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le Vendredi 2 mai 2008 0:00 Environnement

Ours polaire: Une situation préoccupante, mais pas encore alarmante

Ours polaire: Une situation préoccupante, mais pas encore alarmante
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Le statut de l’ours polaire au Canada demeure « préoccupant », mais les données actuelles à la disposition des scientifiques ne permettent pas de conclure que l’espèce est « menacée » ou « en voie de disparition ».

C’est le constat que fait le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC), un regroupement indépendant de spécialistes qui était réuni à Yellowknife, du 20 au 25 avril, pour discuter de la situation de l’ours polaire et de 30 autres espèces au Canada.

« Les données qu’on a et les modèles de projection climatique des populations animales ne font pas penser qu’il y a une chance substantielle que la population au Canada de cet ours va diminuer d’au moins 30 % dans les prochains 36 ans », a déclaré en conférence de presse Marco Festa-Bianchet, coprésident du Comité d’experts en mammifères terrestres et professeur de biologie à l’Université de Sherbrooke.

« En général, on ne peut pas dire que c’est une espèce menacée d’extinction à court terme », a poursuivi celui qui a participé aux discussions de la semaine dernière dans la capitale des TNO. Le président du COSEPAC, Jeffrey Huchings, affirme que l’évaluation de l’ours polaire, appelé aussi ours blanc, a été l’un des dossiers les plus difficiles sur lequel le Comité a dû se pencher. « Il est important de noter que le statut de l’ours polaire varie considérablement à l’intérieur de sa zone géographique d’habitation au Canada. Dans certaines régions, ça diminue. Dans d’autres régions, c’est stable et, pour d’autres, ça augmente », a-t-il raconté. Les données et études de la communauté scientifique et les connaissances traditionnelles autochtones ont été considérées dans le récent exercice du COSEPAC. Les menaces émergentes posées par les changements climatiques et le développement du Nord ont aussi été prises en considération.

La situation reste délicate

Les scientifiques précisent qu’il ne faut pas pour autant se réjouir de la situation. « C’est clair et j’aimerais bien souligner que ça ne veut pas dire que tout va bien avec l’ours blanc. Il y a de gros problèmes avec l’ours blanc à cause des changements climatiques, à cause de la surexploitation dans certaines parties de son aire de distribution au Canada », a soutenu M. Festa-Bianchet. Jeffrey Hutchings renchérit que l’ours polaire est très sensible à l’activité humaine et au phénomène du réchauffement planétaire. La fonte des glaces dans la partie sud de son territoire et l’exploitation des hydrocarbures dans d’autres secteurs lui sont notamment néfastes.

« Une espèce avec un statut préoccupant reste une espèce à risque au Canada et nécessite des actions législatives », a-t-il indiqué.

On recense actuellement 15 500 ours polaires sur le territoire canadien, selon les dernières estimations du Comité. Près des deux tiers de la population mondiale d’ours blanc vit au Canada. Sur les 31 espèces à l’étude, la semaine dernière, 16 ont obtenu le statut d’espèce « en voie de disparition », 4 ont eu le statut d’espèce « menacée » et 4 autres le statut de « préoccupant ». Dans la catégorie la plus critique, on retrouve notamment la marmotte de l’île de Vancouver – dont la situation est problématique depuis 1978 – et la chouette tachetée de la sous-espèce caurina dont la population ne serait que d’une vingtaine dans tout le pays.

La balle au gouvernement

Le COSEPAC, qui n’a aucun pouvoir décisionnel, émettra ses recommandations au ministère fédéral de l’Environnement au mois d’août. Le ministre John Baird aura par la suite 90 jours pour trancher si l’ours polaire mérite effectivement le statut de « préoccupant » et ainsi être rajouté à la liste des espèces qui nécessitent des actions particulières en vertu de la Loi sur les espèces en péril.

C’est la quatrième fois depuis 1991 que le COSEPAC donne ce statut à l’ours polaire, mais ce sera seulement la deuxième fois que le ministère aura l’occasion d’inscrire cette espèce dans sa nouvelle loi créée en 2003. À la première occasion en 2004, le ministère avait jugé que l’absence de savoir autochtone traditionnel sur la situation de l’ours blanc l’empêchait de rendre une décision éclairée et avait invité le COSEPAC à approfondir ses recherches.

Si le verdict du Comité est accepté par le ministre de l’Environnement, le cabinet ministériel aura neuf mois pour légiférer sur la question et un plan national de gestion de l’espèce devra ensuite être mis de l’avant. Un régime d’interdictions et de sanctions sur la chasse ou la préservation de son habitat naturel pourrait aussi en découler, mais ne serait pas aussi poussé que si l’ours polaire avait été considéré comme une espèce « menacée », par exemple. Le ministre John Baird a réagi le jour même aux conclusions du COSEPAC. Il a dit qu’il se pencherait de très près sur le dossier dès la réception du rapport officiel complet du groupe d’experts. « En tant que ministre de l’Environnement, j’entreprendrai immédiatement un dialogue avec un certain nombre de groupes, dont des environnementalistes, des scientifiques et des conseils de gestion faunique afin d’obtenir leurs commentaires et leurs conseils », a-t-il indiqué par communiqué de presse.

« Notre gouvernement croit que l’ours blanc est un symbole iconique du Canada. Ainsi, nous nous croyons aussi responsables de veiller à ce que la population de l’espèce demeure vigoureuse et qu’elle ait un avenir sûr », a-t-il également déclaré.

Le dossier aux États-Unis

Le statut de l’ours polaire est également très présent dans l’actualité chez nos voisins du Sud alors qu’on attend depuis plusieurs mois le verdict du Département de l’intérieur des États-Unis à savoir si l’animal doit être considéré comme « menacé ». Ce dernier devait à l’origine statuer sur la question le 9 janvier dernier. Suite à la lenteur des démarches du gouvernement américain, dans ce dossier, trois groupes de conservation aux États-Unis, incluant Greenpeace, ont déposé une poursuite devant la Cour fédérale américaine en mars. Le 29 avril, la juge Claudia Wilken leur a donné raison et a exigé que le Département de l’intérieur rende une décision au plus tard le 15 mai prochain. On évalue à 4 700 la population d’ours blancs en Alaska.

En réponse à un journaliste, le président du COSEPAC Jeffrey Hutchings a signalé que le Canada et les États-Unis ne collaboraient pas ensemble dans le dossier de la préservation de l’ours polaire et que chaque juridiction agissait à sa propre guise sur les mesures à prendre.