Nul autre que le défendeur de toutes les causes franco-ténoises reliées aux droits linguistiques s’est présenté devant l’audience du Forum Grandir en français à Yellowknife, pour expliquer clairement l’Article 23 de la Chartre canadienne des droits et libertés. Devant des parents concernés, Maître Roger Lepage a exploré les trois critères définissant un ayant droit, et les trois permissions d’admission qu’une commission scolaire francophone peut exploiter si elle possède le droit de gestion que lui fournit habituellement l’Article 23 constitutionnalisé en 1982.
Pour débuter, le juriste francophone a insisté sur l’exclusive responsabilité des provinces et des territoires à pourvoir les infrastructures et les fonds nécessaires à une éducation dans la langue officielle minoritaire. « Via le droit constitutionnel, le gouvernement fédéral impose aux gouvernements provinciaux et territoriaux le fardeau de garantir à la minorité francophone, une instruction primaire et secondaire équivalente à celle reçue par la majorité anglophone. Le gouvernement du Canada n’a aucune obligation à ce sujet devant la constitution. »
Suivant l’énoncé de l’Article 23, trois catégories de citoyens canadiens sont admissibles aux institutions scolaires de la minorité linguistique. « Le premier cas de figure, explique Me Lepage, correspond à un individu dont la langue de la minorité, dans notre cas le français, est la première langue apprise et encore comprise. Notez qu’il n’est pas nécessaire que les deux parents répondent à ce critère: si un des tuteurs d’un enfant adopté ou un des parents d’une famille même reconstituée a appris le français à la maison étant jeune, il a le droit d’inscrire son ou ses enfants à l’école francophone. [ ] Le deuxième cas de figure concerne les parents qui ont reçu une éducation primaire en français au Canada. [ ] Et le troisième qui ne vise plus les parents mais bien l’enfant permet à tous les frères et sœurs d’un enfant qui a reçu une éducation primaire en français de s’inscrire eux aussi dans une école francophone. Notez que c’est l’enfant qui crée le droit et cela pour garantir la continuité linguistique de la famille et assurer la mobilité des familles francophones au pays. »
De la protection à l’intégration
Dès les premières écoles francophones des régions hors Québec, une des préoccupations de la minorité linguistique a été de protéger l’homogénéité dans les établissements. Les commissions scolaires francophones ont fait foi de l’Article 23 afin d’exclure l’immersion dans leurs écoles et pour s’assurer que non seulement la langue française y était apprise, mais aussi que l’identité et la culture francophone étaient transmisse. Pourtant, pour faire face à la régression démographique et à l’assimilation, des politiques d’intégration se sont greffées au sein des politiques d’admissibilité des commissions scolaires francophones. Roger Lepage a soutenu que le droit de gestion des commissions scolaires conféré par l’Article 23 offre aux parents élus des écoles francophones, trois permissions d’admission pour sustenter leurs établissements. L’accueil des immigrants au sein de ces écoles devrait-il être un choix offert seulement aux étrangers francophones? Pour réparer les préjudices passés, les personnes privées de français et ayant des ancêtres francophones n’ont-elles pas accès à une éducation de langue française, alors qu’elles possèdent un tant soit peu un intérêt culturel linguistique? L’aspect réparateur ne pourrait-il pas concerner les Métis et les autochtones qui ont été imprégnés par la langue française? Finalement, serait-il possible d’intégrer des anglophones qui désirent faire partie de la communauté et qui sentent une connexion avec cette langue et cette culture?
Pour Maître Lepage il est clair que les trois critères d’admissibilité énoncés dans l’Article 23 de la Chartre constituent un seuil et non pas un plafond au droit des commissions scolaires à accueillir leurs élèves. Durant toute son allocution, l’avocat fransaskois a démontré une volonté personnelle de ne plus faire référence aux ayants droit, alors que cette notion permet de rentrer trop facilement dans le jeu des gouvernements qui désirent restreindre le droit de gestion des commissions scolaires francophones. Il a mentionné que la récente directive ministérielle émise en juillet 2008 par le gouvernement des TNO était l’exemple même d’un ministre de l’Éducation qui désirait reprendre le droit de gestion aux parents francophones de sa juridiction.