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le Jeudi 24 février 2011 16:35 | mis à jour le 20 mars 2025 10:38 Économie

Nutrition Nord Postes Canada mise de côté

Nutrition Nord Postes Canada mise de côté
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Le 1er avril 2011 marquera le début du programme Nutrition Nord, il reste pourtant beaucoup de chemin à parcourir pour convaincre les résidents du Nord du bienfait de ce changement.

 

À quelques semaines de la mise en œuvre complète du programme Nutrition Nord Canada affectant 113 collectivités canadiennes, le ministre des Affaires indiennes et du Nord (MAINC), John Duncan, a tenu à clarifier certains renseignements concernant le remplacement du programme Aliments-poste qui s’effectue graduellement depuis le mois d’octobre 2010. « Notre engagement pour Nutrition Nord Canada a augmenté et non pas diminué par rapport au programme Aliments-poste. Ainsi, l’idée selon laquelle nous ferions cela pour des raisons fiscales est fausse », clame le ministre.

En suivant le Guide alimentaire canadien, le gouvernement a réduit la liste des aliments qui bénéficient d’une subvention depuis le 3 octobre dernier. Chaque article possède maintenant un code parmi les 97 disponibles et chaque aliment se classe suivant deux niveaux de subvention par rapport à sa valeur nutritive. Le beurre, par exemple, est maintenant moins subventionné que la margarine molle non hydrogénée qui se retrouve dans le niveau un de la subvention gouvernementale. Commandées à partir de Deline, aux TNO, un village accessible par route d’hiver, deux livres de beurre recevraient approximativement une subvention de cinq cents alors qu’un kilo de margarine bénéficierait d’un rabais de 30 sous.

Les denrées non alimentaires, la plupart des denrées non périssables et certains aliments périssables peu nutritifs ne sont désormais plus admissibles au programme.

Ainsi, Nutrition Nord ne cache pas son mandat d’orienter les choix des consommateurs nordiques vers des aliments plus sains. « Manifestement, nous essayons d’influencer le choix des consommateurs », déclare l’interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits.

 

Postes Canada éclipsée

Depuis plusieurs décennies, le service Aliments-poste est assuré par Postes Canada à travers le nord du pays. Toutefois, à la suite d’un examen complet du programme lancé par le gouvernement fédéral et publié en 2009, le MAINC s’est attaqué à modifier ce système. M. Graeme Dargo, qui a été nommé représentant spécial du ministre en août 2008, recommande dans l’évaluation du programme Aliments-poste qu’il soit « remplacé par un nouveau programme élaboré en partenariat avec les détaillants ». Il affirme que si le programme était géré par les détaillants dans le cadre d’ententes contractuelles, il y aurait une amélioration en matière de transparence et d’imputabilité, « sans compter que le gouvernement du Canada [jouirait] d’une meilleure visibilité quant à son investissement. »

En conférence de presse, le ministre Duncan a observé que « la seule répercussion pour la société Postes Canada est qu’elle ne prendra plus part à une activité dans laquelle elle n’aimait pas s’impliquer ». Une position que réfute Postes Canada, alors que la porte-parole de la société canadienne indique que la décision d’éclipser Postes Canada du programme est venue de leur « actionnaire », le gouvernement du Canada. « Nous étions un partenaire fier de ce programme depuis fort longtemps. Mais notre responsabilité va se terminer quand le nouveau programme va commencer, au mois d’avril prochain », explique Anick Losier. Cette dernière insiste pour souligner que l’implication de Poste Canada était sur une base de recouvrement des coûts où l’argent reçu servait à financer l’opération. « Sur le plan de nos affaires, il n’y a aucun impact. Nous allons respecter les conventions collectives avec nos employés syndiqués, ils auront de nouvelles tâches qui leur seront réattribuées. Mais nous devrons mettre fin à des contrats avec les contractuels », déclare-t-elle.

Pourtant, dans le rapport de son examen stratégique de 2008, Postes Canada affiche l’intention d’entamer des discussions afin de pouvoir appliquer une marge de profit supplémentaire sur les aliments transportés par son programme. « Postes Canada exprime l’avis qu’elle devrait avoir droit à des majorations commerciales ainsi qu’à recouvrer un montant additionnel de 9 millions de dollars en revenus selon le programme de 2007. » En 2007, le financement du programme s’élevait à 39,6 millions de dollars, et a atteint 57, 8 millions de dollars en 2009. À partir du 1er avril, le gouvernement fédéral dirigera annuellement 60 millions de dollars vers Nutrition Nord Canada, dont 54 millions de dollars seront exclusivement réservés à la subvention des aliments.

 

Un sentiment de responsabilité

Durant son allocution, le ministre a mentionné que : « L’ancien programme de Postes Canada n’était pas durable, car leur service n’était pas optimisé pour la distribution de nourriture. Les détaillants qui ont plus de volume sont dans une meilleure position que Postes Canada afin de négocier une meilleure efficacité ». Et c’est effectivement aux détaillants à qui reviendra le soin de négocier avec quelles compagnies aériennes ils feront affaire. Diane Dugay, gestionnaire du Marché du Nord situé à proximité de Montréal, avance que l’amélioration du transport sera peut-être un des bénéfices du nouveau programme. Elle explique que les commandes ne seront plus acheminées à Val-d’Or pour rejoindre le Nunvavik et le Nunavut, mais transiteront par à Ottawa, où des vols directs partiront vers plusieurs collectivités du Nord, selon les offres soumises par les différents transporteurs aériens. « Il faut être réaliste, soutient Diane Dugay, si l’on envoie ça par Postes Canada, [la commande] part le lundi soir. Ça arrive le mardi matin par la route à Val-d’Or, et on peut parler de deux à trois jours après que cela soit fait » témoigne Mme Dugay, qui compte Canadian North, First Air, Air Inuit, et bientôt Air Canada parmi les transporteurs avec lesquels le Marché du Nord pourra négocier. Diane Dugay confie que cette transition requiert un surplus de travail, alors que les détaillants qui veulent continuer à distribuer de la nourriture dans le Nord doivent répondre à de multiples exigences. Elle mentionne qu’elle pense avoir une responsabilité envers les gens du Nord, ses clients qui lui ont à maintes reprises demandé de perdurer leur service. « Si on ne pensait pas qu’on aide et que les gens ont besoin de nous, on ne s’évertuerait pas à faire ce travail-là, car c’est très demandant », témoigne-t-elle.

En 2008-2009, le Nunavut a accaparé près de 60 % (34,4 millions de dollars) du financement accordé à Postes Canada pour le programme Aliments-poste.

En ce moment, la liste des détaillants admissibles au programme n’est pas encore finalisée alors que les appels d’offres se sont terminés à la fin du mois de janvier.

Le gouvernement fédéral, par l’entremise de M. Duncan, a promis que cette liste serait disponible prochainement. En avril 2011, le nouveau programme sera totalement en place et desservira 14 collectivités aux TNO, dont quatre ne seront que partiellement subventionnées, soit Trout Lake, Gametì, Lutsel K’e et Wha Ti.