Il faut changer de façon de penser, affirme Daryl Dolynny
Les Territoires du Nord-Ouest seraient un des pires endroits au Canada en ce qui a trait aux problèmes de consommation de drogue et d’alcool. Des solutions efficaces sont-elles vraiment en place?
Selon Statistique Canada, les hommes des Territoires du Nord-Ouest viennent au second rang du pays – après Terre-Neuve – pour la consommation excessive d’alcool. D’après un rapport du ministère de la Santé des TNO de 2010, 58 % des hospitalisations dues à des problèmes de santé mentale sont associées à une consommation excessive. Entre 2000 et 2009, 45 % des accidents mortels aux TNO étaient reliés à la consommation d’alcool. Et on n’a pas encore parlé de drogue.
Bref, il y a aux Territoires un immense besoin de ressources (structurelles, financières et humaines) pour redresser la situation, ce qui rend consternante la fermeture du centre de traitement Nats’ejee K’eh, en septembre dernier. Pour le remplacer, le gouvernement a signé une entente avec quatre centres similaires, situés à Nanaimo, Edmonton et Calgary. Mais ces ententes arrivent à échéance en mars 2014 et si le ministre de la Santé, Tom Beaulieu, songe sérieusement à les renouveler, il dit qu’il faudra attendre à la prochaine session de l’Assemblée législative, en février, avant de savoir si des budgets seront disponibles à cet effet. Par contre, le ministre affirme que dès le printemps prochain, il offrira aux personnes souffrant de dépendances des activités en pleine nature et, plus tard, un programme d’unités mobiles qui se déplaceront d’une région à l’autre. Dans le premier cas, il s’agit d’une approche globale, aussi appelée holistique, ou de guérison basée sur les liens avec la nature et la spiritualité. « Entre 50 et 60 personnes sont actuellement réunies à Fort Simpson pour mettre au point ce programme, note Tom Beaulieu, qui vise principalement les jeunes. Quant aux unités mobiles, un concept valorisé dans le Plan d’action en santé mentale, alcoolisme et toxicomanie, il s’agit de conseillers visitant les collectivités pour faire des rencontres individuelles ou collectives. Le ministère de la Santé est actuellement en pourparlers avec des ressources locales d’ici et du Sud afin de mettre la formule au point.
Les priorités
Le député de Range Lake, Daryl Dolynny, pharmacien de formation, a passablement étudié ce dossier, en plus de questionner assidument le ministre de la Santé, Tom Beaulieu, lors de la 4e session de la 17e Assemblée législative.
On peut résumer les propos du député en disant qu’il considère la situation actuelle comme un désastre, au point où il juge pertinent le questionnement controversé de son homologue Robert Hawkins sur le travail de Tom Beaulieu. Daryl Dolynny considère que les activités en pleine nature et les unités mobiles de traitement seraient une bonne chose, mais que les priorités sont d’améliorer les milieux de vie et d’avoir aux Territoires des lieux pour la désintoxication sous supervision médicale. « C’est le point de départ, affirme-t-il. Le gouvernement nous dit qu’il y a des lits consacrés à cet usage à Inuvik et à l’hôpital Stanton. Mais le personnel ne le sait même pas et ces lits ne sont pas utilisés à cet effet. »
Selon le député de Range Lake, les ententes pour les traitements de sevrage avec les institutions du Sud se chiffrent à 1 M$ par année. Il fait remarquer qu’avec certains de ces établissements, des frais s’appliquent, qu’on y envoie des gens ou non. « Les ententes avec elles arrivent à échéance en mars 2014, souligne-t-il. Après, il n’y a rien de prévu, alors qu’on avait établi un Plan d’action en santé mentale, alcoolisme et toxicomanie il y a à peine un an. » S’il fallait encore en ajouter à la morosité de la situation, Daryl Dolynny souligne qu’aux Territoires du Nord-Ouest, la santé est sous financée par rapport à la moyenne canadienne et que le ministre des Finances a indiqué que le programme de santé des TNO ne recevrait aucun montant issu du transfert des responsabilités. Faut-il en conclure qu’il n’y aura pas, avant très longtemps, un centre de désintoxication aux TNO? Il y a eu un moment de silence, puis Daryl Dolynny a conclu : « Nous avons besoin d’un gros changement dans notre façon de penser. »
Avec l’eau du bain
Considérant le sort du centre de traitement Nats’ejee K’eh, tout porte à croire qu’on a jeté le bébé avec l’eau du bain, ou que des éléments de l’énigme sont cachés au public. « Je n’ai pas l’impression que tout a été révélé, confirme Daryl Dolynny. Le conseil d’administration de Nats’ejee K’eh a remis un très bon plan d’affaires à Tom Beaulieu et six mois après, celui-ci fermait unilatéralement le centre de traitement. Il y avait pourtant là une possibilité de discussions. Quand tu veux faire des changements de cette envergure, tu dois en discuter avec l’Assemblée. Le ministre de la Santé n’a pas respecté cette norme, ni le Plan d’action, ni le Forum ministériel sur les toxicomanies et le mieux-être communautaire. Parmi les 67 recommandations du Forum se trouvait celle de garder ouvert le centre de traitement et d’y offrir davantage de services. »
Daryl Dolynny a visité Nats’ejee K’eh, situé dans la réserve dénée de Hay River. Il concède qu’il pouvait y avoir des problèmes, par exemple que l’endroit n’était pas complètement adapté à toutes les cultures des TNO. « Mais la vision était assez large pour traiter tout le monde, précise le député. Maintenant, nous avons un bâtiment vide à Hay River, dont il faut encore payer l’entretien. Nous avons renvoyé des travailleurs qualifiés qu’on avait eu de la misère à faire venir aux Territoires du Nord-Ouest. Nous avons envoyé un très mauvais message. » Le ministre de la Santé, Tom Beaulieu, a rétorqué que même lorsque le centre Nats’ejee K’eh était en activité, on envoyait des gens dans le Sud lorsque leur cas le requérait. Il a jouté que le Conseil de bande de Hay River, les députés de cette région et les aînés de l’Hôpital Stanton seront consultés sur sa future vocation.