OTTAWA – Les partis politiques aspirant à prendre le pouvoir à Ottawa ont longtemps courtisé les électeurs francophones, en campagne électorale. Au fur et à mesure que le poids démographique des Canadiens ayant le français comme langue maternelle diminue, les partis et leurs candidats semblent accorder de moins en moins d’importance à cette tranche de l’électorat.
C’est du moins ce que l’on a été en mesure d’observer au cours de cette longue campagne électorale tirant à sa fin. Au Québec, seule province canadienne où les électeurs francophones forment une forte majorité, les partis tentent par tous les moyens de séduire ces mêmes électeurs.
Or, à l’extérieur du Québec, les enjeux propres à la minorité francophone occupent bien peu de place dans la campagne. En fait, il n’en est presque aucunement question, sauf lors de débats locaux.
On a senti cette indifférence de la part des principaux partis lors du débat des chefs en français, débat que diffusait Radio-Canada le 24 septembre dernier. Le fait que l’on y ait ignoré complètement les francophones vivant à l’extérieur du Québec a mené à une virulente sortie de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, qui a incité ses membres à formuler une plainte au CRTC contre le diffuseur public.
D’autre part, impossible de passer sous silence les lettres, les questionnaires et les autres demandes qui sont demeurés sans réponse. Dans les cas où un parti daignait répondre à une lettre ou à questionnaire envoyé par un organisme représentant les francophones hors Québec, les réponses comportaient tout sauf des engagements concrets.
« Pour que le Canada tire meilleur parti de sa dualité linguistique, il faut qu’il se dote d’une vision d’ensemble et d’un plan directeur. Le Canada les a déjà eus, mais il ne les a plus », avançait, à titre d’exemple, le Parti libéral du Canada dans une réponse fournie à la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF). Comme engagement ferme, on repassera.
Des gains négligeables
Si les électeurs francophones se sentent si peu interpellés dans le cadre de la présente campagne électorale, c’est que les partis politiques abordent leurs enjeux moins que jamais auparavant.
Sans douter de la bonne foi des politiciens dans la course, on peut déduire que cette quelconque indifférence envers les dossiers cruciaux pour les francophones vivant en situation minoritaire est le résultat de calculs politiques leur permettant de croire qu’il y a des gains plus considérables à réaliser ailleurs. Les stratèges politiques estiment qu’il vaut mieux mettre davantage d’efforts à séduire l’électorat de la grande région de Toronto qu’à solliciter le vote de francophones répartis aux quatre coins du pays.
Et en jetant un coup d’œil aux statistiques sur la langue à l’échelle du pays, on constate que la situation ne risque pas de s’améliorer au cours des prochaines campagnes électorales.
Lentement mais sûrement, les Canadiens qui ont le français comme langue maternelle voient leur poids démographique diminuer. Au milieu du XXe siècle, ce groupe constituait près du tiers de l’électorat. Une trentaine d’années plus tard, soit au cours des années 1980, c’est le quart de la population canadienne qui avait le français comme langue maternelle. Puis, selon les données du recensement de 2011, le groupe en question ne constitue maintenant que 21,3 % de l’électorat.
En Ontario, province la plus populeuse, on parlait de 3,88 % de l’électorat en 2011, comparativement à 5,0 % en 1991, ayant le français comme langue maternelle. Cette réduction du poids démographique s’observe également au Nouveau-Brunswick, au Manitoba et en Alberta, entre autres.
Bien entendu, ces données ne tiennent pas compte des gens qui maîtrisent le français sans pour autant avoir la langue de Molière comme langue maternelle, mais elles pourraient en partie expliquer le peu de considération des partis envers les enjeux propres aux francophones depuis le début de la campagne.
Comme rien ne laisse présager que les chefs de parti se mettront du jour au lendemain à s’adresser aux francophones, tout indique que les organismes porte-parole devront redoubler d’ardeur afin de présenter leurs revendications une fois un gouvernement élu.