la criminalité avec un crime pour 2,4 habitants en 2005. Suivent ensuite le Nunavut (un crime pour trois habitants) et le Yukon (un crime pour 4,5 habitants). C’est cependant au Nunavut que le taux de crimes violents est le plus élevé.
Les crimes les plus communs dans le Nord sont l’ivresse publique, les méfaits et le fait de troubler la paix.