Les docteurs en naturopathie cherchent à règlementer leur médecine auprès du gouvernement ténois.
Depuis le début, le 7 mars 2011, de la 16e session de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, la ministre de la Santé des TNO a dû répondre sur le parterre de la Chambre à de nombreuses questions concernant l’intégration de certaines professions de la santé au sein de la législation territoriale. Ainsi, lundi et mardi derniers, ce sont quatre députés qui à tour de rôle ont questionné Sandy Lee et ont appuyé l’inclusion des docteurs en naturopathie et des massothérapeutes dans une loi-cadre sur la santé dont l’élaboration a débuté durant l’été 2010.
Avant que ce débat soit lancé en Chambre, tout allait pour le mieux dans le dossier de cette loi-cadre. Le ministère de la Santé et des Services sociaux avait désigné quatre professions comptant peu de représentants aux TNO afin de travailler avec eux et développer des directives pour mieux les encadrer. Ainsi, ce sont les infirmières auxiliaires autorisées, les psychologues, les répondants médicaux d’urgence et les chiropraticiens qui ont été sélectionnés sur le volet pour développer cette loi-cadre.
Selon Lisa Cardinal, directrice de la planification des politiques au ministère de la Santé, il faut habituellement trois à quatre ans pour élaborer une loi. Les fonctionnaires ténois ont donc proposé de mettre en place un cadre législatif permettant d’inclure les différentes professions médicales ayant peu de pratiquants ici aux TNO. « [Cette loi-cadre] améliorera notre réactivité à légiférer d’autres professions dans le futur », prétend Lisa Cardinal, qui estime à un an le temps nécessaire à tout ajout ultérieur. « Nous les consultons pour déterminer le fonctionnement du processus de législation. On veut savoir si l’exigence des compétences doit être continue, ou de quoi aura l’air un système de plainte et d’appel, s’il est nécessaire d’avoir un titre exclusif ou encore si leur champs de pratique doit être établi », explique Mme Cardinal, avouant que cette loi-cadre est encore au stade des balbutiements.
Mais derrière cette nécessité à légiférer ces professions médicales, c’est la responsabilité du gouvernement d’assurer la sécurité publique des Ténois qui apparaît prioritaire. En garantissant que les professionnels qui pratiquent aux Territoires du Nord-Ouest possèdent toutes les certifications adéquates pour le faire, les résidents du Nord gagneront une assurance quant à la qualité des soins qu’ils reçoivent.
Docteur contre charlatan
Ils auscultent, utilisent un stéthoscope, des abaisse-langues, mais ne sont pas médecins. Ils disent diagnostiquer et traiter la plupart des problèmes de santé ainsi que les maladies sévères et chroniques tout comme les docteurs conventionnels. La différence majeure, c’est qu’au moment de prescrire un traitement, le docteur en naturopathie va adopter une approche naturelle plutôt que pharmaceutique.
Nicole Redvers pratique la médecine naturopathique depuis le mois de janvier à Yellowknife. Elle rejoint ainsi Saeid Mushtagh, qui a été le seul docteur en naturopathie à professer aux TNO depuis les cinq dernières années. Depuis peu, Sharon Hannaford, une autre praticienne s’est installée à Fort Simpson, ce qui porte à trois le nombre de docteurs en naturopathie aux TNO : assez pour former une association territoriale et commencer à faire des démarches pour débuter un processus de réglementation. Au Canada, six provinces ont déjà réglementé cette médecine.
« Les Territoires du Nord-Ouest est un des derniers territoires et provinces à initier des pourparlers afin de réglementer notre profession. C’est le temps, car actuellement, sans législation, n’importe qui peut s’installer aux TNO, mettre sur pied une clinique et s’identifier en tant que docteur en naturopathie sans que personne ne lui demande s’il a des compétences, des diplômes, ou s’il est enregistré ailleurs au Canada », prévient Nicole Redvers.
