Selon Jean-Pierre Isoré, l’armée encadre mal ses membres souffrant de maladie mentale.
Lors de son témoignage dans le cadre du Forum sur la santé mentale, l’ex-major Jean-Pierre Isoré a déploré le manque de soutien dans les Forces armées canadiennes pour les gens ayant des problèmes de santé mentale, et exhorté les gens de l’assistance à veiller les uns sur les autres.
6e génération d’officiers dans sa famille, Jean-Pierre Isoré a notamment œuvré pour le renseignement et pour l’Organisation des Nations Unies durant sa carrière. En 1975 à Chypre, une mine fait exploser son véhicule, tuant son meilleur ami. Jean-Pierre Isoré quitte l’armée, victime d’un stress post-traumatique sévère. Après avoir tenté de se soigner lui-même, il reprend plus tard du service mais est victime d’une rechute et connaîtra plusieurs épisodes suicidaires. « Le stress post-traumatique, martèle-t-il, n’est pas guérissable. On peut seulement le rendre vivable. »
Le monsieur prononce des mots assez durs sur le système de soins en santé mentale au Québec. Il lui reproche les délais et le manque de résultats. « La psychiatrie, déplore Jean-Pierre Isoré, n’a pas, comme la médecine, une imputabilité de résultats. Et les psys sont formés à l’école, mais ce n’est pas l’école du vécu. »
Des lacunes
Lors de son témoignage, Jean-Pierre Isoré a également tiré à boulets rouges sur le traitement de la maladie mentale dans les Forces armées canadiennes. « Nous avons, dit-il, laissé plus de soldats se suicider suite à leur passage en Afghanistan que les Talibans n’en ont tués durant la guerre. L’armée a fermé en septembre 2013 à Montréal son seul service de prévention, le centre de soutien au déploiement, qui avait été un modèle pour toutes les autres bases au Canada. » Plus tard, il ajoutera que les soldats ayant des problèmes de santé mentale dans l’Armée ne veulent pas se faire connaître de crainte d’être ostracisés, et ceux qui ont moins de 10 ans d’ancienneté se font congédiés et perdent leur retraite. Jean-Pierre Isoré prédit que si les Forces Armées n’améliorent pas leur encadrement, il y a aura une autre vague de suicides au retour des derniers militaires canadiens d’Afghanistan. Lui-même s’est donné comme vocation de prêter assistance aux militaires en détresse et fait partie d’un réseau informel répandu en Amérique du Nord. « Si vous saviez, dit-il, combien de vies nous sauvons sur Facebook chaque jour. »
Pour Jean-Pierre Isoré, les problèmes de santé mentale trouvent en partie leur origine dans l’individualisme de notre époque, dont les selfies sont l’icône, dans l’indifférence que les gens ont les uns pour les autres. Son remède? La solidarité. « Nous sommes 20 000 citoyens et ils sont 10 au gouvernement à s’occuper de santé mentale, observe-t-il. Ça ne peut pas marcher. Alors nous sommes tous responsables de la santé mentale de notre communauté. Ce n’est pas un tort de s’occuper des affaires des autres, c’est un devoir. »
En fait, s’il faut en croire un sondage de Statistiques Canada effectué en 2013, « un militaire sur six a deÏclareÏ eÏprouver, au cours des 12 mois preÏceÏdents, des symptômes correspondant aà au moins un des six troubles mentaux ou des probleÃmes d’alcool viseÏs par l’enquÍte. » Les Forces armées canadiennes offrent différents services pour les gens éprouvant des problèmes de santé mentale. L’Aquilon ne les a pas analysés pour les besoins de cet article.