Alors que le pont de glace de l’an 2000 s’immergeait, Félix Gagné est venu trouver de l’emploi à Yellowknife un peu avant le congé Pascal. Après ce lundi de fête, il partait, nouvel employé d’une firme de consultation en géologie, prospecter sur le terrain au nord du Grand lac des Esclaves.
« Je voulais échapper à la chaleur des étés québécois, je viens d’un village à côté de Val-D’Or qui s’appelle La Corne. Avec une technique en technologie minérale ciblant la géologie appliquée, j’étais prêt pour sillonner le Nord. J’ai fait de la prospection géophysique pour trouver des kimberlites de diamants pendant trois ans. Puis j’ai joint la compagnie Diavik pour un poste de technicien à temps plein. En plus d’être mieux payé, je réglais le côté instable de mon poste précédent. Travaillant deux semaines consécutives à la mine (les deux autres semaines étaient des congés), je mettais une limite aux voyages de plusieurs semaines sans date précise de retour à Yellowknife. Je voulais fonder une famille et je voulais également établir un rythme, car je me voyais mal devoir téléphoner à mes enfants pour leur dire que « cette semaine encore, papa reste pogné dans la toundra ».
Et le temps est passé sur les terres désolées de la toundra! Félix et sa compagne Nadine ont eu une petite fille. « Adélie, c’est le nom de notre fille. Ça vient du nom d’un territoire français sur le continent Antarctique : La terre Adélie. J’aime ce nom un peu original, à consonance nordique et francophone. Elle se tient debout du haut de ses neuf mois, bientôt elle va se lancer! »
Au niveau de la famille, tout le monde trouve que les TNO, c’est un peu loin. Même s’il voit son père qui habite Red Deer, trois à quatre fois par année, Félix ne voit pas régulièrement le reste de sa famille. « En fait, nous avons trouvé la meilleure façon de faire venir les gens ici, l’aimant émotionnel. Avec l’arrivée d’Adélie, toute la parenté est venue nous visiter. »
Du fait de son rythme de travail, notre abonné, lit le journal que lorsqu’il est à Yellowknife. « Je ne lis pas les numéros ratés en raison de mon absence sur le terrain. Je suis content de pouvoir lire les nouvelles d’ici en français. J’aime aussi l’apport du Nunavoix. Pour moi, ils sont à l’heure du Québec, car ils sont plus proches de cette francophonie. Ils prennent un avion et ils sont à Montréal. Néanmoins, ils vivent un hiver autrement plus rude que Yellowknife. J’aime découvrir ces conditions un peu plus brutales. Ici je parle en français, à part à l’ouvrage, mais mes amis sont francophones. Je passe à la maison bleue à l’occasion, je jase avec les membres du personnel. Nous sommes bien ici, et nous sommes établies pour un bon boutte. »
Pour l’avenir de ses enfants, Félix pense un jour retourné au Québec. « J’ai l’impression que pour qu’ils demeurent francophones sans avoir peur de se faire assimiler, il faut qu’ils baignent un certain temps dans un folklore plus pittoresque comme on peut avoir au Québec. Ici, si tu ne parles pas anglais, la plupart des emplois te sont refusées. Au bout de combien de générations notre langage devient jonché de mots anglais? Dans une mine, j’ai rencontré une Autochtone de Fort Providence. Cette dame avait environ soixante ans. Elle m’a confié qu’elle a été élevée en français. Je la comprenais bien quand elle parlait, mais elle ne l’utilisait plus du tout. »
Cet été, Félix se propose d’offrir des ateliers de jonglerie, pour tous publics. Rien n’est encore fait, mais les choses peuvent se mettre en place. « Il faut apprendre à penser aux mouvements à faire et ensuite être capable de les exécuter. C’est sûr que plus on est jeune, plus on a de la facilité, mais on peut s’y mettre à tous les âges,. Lorsque je travaillais sur le terrain, j’ai passé tout un été à me pratiquer pour maîtriser le jonglage à cinq balles. Maintenant, je suis capable d’exécuter une trentaine de figures. Dépendamment du rythme et de l’envie de se pratiquer, les gens peuvent jongler pour eux-mêmes ou montrer comment faire à leurs amis assez rapidement. »