C’est le temps de revenir ensemble. Pas comme Chipewyan, Cri ou Métis. Comme un. – Ruth Mercredi
Discours, tambours, larmes et espoir : le 31 mai, en marge d’Ottawa, avait lieu à Yellowknife une marche pour souligner la fin des travaux de la Commission de vérité et de réconciliation.
L’ancien de CBC Paul Andrews, un Déné du Sahtu, a connu les horreurs des pensionnats indiens et y a perdu plusieurs parents. À la Northern United Place, il a livré un discours fort, modulé par la colère, la douleur, la soif d’apaisement aussi. « Vous savez, a-t-il clamé, que jusqu’à 40 % des enfants qui étaient dans les pensionnats indiens y sont morts. Ils ne sont jamais revenus, ils n’ont jamais été revus. On me dit "Passe à autre chose". Plus que toute autre chose, j’aimerais bien aller. J’aimerais vous dire que je suis passé à autre chose, que je ne suis plus fâché.
« Mais vous savez comme je le sais que nous venons d’un grand peuple merveilleux. Le peuple qui a survécu même s’il a perdu la moitié de sa famille, malgré la faim. Un peuple qui a pardonné, et qui dit : Oui, il y a un potentiel pour que les sourires et les danses de tambour reviennent (…), que la langue revienne. Et nous rirons et nous sourirons parce que c’est le genre de peuple que nous sommes. Et vous savez comme je le sais que l’espoir et la résilience sont là. »
« Nous ne voulons pas que nos enfants, nos petits-enfants et les gens des sept prochaines générations passent à travers la même merde que nous, a ajouté M. Andrews. Comme m’a dit un survivant de l’Holocauste, ces choses arrivent quand les bonnes personnes regardent de l’autre côté. Nous allons arrêter de regarder de l’autre côté. »
Traumatisme
Le rassemblement a commencé au Parc Somba K’e, où quelques discours on été prononcés. D’autres ont été tenus devant le bureau de poste. Vice-présidente du Pauktuutit Inuit women of Canada, Brenda Norris a dit qu’une des répercussions les plus importantes des pensionnats sont les hauts taux de violence et de suicide dans les collectivités. « Les pensionnats, a déploré Mme Norris, ont volé aux enfants l’amour et la famille, la langue et la culture. » Le traumatisme, a-t-elle ajouté, s’est perpétué d’une génération à l’autre.
Pauktuutit œuvre, avec très peu de ressources, à mettre un terme à la violence contre les femmes et les enfants et à sensibiliser les Inuits aux paiements d’expérience commune et aux processus d’évaluation individuelle. Brenda Norris a dit espérer que les excuses du gouvernement se transforment en actions concrètes afin que son organisme soit en mesure de remédier à des générations de traumatismes et de violence. Elle a remercié Mary Sinclair, Mary Wilson, Willy Littlechild et le personnel de la Commission de vérité et de réconciliation d’avoir écouté jour après jour des histoires de violence, sachant que les victimes avaient besoin d’être entendues.
S’unir
Comment continuer le processus de guérison, maintenant que les travaux de la Commission sont terminés? Pour Ruth Mercredi, une Dénée survivante des pensionnats, la solution est dans l’unité et le retour aux sources. « Nous avons oublié qui nous sommes; je sens que dans le futur, nous devons axer nos efforts sur notre façon de vivre et notre culture. Et c’est le bon moment. Ceux qui ont surmonté les problèmes des pensionnats peuvent aider ceux qui luttent encore. C’est comme ça que ça doit fonctionner, avec de la compassion. Sans les autres, nous n’irons pas loin. Nous avons été tellement séparés. C’est le temps de revenir ensemble. Pas comme Chipewyan, Cri ou Métis. Comme un. »
Rencontre
Pensionnaire durant 12 ans, Katherine a été agressée durant cette époque. « Tous les jours c’est avec moi, quand je me lève. » L’existence de la Commission l’aide à guérir, dit-elle.
Le chef de N’dilo, Ernest Betsina, a aussi été pensionnaire à Inuvik entre 1979 et 1982. Il dit croire que son peuple arrive aujourd’hui à une ère d’espoir et de changements tout en souhaitant que le rapport de la Commission ne soit pas tabletté, et que le gouvernement l’examinera sérieusement.
Dans le contexte historique canadien, la pérennité et la diversité des cultures amérindiennes tiennent du miracle, analyse Kiera, une Gwich’in. La jeune femme espère que le processus de vérité et de réconciliation créera un espace sécuritaire qui permette aux Autochtones et aux survivants de partager leurs expériences et aux non-Autochtones de comprendre leur rôle. « Alors, poursuit-elle, nous pourrons tous nous rencontrer et aller ensemble vers la guérison. Parce que beaucoup de racisme systémique origine de cette approche génocidaire. »
Le gouvernement a maintenant en main les recommandations de la Commission pour réparer ses torts. Mais si les Autochtones se fient uniquement au gouvernement pour panser les plaies, note Kiera, ils vont attendre indéfiniment. Elle souligne que des solutions allant au-delà des termes électoraux doivent être mises en place. « Nous venons d’un traumatisme systématique, ajoute-t-elle, mais notre génération a la capacité de redéfinir le potentiel autochtone. Nous allons faire tout ce que nous pouvons pour soutenir la prochaine génération afin qu’elle croie en elle-même et dans la possibilité de créer des collectivités en santé. »