Les tribulations financières de l’AFN ne feront pas flancher la Table 867.
Réjean Côté a lancé une bouteille à la mer. Avec sa lettre ouverte du 11 juin 2010, le directeur de l’Association des francophones du Nunavut (AFN) explique que le bateau dont il vient de prendre la barre ne peut plus se permettre de « tanguer entre les vérités de bâbord et celles de tribord ». Il demande, dans sa lettre parue dans le Nunavoix, à ce que les membres de la communauté franco-nunavoise soutiennent sans équivoque le plan de redressement que le conseil d’administration proposera lors de la prochaine assemblée générale annuelle pour se rétablir d’une « situation financière dramatique ». Partenaire essentiel dans un réseau de collaboration territoriale appelé la Table 867, l’AFN et ses tracas financiers peuvent-ils éclabousser le futur des projets panterritoriaux que cette table pourrait dresser dans le futur?
C’est par un non équivoque que répondent les deux principaux partenaires de l’AFN, soit l’Association franco-yukonnaise (AFY) et la Fédération franco-ténoise (FFT). « Ce sont deux enjeux différents, lance Régis St-Pierre, codirecteur général de l’AFY. Les problèmes auxquels font face l’organisation nunavoise n’ont aucun rapport avec les enjeux pannordiques que la Table 867 a la possibilité de traiter. » Pour sa part, le directeur général de la FFT réplique que toutes les récentes discussions tenues avec les gens du Yukon et du Nunavut ont assuré une cohésion entre les partenaires et que les réunions et les travaux perdureront. « Ce n’est pas très joyeux, ce que vivent nos voisins en ce moment, nous leur souhaitons bonne chance d’ailleurs, mais nous nous sommes clairement entendus sur un point : nous ne sommes pas des créanciers l’un pour l’autre, mais bien des partenaires », de souligner Francis Lemieux.
L’entrée n’est toujours pas servie
Si la table panterritoriale francophone peut s’imager par de bons amis qui s’invitent à souper chez l’un ou l’autre, l’AFN a été le premier hôte chez qui les discussions ont débuté. C’est effectivement l’Association des francophones du Nunavut qui était le fiduciaire du projet de consultation proposé à CanNor (Agence canadienne de développement économique du Nord), bailleur de fond de cette Table 867. Une tarte que les trois convives n’ont pas encore eu la chance de goûter, alors que CanNor n’a toujours pas versé le financement à l’AFN. Kathleen McLeod, porte-parole de CanNor, affirme que l’Agence travaille encore avec l’AFN afin de finaliser et de transférer le montant du financement, qui avoisine la somme sollicitée de 173 000 $. Ainsi, l’AFY et la FFT confirment tous les deux ne pas avoir reçu leur part afin de payer le travail de consultation que chacun a entrepris dans leur territoire respectif. « Quand ils recevront le financement, l’AFN nous a assuré qu’elle paierait son dû dans les meilleurs délais », explique Francis Lemieux.
Ces conditions ont fait réfléchir les trois partenaires, et il semble que les trois porte-paroles francophones veulent se donner plus de libertés et d’options pour les prochains projets. Au dire de Daniel Lamoureux, directeur administratif de l’AFN, « le fiduciaire de la table pourrait changer », ce qui permet d’entrevoir une rotation ou une alternance de celui qui recevrait ses partenaires et les fonds alloués à ce réseau pannordique. Régis St-Pierre estime même que le choix du fiduciaire pourrait dépendre de qui propose ou mène le projet entrepris par la table. Il ajoute que plusieurs solutions se présentent pour mieux définir cette table, telles qu’un mode de gouvernance simple et une approche de terrain locale qui stimulerait les projets de plus grandes envergures. Il rappelle toutefois qu’« il y ait table ou non, cela s’appelle un réseau de collaboration et ce n’est pas ça qui va changer les plans globaux de développement des communautés. Et l’important, c’est que nous soyons là pour les gens en premier. ».
Si cette table semble stable et solide, il reste à savoir quand aura lieu le prochain repas de cette nordicité francophone. À cela, Francis Lemieux préfère laisser du temps à l’AFN : « Je me sentirais mal à l’aise de proposer quelque chose tout de suite alors que nos partenaires ont d’autres choses à régler. Lorsque le calme sera revenu, ce sera plus propice et plus amical pour voir au développement de projets concrets ».