Chants de prière, ets’ulah, drum dance et récits, l’ethnomusicologue Nicole Beaudry et son équipe achèvent un livre audio consacré aux trésors de la langue Slavey du nord commencé il y a près de 30 ans.
Nicole Beaudry est retraitée depuis quelques années et poursuit bénévolement un travail qui, pour diverses raisons, s’est étiré sur plusieurs décennies. « Le plaisir est encore là assure-t-elle, et je me considère riche et chanceuse d’avoir pu vivre dans une autre culture. »
Mme Beaudry parle également de son obligation morale envers les Dénés de Deline, contractée lorsqu’elle a été acceptée parmi eux. « Quand les gens du Conseil de bande te voient arriver note-t-elle, ils se disent «Ah non, pas un autre anthropologue!» Il faut démontrer que ce qu’on fait peut leur servir. »
L’utilité du travail de Nicole Beaudry et de ses collaborateurs, dont Michael Neyelle et Laura Tutcho, c’est de contribuer à perpétuer la langue et la culture de Deline. Presque tous les aînés qu’elle a enregistrés lui ont dit : « Je veux que mes enfants entendent ça un jour. »
La transmission est déjà commencée. Certains enregistrements jouent à CBQO, la radio communautaire locale et les gens en redemandent. Nicole Beaudry a fait don de ses originaux aux Archives des TNO avec une condition d’accès pour les gens de Deline; elle envoie ponctuellement des copies d’enregistrement à des familles.
Vers 2017
Mais l’objectif final est la production d’un livre-CD. On y retrouvera des heures de chants et récits de diverses catégories. Les ets’ulah — terme improprement traduit par love song — sont des chansons traitant de choses personnelles, parfois avec humour : plaisir du canot, amour pour un petit-enfant, etc. Certains récits dateraient de plusieurs siècles tandis que des chansons de prière proviennent des prophètes du début du XXe siècle. On pourra notamment écouter Eliza Blondin, John et Charlie Neyelle, Louis et Alfred Taniton.
Le livre-CD, qui sera prêt en 2017, offrira les partitions des chansons qui, comme les récits, seront aussi transcrites en anglais et en Slavey du nord. Le premier enregistrement date de 1988. Mme Beaudry souligne l’apport primordial des interprètes au projet : « Ils savent qui chante bien, qui a de bonnes histoires à raconter. Ils deviennent des assistants, des professeurs. »
Mme Beaudry avait précédemment travaillé sur les Yupiks et les Inuits. Son intérêt pour les Dénés est né alors que René Fumoleau et des membres de cette nation — dont Georges Erasmus — prononçaient des conférences à Montréal pour dénoncer le projet de pipeline dans la vallée du Mackenzie. « J’avais été, se rappelle Nicole Beaudry, impressionnée par leur dignité et leur solidité, l’intelligence de leurs propos. Il fallait que je connaisse ces gens! »