Une étude rendue publique le 23 janvier dernier ne présente rien d’encourageant pour les Inuits alors qu’on a établi que leur espérance de vie se situait seulement à 66,9 ans en 2001, une légère baisse par rapport à la moyenne de 67,8 ans enregistrée en 1991.
Lors de cette même période, l’espérance de vie du reste de la population canadienne augmentait de près deux ans pour se situer à 79,5 ans. Il existe donc désormais un écart de plus de douze ans entre les deux catégories.
Comme les données pour les régions où vivent une forte concentration d’Inuits ne font pas la distinction entre l’espérance de vie des Inuits et celle de la population non inuite, les résultats sont encore plus accablants lorsqu’on retire de la moyenne la population non inuite. Après le nouveau calcul, l’espérance de vie des Inuits diminue à 64,2 ans, représentant alors un écart de 15 ans avec le reste de la population. C’est au niveau comparable à ce qu’on retrouve dans certains pays en voie de développement comme la République Dominicaine, le Guatemala ou le Bangladesh.
La région désigné des Inuvialuit, qui inclut les communautés ténoises d’Inuvik, Aklavik, Tuktoyaktuk, Tsiigehtchic, Sachs Harbour et Holman, est l’endroit avec la plus haute espérance de vie à 70,2 ans. Suivent dans l’ordre le Nunavut (68,2 ans), le Nunatsiavut (65,3 ans) et le Nunavik (62,8 ans). 81 % des 45 000 Inuits comptabilisés dans le recensement de 2001 vivent dans ces quatre régions.
« C’est la première fois depuis bon nombre d’années qu’on a pu avoir des résultats précis », note Philippe Finès, l’un des auteurs de l’étude. Il précise qu’une approche fondée sur des données géographiques était nécessaire pour obtenir des résultats en l’absence d’identificateurs sur les Autochtones dans les enregistrements de décès au Canada. Il ajoute que l’étude s’est concentrée sur les communautés nordiques où l’on retrouve au moins 33 % d’Inuits.
M. Finès n’a pas voulu avancer de raisons qui expliquent ce grand décalage, mais il signale qu’un deuxième volet à cette étude sera entrepris dans les prochains mois et se penchera sur les causes de mortalité chez les Inuits. Il dit qu’il sera alors plus facile de tomber dans l’analyse des chiffres.
Des données qui choquent
La présidente de l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), Mary Simon, s’est dit choquée par les résultats de cette étude, même si elle admet être informé de ce déséquilibre à propos de l’espérance de vie depuis longtemps. Elle est convaincue que les instances décisionnelles, surtout à Ottawa, ne peuvent plus ignorer les revendications des représentants inuits qui demandent l’établissement de programmes dans les secteurs de la santé et du logement.
« Les statistiques parlent d’elles-mêmes. Nous savons que les conditions de vie dans l’Arctique sont très différentes que dans le reste du Canada et nous continuons de presser le gouvernement pour qu’il fasse quelque chose par rapport à nos conditions de vie », a-t-elle déclaré.
Cette nouvelle étude constitue donc une munition de plus pour l’ITK dans ses pressions face au fédéral. « Ça nous donne une preuve concrète. [Les fonctionnaires] aiment les choses écrites noir sur blanc. Donc, ça leur fournit des chiffres d’autant plus que ça vient de Statistique Canada qui est une institution très crédible », a poursuivi Mme Simon.
Cette dernière affirme que la réponse n’est pas simple pour expliquer la faible espérance de vie chez les Inuits. Évidemment, elle ne cache pas que le taux de suicide très élevé chez les jeunes Inuits pèse pour beaucoup dans la balance. « Les opportunités d’emploi et d’éducation n’existent pas dans plusieurs régions du Nord et les jeunes ne voient aucun espoir », a-t-elle dénoncé.
Mme Simon cite aussi les retards à combler dans les soins de santé. « Nous avons des maladies chroniques qui ne sont pas diagnostiquées parce que nous n’avons pas les services et les gens ne sont donc pas traités pour leurs problèmes de santé. […] Nous avons besoin aussi de meilleurs services pour les maladies mentales. Les gens qui souffrent de dépression ou autres maladies mentales pourraient ainsi être traités », a-t-elle avancé.
Le surpeuplement dans les logements est un autre facteur non négligeable selon elle. « Une étude parue il y a six mois démontre que les enfants et les bébés inuits ont un taux de maladie respiratoire plus haut que partout ailleurs dans le monde. Possiblement que la qualité de l’air dans les maisons surpeuplées est mauvaise et les jeunes tombent malades, ont des problèmes respiratoires et ça diminue leur espérance de vie », a-t-elle conclu.