Dans quatre ans, l’océan Arctique sera relié par la route aux deux autres qui bordent le Canada.
« C’est le plus gros projet économique réalisé sur les terres, non seulement pour les Inuvialuits, mais également pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest », proclame Vince Teddy. Ce dernier fait valoir les intérêts de la communauté inuvialuite de Tuktoyaktuk au sein de la Société régionale inuvialuite. Selon lui, les deux tiers des 137 km de route entre Inuvik et Tuktoyaktuk déposés pour conclure le dernier tronçon routier canadien vers l’océan Arctique seront construits sur les terres inuvialuites. En respectant la Convention définitive des Inuvialuits (CDI) conclue avec le gouvernement canadien en 1984, les gouvernements doivent compenser ce groupe autochtone alors qu’ils empiètent sur leur territoire. « Les gouvernements ont l’obligation d’offrir des bénéfices économiques aux Inuvialuits, simplement en raison de la nature des droits de propriété des terres comprise dans la CDI », rappelle celui qui a participé aux négociations territoriales menant à l’accord de 1984.
Ce projet de 299 millions de dollars appuyé en mars 2013 par le gouvernement fédéral avec un financement de 200 millions de dollars est déjà commencé. Durant la construction, qui est prévue s’échelonner sur quatre ans, les bénéfices pour la collectivité de Tuktoyaktuk seront tangibles alors que l’on préférera les travailleurs de la région pour pourvoir les 400 emplois anticipés. Des terres de la Couronne seront également données aux Inuvialuits en compensation des terres perdues par le passage de la route. Du point de vue de l’économie, la Société régionale inuvialuite bénéficiera directement de la construction de cette route alors que depuis plusieurs années, les Inuvialuits produisent du gravier grâce à des carrières situées sur leurs terres. Cette ressource constitue une partie importante du matériel de construction de cette future route non pavée. Comme l’affirme M. Teddy : « Les ressources de nos terres nous appartiennent, nous attribuons le terme redevance au prix que le gouvernement va payer pour s’approprier ce gravier des Inuviatluit. »
Si le 8 mars 2013, à l’Assemblée législative, le ministre de l’Industrie, David Ramsay, n’a pas voulu confirmer que ces redevances étaient déjà comprises dans l’estimation totale du projet, Vince Teddy a expliqué en entrevue qu’un prix fixe sera déterminé pour l’achat du gravier inuvialuit et sera compris dans ce budget de 299 millions de dollars. Earl Blacklock, responsable des communications au ministère des Transports, a souligné que le prix des redevances était normalement compris dans les 299 millions de dollars, mais qu’il faudra attendre la fin des négociations sur ces redevances pour réellement affirmer qu’elles ne feront pas augmenter le budget total du projet.
Les plans pour le futur
Bill Rutherford, qui vend des produits frais provenant de la Colombie-Britannique, se rend depuis plusieurs années jusqu’à l’océan Arctique. Cette année, pour vendre ses fruits et légumes aux résidents de Tuktoyaktuk, il a fait quatre voyages avec son poids lourd sur la route de glace. Alors qu’il pense livrer son dernier chargement dans quelques années, il dit espérer pouvoir le faire sur la nouvelle route permanente. « Mais ils ne construisent pas cette route pour moi, s’amuse-t-il. Ils parlent de faire un port en haute mer pour charger le pétrole et le gaz naturel. »
C’est exactement ce qu’entrevoit Vince Teddy quand il dit que le développement pétrolier en mer de Beaufort va s’effectuer et que la construction d’un port est inévitable. « Nous pensions à un port au standard national, mais avec la visite de représentants coréens et américains, nous songeons maintenant à construire un port international », raconte-t-il, tout en illustrant que la route vers Tuktoyaktuk sera finalement une rampe de sortie pour mieux distribuer les ressources canadiennes ou américaines.