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le Jeudi 4 juin 2015 12:48 | mis à jour le 20 mars 2025 10:39 Autochtones

Pensionnats autochtones Un « génocide culturel » serait survenu dans les pensionnats autochtones

Pensionnats autochtones Un « génocide culturel » serait survenu dans les pensionnats autochtones
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OTTAWA – Rien de moins qu’un « génocide culturel » serait survenu dans les pensionnats autochtones du Canada pendant plus de cent ans, selon un rapport préliminaire très attendu de la Commission de vérité et de réconciliation rendu public mardi.
À la suite de ce constat effarant, les commissaires ont rédigé 94 recommandations aussi variées qu’une plus grande indépendance des services policiers, une réduction du nombre d’enfants autochtones dans les familles d’accueil et une utilisation restreinte des peines minimales obligatoires. Les auteurs réclament aussi des excuses officielles du pape à l’endroit de ces victimes.
Par ailleurs, ils demandent à ce que les gouvernements fédéral, provincial et municipal adoptent et mettent en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dans le cadre de cette « réconciliation ».
Selon le rapport, la négligence dans les écoles était « institutionnalisée » et les élèves ont été soumis à des sévices « physiques et sexuels ».
Le gouvernement canadien aurait essentiellement déclaré les parents de ces autochtones « inaptes » en envoyant leurs enfants dans ce système, administré en grande partie par les Églises catholique, anglicane, unie, méthodiste et presbytérienne.
« Le Canada a séparé des enfants de leurs parents en les plaçant dans des pensionnats. Ce n’était pas pour les éduquer, mais bien pour rompre le lien avec leur culture et leur identité », note le rapport.
La publication de ce document met un terme à six années d’études approfondies sur les pensionnats autochtones, financés par le gouvernement, qui ont fonctionné pendant plus de 120 ans au pays. Il y avait plus de 130 établissements au Canada. Le dernier pensionnat, situé près de Regina, en Saskatchewan, a fermé ses portes en 1996.
La commission, qui avait été lancée à la suite de l’un des plus grands règlements d’un recours collectif de l’histoire du Canada, a parcouru le pays pour s’entretenir avec des milliers d’Autochtones qui ont vécu dans les pensionnats. Le document complet de l’enquête de six volumes et de milliers de pages sera dévoilé plus tard cette année.
Murray Sinclair – le premier juge autochtone au Canada qui est aussi président de la Commission – a présenté les grandes lignes du rapport à une conférence de presse à Ottawa, mardi matin. Il a été accueilli par une longue ovation.
« L’épisode des pensionnats autochtones est clairement l’un des chapitres les plus sombres et les plus troublants de notre histoire collective », a relaté M. Sinclair, qui a qualifié la Commission « d’expérience difficile, douloureuse, mais inspirante ».
« Les survivants ont besoin de savoir avant de quitter ce monde que les gens comprennent ce qui s’est passé », a-t-il expliqué.
Selon lui, le Canada a sans contredit participé à un « génocide culturel » pendant plus d’un siècle.
« [Les Autochtones] ont été privés de leur amour-propre, ils ont été privés de leur identité. Leurs histoires – plus de 6 750 en tout – font maintenant partie de l’histoire qui ne sera jamais oubliée ou ignorée », a-t-il déclaré.
Plusieurs autres personnes ont livré des témoignages lors de la tournée de la Commission, dont des intervenants qui ont travaillé dans ces établissements. Ces gens sont encore traumatisés par ce qu’ils ont vu pendant toutes ces années et ils regrettent d’avoir participé à ce système, selon le juge.
« Nous avons entendu la douleur de ceux qui étaient responsables de prendre soin de ces enfants. Nous avons entendu les démons auxquels ils font face pour ne pas s’être occupés d’eux adéquatement ou ne pas les avoir protégés de leurs agresseurs », a affirmé M. Sinclair.
Le rapport indique d’ailleurs que les excuses historiques du premier ministre canadien Stephen Harper en 2008 n’ont pas eu d’effets concrets auprès des communautés touchées.
« La promesse de réconciliation, qui semblait imminente en 2008 […] s’est estompée. Sans vérité, sans justice et sans guérison, il ne peut pas y avoir de réconciliation », conclut-on.
M. Sinclair a indiqué qu’il devrait rencontrer le premier ministre Harper plus tard mardi.
En réaction à la publication du rapport, le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, a souligné qu’il était maintenant le temps de « passer à l’action » et d’aller au-delà des promesses.
« L’heure de la réconciliation est venue. Les excuses présentées aux anciens élèves des pensionnats indiens ont constitué un moment fort pour ce pays. Mais ces excuses appellent à l’action, pour ne pas devenir creuses et sans signification. Ensemble, nous pouvons et nous devons agir en vue d’un avenir meilleur pour nous toutes et nous tous », a-t-il plaidé par voie de communiqué.