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le Jeudi 16 avril 2009 15:15 Éducation

Chronique des moniteurs La vie en jaune, ma vie du Nord

Chronique des moniteurs La vie en jaune, ma vie du Nord
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C’était l’an passé – ou peut-être celui d’avant, je ne sais plus- que m’est venue cette idée. Une idée, un projet vague : mon Odyssée. C’était en flânant à tout hasard au milieu de mille kiosques divers qu’un pamphlet de ce programme est atterri en ma possession, piquant ainsi ma curiosité.

De toujours, le français a été pour moi une passion, une richesse sans cesse renouvelée, à communiquer, à partager, et voilà qu’Odyssée m’offrait cette opportunité de le faire. Après moult tergiversations quant aux aléas de mon futur, je me suis lancée dans l’inconnu, ce projet intrigant. Pour l’accomplir, je ne me donnais d’autre choix que celui d’une destination non moins inconnue et fascinante, exotique à mes yeux : le Nord. J’optai pour Yellowknife.

Mais que d’idées préconçues, basées sur de vagues espoirs et nombre ouï-dire, avais-je en tête avant d’arriver. Je m’attendais à tout, à rien. C’est à peine si je ne pensais pas me retrouver parachutée sur une toundra désertique, parmi caribous et lagopèdes, avec, parsemées ici et là, quelques mines d’or et de diamants exploitées par des foreurs tout droit sortis du Klondike, avec des autochtones chassant, trappant malgré les bouleversements de tout acabit amenés par l’homme blanc. Je me voyais déjà monitrice de français dans cet univers anachronique et insolite, une année sur ces terres balayées par les vents du nord apportant des températures frôlant les mille degrés sous zéro…

Évidemment, je savais que ceci n’était que fiction mienne, ce qui ne m’empêcha toutefois pas d’être surprise par ce qui m’attendait : un monde moderne poussé au milieu des épinettes au bord d’un lac, le milieu de nulle part, ville industrialisée à l’américaine, pleine d’opportunités de toute sorte, habitée par des gens venus de partout –ici, le multiculturalisme canadien prend tout son sens- animés par diverses motivations et ambitions.

Ma première visite de Yellowknife m’a jetée par terre. Il mouillassait, le jour de mon arrivée, et les 5 degrés ambiants contrastaient férocement avec les 30 degrés que j’avais laissés au Québec. Évidemment –je ne savais pas encore que c’était monnaie courante- Air Canada avait égaré mes valises, juste pour me déstabiliser un peu plus. Ainsi, l’on m’avait emmenée faire un tour de la ville, me présentant ses monts et merveilles, les McDonalds, A&W, Wal-Mart et compagnie, ses bâtiments et institutions que j’allais éventuellement apprivoiser, mais qui, au premier abord, me semblaient sans style, fonctionnels –laids, même- et froids. J’étais loin de cet univers sauvage et exotique de mes fabulations.

Bien sûr, petit à petit, mon œil, mon cœur d’étrangère se sont métamorphosés et se sont mis à apprécier les petits riens qui font maintenant mes joies et mes journées. Ces vétilles comme mes balades autour du lac, ces connaissances et amitiés enrichissantes glanées ici et là, ces diverses activités hivernales que sont le patin et le ski, les marches au grand froid qui vous gèlent le bout du nez, mais qui apaisent et enivrent, tout ça, c’est Yellowknife. Indéniablement, cette ville a plus d’un tour dans sa manche pour accrocher même les plus réticents.

Et que dire de ce travail qui allait être le mien pour cette année. L’École St-Joseph School, école catholique où j’allais faire mes premières armes dans le domaine de l’éducation, en est une tout ce qu’il y a de plus… normale. Encore loin de tout ce que je m’étais imaginé. J’aurais cru, à vrai dire j’aurais espéré, avoir à travailler avec une plus grande proportion de jeunes autochtones –cette culture m’a toujours attirée et j’en voulais découvrir plus- mais la vie en a décidé autrement, l’immersion francophone semble plutôt appeler des enfants d’un autre milieu. Ce qui ne m’empêche pas d’apprécier grandement mon rôle et mon contact avec eux; ils ont tous quelque chose à m’apporter, dirait-on, autant que ce que je pourrais, moi, leur donner. Je réalise cependant que l’enseignement primaire, et cela me conforte dans ce que je croyais, n’est pas fait pour moi. En ce qui concerne la diffusion et le partage du français, toutefois, je n’abandonne pas.

Bref, malgré la routine installée, que je brise de manière aléatoire dans la mesure de mon possible, je peux affirmer que cette expérience du Nord en est une qui m’aura permis de m’ouvrir à une foule de choses que je n’aurais pas osées étant restée chez moi, qui m’auront aidé à désembrouiller mes idées sur d’éventuels projets, leurs ébauches, mais qui également m’auront montré à vivre chaque jour à la fois, profitant de tous les moments fugaces à attraper au vol.