Le 31 juillet vers 17 heures, les cyclistes commencent à s’attrouper devant le bureau de poste de Yellowknife. Certains sont costumés. L’un d’eux a branché une radio énorme sur son porte-bagages : les Clash, les Pogues et Manu Chao résonnent à fond la caisse. En une demi-heure près d’une vingtaine d’amoureux de la bécane ont rejoint le groupe. C’est à ce moment que Joël Maillet donne le départ. « Ok, on bouge! »
Ils participent à une « masse critique », une forme de manifestation cycliste qui implique de se regrouper en un bloc compact de bicyclettes assez large pour occuper toute une section de la voie publique et ainsi forcer les automobilistes à ralentir à la vitesse du convoie. Depuis quelques années ce genre d’action de désobéissance civile se multiplient dans les grandes villes occidentales attirant parfois des centaines de militants pro-vélo.
À Yellowknife, la masse est modeste, mais malgré leur nombre relativement restreints les « vélorutionnaires » prennent assez d’espace pour imposer leur rythme au trafic de la capitale. L’ambiance est festive. Tout le monde rit, tout le monde chante. Sur l’Avenue Franklin, les automobilistes, eux, sont pris de court. Certains klaxonnent en appui à l’initiative; d’autres de frustration.
Joël Maillet, l’organisateur de l’événement, ne cache pas ses intentions : l’objectif, dit-il, est de troubler la suprématie des voitures sur la route. « Je vois ça comme une petite guerre gentille. C’est comme se pointer sur le champ de bataille avec des instruments de musique au lieu d’une mitraillette. »
Il se plaît à provoquer. « Quand les gens voient deux vélos ensemble, c’est normal. Quand ils en voient trois, c’est encore correct. À partir de six, il y a quelque chose de louche. À 20, les gens se mettent à freaker. »
D’après lui, ce genre d’action spectaculaire force le publique à réfléchir sur la façon dont les moyens de transports façonnent nos mode de vie. « Ça promeut l’efficacité énergétique et un mode de vie sain. En même temps ça lutte contre le contraire de ça : la consommation de carburant bien sûr, mais aussi le rythme effréné de la vie moderne. Ça oblige carrément les automobilistes à ralentir. »
Celui quia participé à des rassemblements du même genre à Vancouver et à Halifax rêve d’un monde où le vélo serait une option de locomotion plus populaire que la voiture. « Ça serait une révolution, dit-il. Ça changerait entièrement la façon dont nous avons d’interagir avec notre environnement. L’urbanisme serait modifié. La vie aurait un tout nouveau visage, un visage plus convivial. »
Une seconde « masse critique » est prévue à Yellowknife le 28 août.