Un fonctionnaire du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest s’attaque au programme qui favorise l’embauche des Ténois.
Par le passé, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest s’est déjà défendu de son interprétation de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Dès le mois de juillet, il devra répondre de l’application de l’article six de cette même charte, alors qu’un résident des TNO remet en question la constitutionnalité du programme d’action positive qui prime au sein de la fonction publique ténoise depuis 1989.
Le 24 mai dernier, William Turner, qui travaille à Yellowknife en tant que conseiller en matière de politiques et de législation pour la Société d’investissement et de développement des Territoires du Nord–Ouest, a déposé un recours en justice devant la Cour suprême des TNO.
« J’amène le gouvernement territorial en cour, mais pas sur une base discriminatoire. J’attaque leur politique de promotion sociale (note marginale à la Charte canadienne des droits et des libertés résumant la portée de programmes destinés à améliorer la situation d’individus défavorisés socialement ou économiquement). Je l’attaque sur la base des droits de mobilité », déclare Bill Turner. Ce diplômé en criminologie de l’Université Carleton qui a également étudié le droit, avance que l’article six de la Charte permet à tout citoyen canadien de travailler partout au pays et interdit aux provinces et aux territoires d’imposer des restrictions à l’intérieur de leurs frontières. Il interprète ainsi qu’un travailleur de Terre-Neuve peut aller travailler sans restriction en Alberta ou ailleurs au Canada. « La politique en place en ce moment [aux TNO], rappelle-t-il, donne la priorité à tous ceux qui ont de l’ancienneté dans le Nord. »
Favoritisme régional
Le programme de promotion sociale consiste simplement à embaucher prioritairement des candidats identifiés par certains critères lorsque des postes sont à pourvoir au gouvernement territorial. Ces critères s’appliquent hiérarchiquement aux Autochtones des Territoires ou à tous ceux ayant vécu la moitié de leur vie en sol ténois. Ils favorisent également l’embauche de personnes ayant une limitation fonctionnelle et promeuvent la nomination de femmes à des postes de gestion.
« Je ne touche pas aux discriminations, car c’est un concept compliqué et ça ne me tente pas de me plonger là-dedans, mais je touche uniquement à la préférence régionale. Car les quatre catégories ont quelque chose en commun », affirme M.Turner : l’ancienneté pertinente aux Territoires. Ce qui est, selon lui, contre l’article six de la Charte qui protège la liberté de circulation et d’établissement des citoyens canadiens.
Dans l’article six, il est stipulé qu’un citoyen canadien ou un résident permanent a le droit de se déplacer dans tout le pays, d’établir sa résidence dans toute province ainsi que de gagner sa vie dans toute province. Ce droit se subordonne toutefois aux lois et usages d’application générale en vigueur dans une province ou un territoire donné, s’ils n’établissent entre les personnes aucune distinction fondée principalement sur la province de résidence antérieure ou actuelle.
La Charte admet une autre exception si les lois provinciales ou territoriales prévoient de justes conditions de résidence en vue de l’obtention des services sociaux publics. William Turner estime qu’une attente de six mois ou d’un an, pour demander une bourse ou une demande d’aide sociale, est un délai raisonnable. Il explique également que l’article six accepte une troisième exception qui réside dans le fait que la province ou le territoire peut appliquer des promotions sociales pour des membres désavantagés si le taux d’emploi de la province est inférieur au taux national. Le plaignant argumente que ce n’est pas le cas aux Territoires. En effet, selon le gouvernement ténois, le taux d’emploi aux TNO était de 70,3 % en date du mois d’avril 2011 alors que, pour la même période, il plafonnait à 61,9 % dans le reste du pays, selon Statistique Canada. « À cause de ce taux, la promotion sociale ne s’applique pas, tranche-t-il. De plus, la politique de promotion sociale donne préférence à toutes les personnes qui viennent des Territoires du Nord-Ouest. C’est donc pour un grand groupe de personnes. Ce n’est pas dirigé vers un groupe désavantagé de la population. Et c’est pourquoi ça ne marche pas, car le vrai but est de donner la préférence à des résidents. »
William Turner est sûr qu’il a trouvé la brèche à ce système établi. Il a obtenu une séance devant la justice pour déposer sa requête le 8 juillet prochain. Ce Yellowknifien bilingue se représentera lui-même et demandera des dépens en tant que défenseur d’une cause d’intérêt public. Optimiste, il avoue à L’Aquilon que le dossier pourrait tourner en sa faveur avant la fin de l’été.
M. Turner est membre de la Commission des droits de la personne depuis octobre 2010. Il a tenu à préciser que ce recours en justice n’a rien à voir avec ses fonctions de commissaire. « Je fais ça en tant que citoyen privé, c’est indépendant de mon rôle de commissaire des droits de la personne. »