L’avocat de la Fédération franco-ténoise (FFT), Me Roger Lepage, a martelé à plusieurs reprises devant la Cour d’appel, le 20 novembre dernier, que le Procureur général du Canada (PGC) avait l’obligation constitutionnelle d’assurer la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles des TNO.
L’avocat fransaskois a ajouté que la juge Moreau avait commis une autre erreur de droit en refusant de se pencher sur la question de l’applicabilité des articles 16 à 20 de la Charte canadienne des droits et libertés dans le dossier de la poursuite judiciaire de la FFT contre les gouvernements territorial et fédéral pour manque de services en français.
Rappelons que la juge avait statué le 25 avril 2006 que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest (GTNO) était l’unique responsable des violations à la loi. La FFT avait décidé d’en appeler du verdict de la juge qui exonérait le fédéral de toute responsabilité.
« [La juge Moreau] n’a pas examiné la preuve qui a été déposé contre le PGC. Elle ne s’est pas posé la question [à savoir] qui a l’obligation d’imposer ce plan de mise en œuvre. Elle a fait une erreur de droit. Si elle s’était posé la question, elle aurait vu que le PGC avait aussi une obligation », a expliqué Me Lepage aux trois juges de la Cour d’appel.
Lorsque la juge Constance Hunt a demandé où se situait alors la responsabilité du GTNO, Me Lepage a rétorqué qu’il s’agissait d’une responsabilité conjointe. « Les deux parties doivent s’entendrent ensemble. Ils doivent travailler ensemble. Constitutionnellement, on ne peut pas déléguer une responsabilité à une tierce partie », a-t-il affirmé.
Reprenant plusieurs arguments qui avaient été présentés lors du premier procès à l’automne 2005, Me Lepage a réitéré que le GTNO était une institution du gouvernement comme définie dans l’article 32 de la Charte et que ce dernier avait donc un rôle à jouer dans l’application des lois.
Dans son court exposé, l’avocate Pascale Giguère, qui représente le Commissaire aux langues officielles dans ce dossier, a aussi insisté sur la formulation de l’article 32.
Me Lepage a donné plusieurs exemples du grand pouvoir d’intervention que peut exercer le gouvernement fédéral sur les TNO comme la scission du territoire pour la création du Nunavut en 1999 sans l’accord des TNO. « Le lien organique est énorme entre les deux », fait-il valoir, se demandant pourquoi aucune intervention n’a été faite dans le domaine des langues officielles.
L’avocat déplore aussi que le fédéral ait accepté un retour d’argent de 5,1 millions $ au fil des années, contribuant ainsi à cette situation de manquement de services en français ».
Riposte du fédéral
Afin d’alléger la procédure, la juge Hunt a demandé à l’avocat du gouvernement fédéral, Me Alain Préfontaine, de ne s’en tenir qu’à deux points dans sa présentation du 21 novembre, soit l’applicabilité de la Charte et la partie VII de la Loi sur les langues officielles du Canada.
Sur le premier sujet, la position du fédéral est que la question de l’applicabilité de la Charte demeure entièrement théorique en l’absence d’un lien de causalité reliant le Canada à l’un des manquements établis par la preuve. De plus, il ne croit pas que la juge d’instruction soit obligée de trancher la question constitutionnelle sur le simple fait que le point a été soulevé par les appelants.
Pour ce qui est de la partie VII, les avocats du fédéral prétendent qu’elle n’est pas source de droit pour les appelants dans le contexte de la présente affaire. Le gouvernement concède que la partie VII de la Loi l’engage à contribuer à la promotion et au développement des communautés linguistiques minoritaires, y compris les TNO, mais que cet engagement solennel n’était toutefois pas source d’obligations et ne pouvait faire l’objet d’un recours en justice.
Par ailleurs, dans le mémoire de la partie fédérale, les avocats affirment que le GTNO est un gouvernement autonome avec un régime linguistique distinct du régime fédéral. Ils se réfèrent quant à eux à l’article 30 qui assimile les territoires aux provinces et la législation des TNO n’est donc pas visée par les articles 16 et 20 de la Charte, selon eux.
Les avocats du fédéral avancent aussi que les fluctuations de financement accordé par le gouvernement d’Ottawa sont un résultat et non une cause de l’absence de mise en œuvre par le GTNO. Le verdict des juges de la Cour d’appel tant dans l’appel du GTNO que celui de la FFT devrait être connu d’ici quelques mois.