C’est donc pour se dissocier des individus qui ne possèdent pas de diplômes ou plusieurs années d’études médicales que cette association territoriale des docteurs en naturopathie désire la mise en place d’une réglementation. Il y aurait ainsi une différence entre un docteur en naturopathie et un naturopathe, qui peut obtenir cette appellation en suivant simplement un cours en ligne. « Le nom de naturopathe crée de la confusion, car tout le monde utilise cette appellation en général », atteste Mme Redvers, mentionnant que ce n’est pas nécessairement faux, mais qu’il faut tout de même faire des distinctions.
Pourtant, aux yeux du gouvernement, il est clair que la seule distinction à faire est celle entre un docteur et un professionnel de la santé. Comme l’ont déclaré la ministre Sandy Lee en Chambre et Mme Cardinal en entrevue : « Aux TNO, selon la Loi sur les médecins, c’est uniquement un médecin qui a le droit de porter le titre de docteur ».
Une loi qu’appliquent à la lettre certains Ténois, comme George Lessard, un individu qui s’est publiquement opposé à l’inclusion de cette médecine dans ce processus de réglementation. « Pour moi, ce n’est pas de la vraie médecine, dénonce-t-il à L’Aquilon. La naturopathie ce n’est pas vraiment une science. » M. Lessard dit ne jamais avoir consulté un naturopathe ou un docteur en naturopathie et soutient qu’il n’y a pas de différence à faire entre les deux. Dans sa protestation au ministre, George Lessard met également l’accent sur l’idée que le gouvernement ne devrait surtout pas inclure ces services dans sa couverture d’assurance-maladie.
Donner le choix aux patients
Si l’inclusion de la médecine naturopathique dans le processus de réglementation dépend du bras de fer politique qui se joue actuellement à l’Assemblée législative, au dire du ministère, une chose est certaine : « le but de cette loi-cadre n’est sûrement pas de faciliter l’intégration de ces possibilités médicales au sein du régime d’assurance-maladie territorial », tranche Lisa Cardinal. Nicole Redvers précise pour sa part que ce n’est pas non plus l’objet de ces démarches auprès du gouvernement et qu’elle veut d’abord établir le champ d’activité et la règlementation de sa profession. Bien sûr, elle aimerait que cela se produise dans le futur, afin, dit-elle, de donner le choix aux résidents du Nord et spécialement à ceux qui ont des droits conférés par traité. Étant d’origine métisse, cette docteure en naturopathie se dit passionnée par le fait d’offrir à ses clients des liens avec la médecine traditionnelle.
Pour l’instant, la plupart des régimes d’assurance santé des travailleurs ténois couvrent jusqu’à 500 $ de frais de médecine naturopathique par année. Saeid Mushtagh détaille que les gens pourraient avoir plus de choix quant aux types de médecine lorsqu’ils veulent consulter, mais que la volonté doit venir du gouvernement. Il déclare que la prévention et l’éducation sont une source d’économie pour n’importe quel gouvernement qui consent à promouvoir la collaboration entre la médecine conventionnelle et la naturopathie. « La chose qui me cause le plus de soucis c’est l’approche générale de la médecine, où la plupart des budgets de la santé sont dirigés vers le traitement des maladies chroniques. Cela m’inquiète que nous ne dirigions pas nos efforts vers la prévention et l’éducation. Pour le diabète, par exemple, si on prend le temps de donner aux patients les outils et d’expliquer les raisons pour lesquelles ils doivent apporter des changements dans leur style de vie, ils les mettront en place dans leur quotidien », indique ce docteur en naturopathie.
En décrivant la nature de sa clientèle, Nicole Redvers dévoile que 95 % de ces clients sont de nouveaux utilisateurs de la médecine naturopathique. Michelle Culhane, une résidente de Yellowknife et patiente d’un des deux docteurs en naturopathie en ville, mentionne que c’est assez nouveau pour elle aussi. « Je préfère la méthode alternative à la méthode conventionnelle. Je viens pour moi et pour ma fille et ça nous convient bien. Je n’ai pas à m’inquiéter des médicaments que je lui donne, car ils sont à base naturelle », témoigne Mme Culhane. Au sujet de l’assurance-maladie, cette dernière ajoute que tout Ténois devrait pouvoir bénéficier des services d’un docteur en naturopathie s’il le désire.