Par Stéphanie Marin
LA PRESSE CANADIENNE
OTTAWA — Le Canada est prêt pour un nouveau départ, ont déclaré des anciens premiers ministres et des chefs des Premières Nations qui joignent leurs forces pour tenter d’éliminer les tensions entre les Autochtones et le reste de la population.
Une déclaration invitant à un nouveau partenariat a ainsi été signée jeudi matin à Gatineau par une coalition de Premières Nations et de politiciens.
« Et si une telle initiative n’est pas entreprise, le conflit et les tensions vont continuer de s’aggraver », a prévenu l’ancien premier ministre progressiste-conservateur Joe Clark, en point de presse.
Le but des « Canadiens pour un nouveau partenariat » est d’obtenir de meilleures conditions de vie, d’éducation, de soins et de perspectives économiques pour les Autochtones — mais tous doivent d’abord s’engager à travailler ensemble, affirment les responsables du groupe.
Bref, il s’agit d’un grand mouvement de sensibilisation de la population et d’un forum de discussion pour rassembler tous ceux qui veulent travailler à l’amélioration des liens entre Autochtones et non-Autochtones. Et à une reconnaissance de leurs droits et des traités historiques.
Le message envoyé est qu’ensemble, les deux peuples peuvent construire un meilleur pays, avec une économie prospère, basée sur des valeurs fortes.
L’ex-chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Ovide Mercredi, a déclaré à cette occasion « qu’il y a beaucoup à gagner à réparer les relations entre les peuples autochtones et non autochtones — et beaucoup à perdre si nous ne parvenons pas à réconcilier nos différences ».
Le gouvernement fédéral était toutefois absent du portrait de famille jeudi.
Une absence remarquée, car c’est lui qui a le pouvoir législatif de changer les choses et qui est responsable des négociations avec les Premières Nations.
« Mais notre cible immédiate n’est pas le gouvernement, c’est l’opinion publique et les citoyens, a précisé M. Clark.
« Et nous espérons que la perspective des personnes qui ne sont pas intéressées puisse changer », a-t-il ajouté.
En 2008, le gouvernement fédéral avait commencé à réparer les torts causés lorsque le premier ministre Stephen Harper avait présenté des excuses officielles pour le traitement réservé aux enfants autochtones dans les pensionnats.
Mais jeudi, appelé à commenter la création du nouveau partenariat, le bureau du ministre des Affaires autochtones, Bernard Valcourt, a diffusé un communiqué qui n’en a fait aucune mention.
« Notre gouvernement va continuer à travailler avec les Autochtones pour créer des perspectives économiques et améliorer la qualité de vie des Premières Nations », pouvait-on y lire.
M. Clark et l’ex-premier ministre libéral Paul Martin étaient présents lors de la cérémonie de signature et ils travailleront pour la réussite de la nouvelle initiative.
Dans cette coalition, on retrouve aussi des anciens chefs de l’Assemblée des Premières Nations, l’ex-vérificatrice générale Sheila Fraser et le juge Murray Sinclair, qui a mené de front la Commission de vérité et de réconciliation.
Selon la leader inuite Mary Simon, ex-présidente de l’Inuit Tapiriit Kanatami, tous les Canadiens doivent profiter de cet élan.
Ce partenariat découle de la Commission de vérité et de réconciliation, qui se penche sur le sort des Autochtones qui ont été envoyés dans des pensionnats. Et aussi du mouvement « Idle no more » (L’inaction, c’est fini), qui a occupé la Colline parlementaire, notamment en janvier 2013, et qui a aussi insufflé un renouveau d’espoir aux relations entre les peuples autochtones et non autochtones.
Les leaders des peuples autochtones craignent que le rapport de la Commission ne soit mis sur une tablette, puis oublié, sans qu’aucun changement n’en découle.
« Nous craignons que les erreurs du passé ne se répètent, s’il n’y a pas un nouveau partenariat », a déclaré l’ex-premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Stephen Kakfwi, lui-même un survivant des pensionnats pour enfants autochtones.
« Nous sommes des partenaires dans cette idée qu’un meilleur Canada est à portée de main », a-t-il expliqué au sujet de ce nouveau projet.
Pour le député néo-démocrate Jonathan Genest-Jourdain, porte-parole adjoint pour les affaires autochtones, le partenariat est prometteur. Justement parce que le mot « partenariat » est utilisé, ce qui implique une relation qui n’est pas unilatérale, une façon de faire trop longtemps utilisée avec les peuples autochtones, dit-il.
« Mais la démarche ne doit pas être dénuée de sens », prévient-il.
Le fait que la coalition parle de discussion et non pas d’action concrète ne le choque pas. Tout doit commencer par là : « les peuples autochtones se sont désintéressés de la politique canadienne », juge-t-il.
Il croit que l’absence du gouvernement canadien s’explique en partie par le fait que Stephen Harper et ses troupes ne croient pas réellement en la consultation. Il pense aussi qu’Ottawa est frileux dans ce dossier, car il a été mis dans l’embarras sur la scène internationale au sujet du traitement de ses peuples autochtones.
Quant au Parti libéral, il est d’avis qu’une approche différente était plus que nécessaire et il se réjouit de l’initiative.
« Il existe un besoin urgent et critique d’établir un partenariat qui traite des dossiers brûlants d’une manière qui respecte les droits inhérents et conférés par traité », a déclaré le chef Justin Trudeau par voie de communiqué.