Alors que les travaux de restauration à Port Radium tirent à leur fin, les représentants de la communauté de Deline soulèvent encore certaines inquiétudes face aux impacts irréversibles de plus de 50 ans d’exploitation minière dans la région.
Pour replacer dans le contexte, Port Radium a été le site de la première mine d’uranium au Canada suite à la découverte par Gilbert Labine en 1930 de la pechblende, minerai contenant une forte proportion d’uranium, dans la région située à l’est du Grand lac de l’Ours.
Des minerais de radium et d’argent ont aussi été découverts à cette époque et il n’en fallait pas plus pour que l’industrie y voie une bonne occasion d’affaires. Trois compagnies minières se sont succédé pour exploiter le site au fil des décennies. L’uranium qui y a été extrait au début des années 1940 a même servi à la fabrication des deux bombes atomiques qui ont été larguées sur Hiroshima et Nagasaki, en août 1945, lors de la Deuxième Guerre mondiale.
Les opérations minières à Port Radium se sont définitivement arrêtées en 1982 et le site fut alors décontaminé selon les normes de l’époque. Dans le milieu des années 1990, constatant de nombreux cas de cancer dans la communauté, les gens de Deline ont entrepris des démarches pour exposer leur situation au grand jour et ont par le fait même approché le gouvernement fédéral en 1998.
S’en est suivi la création de la Table Canada Deline sur l’uranium (TCDU) en 1999 et de nombreuses études ont été entreprises dans les années suivantes sur les risques et conséquences de l’exploitation de Port Radium sur la communauté de Deline, située à 265 km plus à l’ouest, à l’autre extrémité du Grand lac de l’Ours.
La TCDU a ensuite délivré en 2005 un rapport contenant 28 recommandations, la principale étant d’entreprendre le plus tôt possible des travaux de restauration plus poussés sur le site de Port Radium. Leroy André, président de la Société des terres de Deline et ancien chef de bande, a été très impliqué dans les travaux de la TCDU. Il voit d’un bon œil les travaux faits actuellement à Port Radium, mais entretient encore certains doutes.
« Ma principale préoccupation, c’est que l’environnement soit sécuritaire pour la communauté. […] Nous ne sommes pas encore 100 % satisfait des rapports. Nous devons faire plus que ça », a expliqué M. André.
« Il y a beaucoup d’inquiétudes dans ce dossier, a pour sa part confié le chef actuel de Deline, Raymond Tutcho. Je suis surtout concerné par la faune sauvage et les activités de la chasse et de la pêche ». Le chef a aussi dénoncé que de nombreux secteurs sur le site demeureront hautement radioactifs, même une fois les travaux terminés. Un autre point qui semble beaucoup déranger est le peu de mesures entreprises dans le plan de restauration concernant la qualité de l’eau. Les leaders de Deline trouvent notamment regrettable que les 800 000 tonnes de résidus de minerai déposés au fil des années dans le Grand lac de l’Ours, aux abords du site, y resteront. « La communauté de Deline utilise cette eau chaque jour. Nous buvons dedans », a déclaré M. André.
Julie Ward, gérante de projet au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, explique qu’il est préférable de laisser les résidus en stabilité dans les eaux, car il serait trop risqué d’essayer de les enlever.
Rencontré lors d’une visite du site, Ron Stenson, directeur de projet à la Commission canadienne de sûreté nucléaire, a indiqué pour sa part que les échantillons prélevés sur place ont démontré que l’eau était de bonne qualité.
« La principale préoccupation est de stabiliser les contaminants et de s’assurer qu’ils ne vont nulle part, notamment lorsqu’il y a du vent. Il faut aussi appliquer une couverture protectrice suffisante entre les contaminants et la faune », poursuit M. Stenson. Ce dernier ajoute que l’état général de Port Radium sur le plan environnemental est très acceptable si on compare avec la situation des sites d’uranium du Nord de la Saskatchewan.
Un projet de 6,8 M $
Le contrat de restauration du site de Port Radium d’une valeur de 6,8 millions de dollars a été confié à l’Aboriginal Engineering Limited (AEL) en décembre dernier. Sur les 53 travailleurs affectés au site, 49 proviennent de la communauté de Deline.
Les travaux de nettoyage qui ont été entrepris en début juin sont prévus pour une durée de 120 jours et devraient se terminer vers la fin septembre. Tout au long de l’été, l’AEL a dû notamment procéder au recouvrement de zones avec un taux de radiation élevé, la stabilisation des aires de résidus miniers, la démolition des infrastructures restantes, l’élimination des déchets dangereux et le blocage des quinze ouvertures verticales et des trois ouvertures horizontales qui donnent accès aux tunnels.
À la conclusion des travaux, le site de Port Radium sera l’objet d’un plan de surveillance à long terme du gouvernement fédéral.
