Depuis qu’elle a quitté sa France natale, Christine Aubrey, a toujours affirmé une fierté francophone partout où son chemin l’a menée. Arrivée à Fort Smith en juillet 1991, elle demeure de nos jours un emblème de la francophonie reconnue par sa communauté.
«Je suis parti en Angleterre pour apprendre l’anglais, ma troisième langue, raconte Christine. J’avais terminé une école hôtelière et il me fallait maîtriser d’autres langues. Normalement, c’est l’allemand que j’aurai dû poursuivre, mais j’ai choisi de partir à Londres comme beaucoup de mes concitoyens. Finalement, j’y ai rencontré mon mari!» Le couple a vécu des années extraordinaires en Angleterre. Ils se sont mariés à Notre Dame de France, la seule église française de Londres, où Christine a mis un point d’honneur à ce que le service se déroule dans sa langue maternelle, même si son mari, d’origine écossaise, ne parlait pas le français à cette époque.
« Lorsque nous sommes arrivés au Québec, nous nous sentions chez nous. C’est vrai, partout où je suis passé il était important pour moi d’affirmer ma première langue. Alors à Montréal, c’était idéal. Mais nous ne voulions plus vivre dans une grande ville, et nous voulions nous rapprocher de la nature. J’ai eu une opportunité dans le Nord et nous l’avons suivi.» Ayant d’abord travaillé au collège, notre lectrice rejoint ensuite l’hôpital, où depuis février 1992, elle gère le service de soin en français.
« Le français à Fort Smith est reconnu, il est accepté par le reste de la communauté, explique-t-elle. Je suis arrivée dans une période un peu creuse de l’Association des francophones de Fort Smith. Il y avait quatre personnes très dévouées qui étaient fatiguées de porter l’organisation à bout de bras. Je me suis impliquée, et je suis devenue présidente. J’ai initié les Samedis Jeunesse et nous avons toujours continué à travailler pour les enfants. J’ai beaucoup œuvré pour donner à nos jeunes la chance d’étudier en français dans notre ville. En 2002, j’avais réussi à récolter des signatures pour dix enfants ayant droits. Mais arrivé à Yellowknife, il était trop tard pour les finances et le projet est tombé à l’eau. C’est maintenant sous l’initiative de ma fille qui réside ici, que mon rêve va se réaliser. Elle est à la tête d’un regroupement de parents qui veulent mettre en place une école francophone pour leurs enfants. Il y a un bassin d’une trentaine d’élèves pour les niveaux élémentaires ». Christine qui parle exclusivement en français à ses petits-enfants, note que ce qui est le plus important, c’est de ne jamais oublier qui l’on est.
Abonnée depuis son arrivée, Christine a vu le journal évoluer. « Je suis contente que l’on retrouve de plus en plus une diversité. Précédemment, tout était basé sur Yellowknife, désormais la couverture s’étend sur plusieurs communautés. C’est un bon moyen de savoir ce qu’il se passe quand on ne siège pas sur un conseil de l’organigramme franco-ténois. J’apprécie le fait de voir à l’occasion des photos de gens que je n’ai pas vu depuis longtemps. Je trouve aussi que L’Aquilon a tenu compte des commentaires qu’il recherchait avec ses questionnaires à travers des années. Je suis sûre que de découvrir les nouvelles têtes dans la communauté pourrait faire plaisir à certains d’entre eux, et à donner une autre impression de la place.»
Christine, n’a pas trouvé uniquement sa place dans le Nord, elle y a développé une passion, la fibre d’art. Un art dont la méthode se rapproche de la courtepointe, mais dont l’expression s’apparente à la peinture sur tissu. « Il m’a fallu du courage pour me lancer et pour faire mes propres œuvres. C’est d’ailleurs, un moyen de canaliser mes idées et de ne pas être minée par l’anxiété et la maladie. J’ai eu un cancer du sein, il y a trois ans et pour moi la fibre d’art a toujours été un moyen de m’évader. Les passions emmènent l’esprit ailleurs, et peuvent aider beaucoup. J’interviens quelques fois dans des conférences ou des ateliers pour partager ce genre de réflexion et communiquer ce besoin de s’évader auprès d’autres cancéreux. Le fait d’en parler, tu oublies ton mal et en plus tu te fais des amis qui doivent faire face à ce même désespoir. Je suis maintenant en rémission; j’ai plusieurs amis qui ne sont plus là maintenant, mais pour moi chaque jour est un cadeau. »