Le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, a déposé le 19 mai son 10e et dernier rapport au Parlement dans lequel il fait deux recommandations principales.
D’abord, prendre immédiatement les mesures pour que les tribunaux permettent à tous les Canadiens d’être jugés dans la langue officielle de leur choix et ensuite, que le gouvernement définisse de manière mieux articulée la façon dont les services fédéraux sont fournis aux communautés minoritaires de langue officielle.
En ce qui concerne l’accès à la justice, le commissaire a essentiellement réitéré les recommandations découlant de son étude de 2013 intitulée L’accès à la justice dans les deux langues officielles : améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures, qui avaient été rejetées par le gouvernement conservateur précédant.
Celles-ci portaient surtout sur le processus de nomination des juges afin « d’assurer en tout temps une capacité bilingue appropriée au sein de la magistrature des cours supérieures du pays » en établissant des protocoles d’entente avec le procureur général et les juges en chef des cours supérieures de chaque juridiction.
« Les Canadiens qui veulent être entendus dans la langue officielle de leur choix devant les tribunaux canadiens se heurtent à des obstacles parfois insurmontables, indique le rapport annuel. […] La capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures demeure problématique dans plusieurs provinces et territoires. »
M. Fraser, dont le mandat se termine justement à ce moment-là, réclame que le processus soit amorcé d’ici au mois d’octobre prochain. « Actuellement, avec le nouveau gouvernement, j’ai espoir que le processus de nomination des juges (sera réexaminé), » déclarait-il par la suite.
Service aux communautés
Selon le commissaire, il faut réévaluer le critère de « demande importante » qui guide l’offre de service en français dans les communautés minoritaires. « (Car) la demande importante se fonde principalement sur la proportion de la population de la minorité linguistique par rapport à celle de la majorité linguistique », explique-t-il.
« La vitalité d’une communauté, qui se traduit par la présence d’écoles, de centres communautaires et de médias communautaires, devrait aussi être prise en compte. (Ainsi) une communauté minoritaire peut prospérer et croître. Cependant, si la croissance de la majorité est plus rapide, il y a perte de services. Cela est simplement injuste. »
Il réclame donc l’adoption rapide du projet de loi S-209, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (communications et services destinés au public), présentée le 3 décembre dernier au Sénat par la sénatrice franco-manitobaine Maria Chaput. « (Celui-ci) prévois une façon de remédier à cette injustice, tout comme le ferait une revue du Règlement sur les langues officielles. »
Le rapport aborde aussi le financement fédéral des organismes d’appui aux communautés, citant « un recul constant et des contraintes en hausse. […] Au-delà de leurs particularités, tous les acteurs communautaires interpellent les décideurs relativement aux responsabilités du gouvernement fédéral et aux ressources accordées afin d’appuyer le développement et la vitalité des communautés de langue officielle. »
Le rapport annuel indique aussi que le commissaire fait présentement enquête sur « plusieurs plaintes pour lesquelles des plaignants soutiennent que des décisions ou l’inaction d’institutions fédérales ont une incidence sur les médias en milieu minoritaire, contribuant ainsi à leur précarité. »
Les plaintes augmentent
Ce 10e rapport du commissaire indique que 725 plaintes ont été déposées en 2015-2016, la moitié (344) émanant des services au public, soit 125 de plus que l’année précédente et que 86 % l’ont été par des francophones.
Le commissaire fait état de « progrès mitigés » quant à la conformité des organismes fédéraux à la Loi sur les langues officielles (Llo), en indiquant cependant que pour les 33 d’entre elles sur lesquelles il a préparé des « bulletins de rendement » publiés sur son site Web, on a constaté une amélioration bien que de la confusion persiste souvent au sujet des obligations.
M. Fraser souligne par ailleurs une hausse de 13 % des plaintes portées quant aux exigences linguistiques des postes au sein de la fonction publique. « Cela s’explique notamment par une mésentente de longue date entre le Commissariat et le Secrétariat du Conseil du Trésor. »
Le Commissariat insiste sur un profil linguistique supérieur (cote C) de compréhension de l’écrit et d’interaction orale pour les postes de supervision, « pour assurer une communication claire et efficace avec les employés dans les régions désignées bilingues aux fins de la langue de travail, » alors que le Secrétariat se contente de l’exigence d’un profil intermédiaire (cote B) à ces chapitres.
Encore Air Canada
Préoccupé par le nombre de plaintes qui s’accumulent devant le laxisme du transporteur aérien Air Canada quant à sa conformité à la Llo, le commissaire entend poser un geste exceptionnel.
« Le 7 juin, je prévois déposer un rapport spécial au Parlement (…). Le rapport soulignera les difficultés qui persistent en ce qui a trait au respect de la Loi par Air Canada. Il proposera aussi des options que le gouvernement fédéral devrait examiner afin de veiller à ce qu’Air Canada respecte avec efficacité ses obligations en matière de langues officielles. »
D’autres études et rapports devraient être conclus avant la fin du mandat de M. Fraser, notamment au sujet de la petite enfance et de l’offre active de services à l’endroit des communautés minoritaires de langue officielle.